Marche contre l'islamophobie dans des villes françaises

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Marche contre l'islamophobie dans des villes françaises
Marche contre l'islamophobie à Paris le 10 novembre. Photo Albert Facelly pour Libération Plus de 10 000 personnes ont défilé dimanche à Paris. Une marche qui a rassemblé au-delà des cercles militants.
 
Quelques femmes voilées tiennent fermement une longue banderole. «L’islamophobie tue», y lit-on. Elles sont venues en car du Havre pour rejoindre la manifestation contre l’islamophobie qui a eu lieu, ce dimanche après-midi à Paris et qui déchaîne les polémiques depuis une semaine, déchirant la gauche. «C’est l’islam qui est attaqué en France», plaide Nacira, 40 ans, l’une d’entre elles.

 Les slogans se succèdent, mettant en cause expressément, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer. La chaîne d’information en continue LCI est huée. «On est là, on est là même si Blanquer ne veut pas», clament les manifestants. Au même moment, d’autres défilés ont lieu, ailleurs en France comme à Toulouse ou à Marseille.

L’initiative, soutenue entre autres par la France insoumise et le NPA a été lancée après l’attaque de la mosquée de Bayonne, à travers une pétition publiée dans Libération, le 1er novembre. Parmi les organisateurs, le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) dont la présence a suscité les débats, la plate-forme L.E.S Musulmans de Marwan Muhammad, le comité Adama…

La marche rassemble au-delà des cercles strictement militants,  rejointe par un nombre conséquent de non musulmans. Il y a  beaucoup de familles musulmanes. Fonctionnaire territoriale dans le Val-de-Marne, Saïda, est venue avec ses enfants : «Quand j’arrive le matin au travail je retire mon voile, parce que c’est la laïcité.» «On sent les regards pesants quand on fait ses courses, quand on attend le bus, ajoute-t-elle. Ces derniers mois, ça a empiré avec les discours médiatiques, j’ai dû modifier ma façon de porter le foulard. On se sent cataloguées, réduites au foulard. Mais on sait que ce n’est pas ça la France.»
«On n’en est plus à la pensée et aux paroles, mais aux actes»

Pour Mina, le climat s’est aggravé : «On n’en est plus aux stéréotypes et aux préjugés, mais aux amalgames. On n’en est plus à la pensée et aux paroles, mais aux actes.» Elle manifeste avec son mari et leurs enfants, venus spécialement de Metz. «L’effet du foulard, on le ressent vraiment sur le marché du travail, ajoute Mina. Quand on envoie un CV avec une photo où l’on porte un voile, on a moins de chances de trouver.»


Marwan Muhammad est, lui, satisfait. «Nous sommes sans doute au-delà des dix mille manifestants», estime l’ancien porte-parole du CCIF - 13500 selon le cabinet de comptage Occurence, mandaté par plusieurs médias. A un moment de la manifestation, il fait scander «Allahu Akbar» par la foule. «On dit "Allahu Akbar" car on en a marre que des médias fassent passer cette expression religieuse pour une expression de guerre», explique-t-il.

Marwan Muhammad  balaie de la main le débat qui se focalise autour du terme islamophobie. La polémique qui a lieu, ces derniers jours, a été menée, selon lui, pour «saborder la manifestation» et éviter d’aborder les vraies questions, celle de la discrimination grandissante des musulmans en France. «C’est le mot que les personnes qui manifestent aujourd'hui emploient, plaide-t-il. Pourquoi pas alors remettre en cause d’autres mots de la langue française !» Pour les manifestants, il ne s’agit d’interdire la critique d’une religion. Ce n’est pas l’avis d'une activiste se revendiquant Femen (sans l'accord du mouvement) qui a jeté le trouble en début de manifestation. «Le blasphème est un droit républicain», clame sa pancarte. Elle sera rapidement maîtrisée par le service d’ordre.

A quelques mètres de là, les manifestants s’agglutinent autour de l’humoriste Yassine Belattar pour faire des selfies. «Je n’ai pas foot», dit-il pour expliquer sa présence dans la manifestation parisienne, faisant allusion à François Ruffin qui a avancé ce prétexte pour ne pas se joindre aux manifestants. «Nous nous souviendrons de ceux qui nous ont fait faux-bond», ajoute-t-il.
«Jamais une manifestation antiraciste n’a été à ce point calomniée»

Des personnalités politiques défilent, elles aussi aux côtés des manifestants, comme la sénatrice EE-LV Esther Benbassa, le leader d’extrême gauche Olivier Besancenot, le communiste Ian Brossat, les Insoumis Jean-Luc Mélenchon, Clémentine Autain, Danièle Obono et Eric Coquerel.

«Jamais une manifestation antiraciste n’a été à ce point calomniée», lance ce dernier, place de la Nation, à l’arrivée de la manifestation. «Le front commun sera toujours plus fort que le Front national», clame, pour sa part, Yassine Belattar. Il enclenche une Marseillaise, reprise par la foule.
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