Maroc : la contestation populaire se poursuit dans le Rif

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Maroc : la contestation populaire se poursuit dans le Rif

Au Maroc, les manifestants sont de nouveau descendus dans les rues d’al-Hoceïma, dans le nord du pays, le mardi 30 mai 2017.

Des milliers de manifestants ont défié les autorités dans la nuit de mardi à mercredi à al-Hoceïma pour demander la libération de Nasser Zefzafi, leader du « Hirak » (la Mouvance, nom du mouvement qui anime la contestation depuis six mois), arrêté trois jours auparavant, rapporte l’AFP.

C’est aux cris de « Nous sommes tous Zefzafi » que les protestataires ont une nouvelle fois envahi les rues proches du centre-ville d’al-Hoceïma, après la rupture du jeûne du ramadan, ajoute la même source.

Ils étaient plus nombreux que la veille à descendre dans le quartier de Sidi Abed, où les forces anti-émeute, casquées et prêtes à intervenir, avaient pris position en grand nombre, précise l’AFP.

Les manifestants font face à la police lors d’une manifestation dans la ville d’al-Hoceïma dans le nord du Maroc, le 30 mai 2017. ©AFP

Les images publiées sur les réseaux sociaux montrent que des manifestations semblables ont également eu lieu dans la ville voisine d’Imzouren, malgré une forte présence des forces de police.

À noter que Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire qui secoue depuis octobre dernier la région du Rif, dans le nord du Maroc, a été interpellé lundi matin par la police pour « atteinte à la sécurité intérieure ». Zefzafi faisait l’objet de poursuite judiciaire depuis vendredi après-midi, pour avoir offensé l’imam de la mosquée d’al-Hoceïma. Dans un acte sans précédent, Zefzafi avait interrompu l’orateur de la mosquée Mohamed IV, en plein sermon de la prière du vendredi et l’avait insulté.

Qui est vraiment le leader du mouvement de contestation ?

Selon Abdellah Rami, chercheur au Centre marocain des sciences sociales (Université Hassan II, Casablanca), Zefzafi a interrompu vendredi dernier le sermon de l’imam de la prière d’al-Hoceima violemment et avec « un discours aux forts relents extrémistes ».

Abdellah Rami confirme le fait que Zefzafi utilise des éléments de langage religieux chers aux Frères musulmans et à la Salafiya d’origine wahhabite. « Personne ne connaît vraiment le parcours idéologique de Zefzafi, mais il est désormais clair qu’il est fortement influencé par les positions rigoristes des extrémistes. Le fait qu’il ait manifesté, publiquement dans le passé, un immense respect pour l’ex-djihadiste Fizazi, qui était opposé à l’État marocain et n’était pas vraiment un modèle d’ouverture, prend une tout autre signification aujourd’hui » avance Rami, interrogé par le site marocain Medias 24.

Certains ont d’ores et déjà lancé une campagne anti-chiite injustifiable

À l’antenne de la chaîne BBC, Minar Eslimi, un analyste proche du gouvernement marocain a affirmé mardi que ce qui est train de se produire au Maroc éveille des questions sur le niveau, selon lui élevé, des revendications des protestataires et leur réticence à s’engager dans un dialogue dans le calme. « Zafzafi est un chiite et agirait en coordination avec les chiites basés en Europe, en vue de créer un émirat au nord du Maroc. Or, le gouvernement [marocain] sait bien que certains entendent créer une nouvelle version des Hachd al-Chaabi dans la région du Rif dans le Nord marocain », a-t-il prétendu.

Il a également prétendu que le gouvernement marocain était au courant du plan des « chiites » et de leurs penchants « séparatistes » qu’il entend affronter sérieusement. Une allégation sans fondement venant notamment d’un professeur d’université censé savoir que le Maroc est un pays très majoritairement sunnite...

Évidemment, ces propos ont provoqué, dans l’espace virtuel, des critiques virulentes, car, selon les internautes, cette campagne vient plutôt aider le gouvernement à se déresponsabiliser face aux vrais enjeux des revendications populaires.   

Le peuple révolté par la mort du poissonnier Mouhcine Fikri. ©Le Monde

Des manifestations ont éclaté au Maroc après la mort d’un vendeur de poisson, Mouhcine Fikri, en octobre 2016.

Selon le journal français Le Monde, les manifestants dénonçaient un mélange de mépris, d’abus de pouvoir et d’injustice. À al-Hoceïma où le drame a eu lieu, mais aussi à Tétouan, Casablanca, Marrakech ou encore Rabat, la capitale, des milliers de Marocains sont alors descendus dans les rues, le dimanche 30 octobre 2016. Ils exprimaient leur colère à la suite de la mort d’un jeune vendeur de poisson, écrasé par une benne à ordures après que des policiers eurent confisqué sa marchandise.

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