La gestation pour autrui en Islam Réponse pertinente qui atteste le dynamisme et l'acuité intellectuelle des Savants Chiites

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La gestation pour autrui en Islam  Réponse pertinente qui atteste le dynamisme et l'acuité intellectuelle des Savants Chiites

Question :  La gestation pour autrui en Islam

Réponse pertinente qui atteste le dynamisme et l'acuité intellectuelle des Savants Chiites

Excellente question. La gestation pour autrui (GPA), ou "mère porteuse" (أم بديلة ou تأجير الأرحام en arabe), est un sujet complexe qui fait débat parmi les jurisconsultes chiites. Contrairement à une majorité de juristes sunnites qui la rejettent catégoriquement, les chiites adoptent une approche plus nuancée et, dans une certaine mesure, plus permissive, mais sous des conditions très strictes.

Voici une synthèse du point de vue dominant parmi les marja' (sources d'imitation) chiites contemporains.

Le Principe de Base : Une Permission Sous Conditions

La majorité des grands ayatollahs chiites (comme l'Ayatollah Khamenei, l'Ayatollah Sistani, l'Ayatollah Makarem Shirazi, etc.) considèrent que la GPA est en principe permise (ja'iz). Cette permission ne vient pas d'un texte sacré explicite (Coran ou hadith) mais d'un raisonnement juridique (ijtihad) basé sur les principes généraux de la Loi Islamique (Sharia).

Le raisonnement principal est le suivant :

1. Le principe de base en Islam est la permission de toute chose, sauf si une preuve textuelle l'interdit.
2. Il n'existe pas de texte du Coran ou de hadiths unanimement reconnus qui interdisent explicitement le recours à une mère porteuse.
3. L'objectif (maqasid) de la Sharia est de préserver la lignée, la dignité humaine et de permettre la procréation. Pour un couple marié confronté à l'infertilité, la GPA peut être un moyen licite d'atteindre cet objectif.

Cependant, cette permission générale est immédiatement encadrée par une série de conditions strictes et indispensables pour éviter les problèmes liés à la filiation, à l'adultère et à la mixité.

Les Conditions Essentielles (Selon la Majorité des Opinions)

Pour qu'une GPA soit considérée comme licite (halal), les conditions suivantes doivent être réunies :

1. Le Mariage (Al-Zawjiyya)

· Seul un couple légalement marié peut y recourir. La GPA est interdite pour les célibataires.
· Le contrat de mariage doit être valide et en cours.

2. La Filiation (An-Nasab) - Le Point le Plus Crucial

La grande préoccupation est d'établir une lignée claire et incontestable pour l'enfant. Pour cela :

· Au moins un des gamètes (ovule ou sperme) doit provenir du couple commanditaire. C'est la condition la plus importante.
· Il existe donc deux scénarios principaux permis :
  · Scénario 1 (Le plus courant et le moins contesté) : Le sperme du mari et l'ovule de son épouse sont fécondés in vitro, puis l'embryon est implanté dans l'utérus de la mère porteuse. Dans ce cas, l'enfant est considéré comme l'enfant légitime du couple commanditaire. La mère porteuse n'est qu'un "utérus loué" et n'a aucun lien de filiation avec l'enfant.
  · Scénario 2 : Le sperme du mari est utilisé avec l'ovule d'une donneuse (autre que l'épouse), et l'embryon est implanté chez la mère porteuse. Ici, l'enfant est lié au père, mais la donneuse d'ovule est considérée comme la mère biologique. Des questions complexes sur les droits de la donneuse mère peuvent surgir.
· Scénario interdit : Si le sperme provient d'un donneur étranger au couple, l'enfant est considéré comme illégitime (enfant de fornication), car il y a introduction de semence étrangère dans la lignée.

3. Les Règles de Pudeur et de Mixité (Al-Mahramiyya)

· Pendant la procédure de transfert d'embryon, le médecin doit être une femme. Si un médecin homme doit effectuer la procédure, la présence de la mère porteuse est considérée comme illicite car elle implique de regarder et de toucher une femme non-apparentée (non-mahram).
· Pour contourner cette difficulté, une pratique courante est que la mère porteuse contracte un "mariage temporaire" (mut'ah ou sigheh) avec le médecin homme le temps de l'intervention. Ce mariage, même de durée très courte, rend la femme "mahram" au médecin, levant ainsi l'interdiction de mixité. Cette solution est controversée mais appliquée dans des contextes comme en Iran.

4. L'Allaitement (Ar-Rida')

· Après la naissance, si la mère porteuse allaite l'enfant, elle devient sa "mère de lait". En droit islamique, cela crée des liens de parenté (mahramiyya) similaires à ceux d'une mère biologique. L'enfant ne pourra donc pas épouser les enfants de la mère porteuse.

Les Débats et Points de Contention

1. Rémunération de la mère porteuse : La majorité des juristes permettent une compensation financière pour les services et les inconvénients subis par la mère porteuse. Cela est considéré comme une forme de "louage" (ijarah). Cependant, certains insistent sur le fait que cela ne doit pas être une exploitation commerciale du corps de la femme.
2. Divergences mineures : Certains savants peuvent avoir des avis plus restrictifs sur des points secondaires, comme l'utilisation des ovules d'une donneuse. Il est donc conseillé aux couples de se référer à l'avis spécifique de leur propre marja'.

Résumé des Positions des Grands Savants

· Ayatollah Ali Khamenei : Permet la GPA sous les conditions énoncées ci-dessus. C'est la position officielle en République Islamique d'Iran, où la GPA est pratiquée dans un cadre réglementé.
· Ayatollah Ali al-Sistani : Permet également la GPA, mais insiste fortement sur les conditions de filiation et de pudeur. La solution du mariage temporaire avec le médecin est souvent évoquée pour respecter ses conditions.
· Ayatollah Makarem Shirazi : A émis des fatwas permettant la GPA, mais a également exprimé des préoccupations concernant les abus et les complications sociales potentielles, appelant à une régulation stricte.

Conclusion

En résumé, la position chiite sur la gestation pour autrui est pragmatique et conditionnelle. Elle n'est pas une approbation inconditionnelle, mais une tolérance encadrée visant à résoudre le problème de l'infertilité tout en préservant les fondements de la loi islamique : la lignée, le mariage et la pudeur.

Pour tout couple chiite envisageant cette voie, il est impératif de :

1. Consulter un spécialiste du droit islamique (moujtahid)
2. Suivre scrupuleusement l'avis de leur propre marja'
3. S'assurer que toutes les conditions légales et religieuses sont respectées pour garantir la légitimité et la filiation de l'enfant.

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