En visite en Iran, Poutine demandra-t-il à Téhéran de quitter le sud syrien?

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En visite en Iran, Poutine demandra-t-il à Téhéran de quitter le sud syrien?

Israël retient son souffle : d'ici quelques heures le président russe, Vladimir Poutine va atterrir à Téhéran alors que son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev s'y trouve déjà. Officiellement, les trois parties évoqueront l'économie, le commence, l'énergie dans le cadre de ce qui fait déjà très peur aux Américains à savoir "l'union eurasiatique". Mais ce n'est sans doute pas cette perspective qui inquiète en ce moment le plus Tel-Aviv. À en croire Haaretz, "les deux amis d'Israël" que sont "Poutine et Aliev" se rendent à Téhéran pour faire signifier à la "République islamique" qu'il est grand temps qu"elle quitte la Syrie". Surtout le Sud syrien où l'armée syrienne et son allié, le Hezbollah, contrôlent tout et qui pour le grand malheur du régime israélien, se trouve sur ses frontières. Mais Poutine se comportera-t-il en émissaire de Netanyahu? 

Alors que l'État syrien est sur le point de gagner la grande guerre contre Daech et ses soutiens occidentaux et régionaux, et qu'à Damas, on pense plus sérieusement à l'après-guerre, cette troisième visite de Poutine en Iran a suscité une vraie tempête médiatique en Israël où la presse ne cesse d’énumérer les signes d’amitié et de rapprochement russo-israéliens comme pour convaincre le lecteur que Poutine " stoppera l’Iran aux portes d’Israël ".

Mais rien n’est moins sûr. Haaretz se livre à une analyse précoce de cette visite qui se combine avec celle du président azerbaïdjanais, allant jusqu’à qualifier les deux hommes d’amis d’Israël en terre ennemie.

Dans son article daté d’il y a deux jours, Haaretz mentionne ce qu’il qualifie d’ "accord tacite" entre Israël et la Russie "tout au long de sept ans de guerre en Syrie", accord qui aurait évité " tout incident israélo-russe à chaque frappe israélienne contre le sol syrien ". L’hypothèse n’est certes pas à écarter, mais elle n’est pas non plus trop d’actualité. L’attitude moscovite s’est soudain mise à changer quand Israël a eu le malheur de commettre la fatale erreur de s’en prendre à un centre de recherche de l’armée syrienne à Masyaf à quelques pâtés de Tartous. Ce port stratégique qui accueille la base navale russe. L’erreur a coûté à Israël le 7 septembre dernier " une frappe préventive » de la DCA syrienne, alors que les avions de chasse israéliens se trouvaient dans le ciel du Liban en pleine mission de reconnaissance et qu’ils n’avaient tiré aucun missile à destination de la Syrie. Dans la foulée, Tel-Aviv a prétendu avoir détruite " la batterie de missile coupable ", mais aucun analyste n’a fait attention à cette annonce. Le mal avait été fait : à l’approche de la victoire de l’armée syrienne et de ses alliés sur le terrain des combats, Israël fait face à une nouvelle réalité : le ciel libanais est désormais la prolongation du ciel syrien et ce, à la faveur de ce qui est appelé " Alliance Russie/axe de Résistance " en Syrie.

Peu après l’attaque, Israël a pris en pleine figure une autre manifestation de cette " alliance " : en visite à Tel Aviv, le ministre russe de la Défense, le général Choïgou aurait dit à la bande Netanyahu ses quatre vérités. Et c’est Yediot Aharonot qui le rapporte.  

Selon le journal israélien, le ministre russe de la Défense aurait même lancé un sévère avertissement à Israël, l'un des "plus sévères jamais lancé". Le général russe qui ne pouvait sans doute s’empêcher de voir une certaine manigance israélienne derrière le meurtre en septembre dernier à Deir ez-Zor du commandant en chef des forces militaires russes en Syrie, Valeri Assapov, aurait lancé un " vous, Israéliens, vous ne pouvez plus frapper des cibles en Syrie puisque la Russie a fini par livrer à Damas des batteries de missiles antiaériens ". Ces propos n’engagent que Yediot Aharonot, mais vu l’agenda de la 3e visite de M. Poutine en Iran, il est fort probable que les journalistes du journal israélien n’aient pas menti. Car même l’annonce lundi, par le journal Kommersant d’une réduction de la présence militaire russe en Syrie ne changerait rien aux capacités balistiques nouvellement acquises de la Syrie : " les S-400 resteront à Hemimim et Maysaf, les S-300 à Tartous et les Pansir-S1, à travers tout le sol syrien. Il en serait de même pour ces centaines de drones russes qui ne quitteront pas la Syrie puisqu’ils sont chargés de surveiller Idlib, Homs, la Ghouta occidentale et surtout Deraa. Et c’est là qui se pose la grande question qui traverse en ce moment l’esprit des dirigeants israéliens : Poutine demandera-t-il au Hezbollah et aux Iraniens de quitter Deraa, Quneïtra et le Golan pour faire plaisir à Tel Aviv ?  

À vrai dire, au terme de sept ans de guerre en Syrie, il ne reste plus grand-chose des liens privilégiés de Moscou avec Tel Aviv. Puisque la Russie a muté : l’homme fort du Kremlin pense déjà à se faire aider par l’Iran pour élargir sa présence dans le golfe Persique. L’Iran veut atteindre, de son côté, l’Europe via cette portion russe de la mer Noire. À Téhéran et à Moscou on voit plus loin que le bout de son nez surtout que le terrorisme daechiste créé et nourri par US/Israël tend à affecter, après sa quasi-défaite en Syrie et en Irak, le sol afghan, soit ce carrefour ultra stratégique au cœur de l’Asie centrale.

Israël croit-il vraiment que Poutine renoncera à son alliance avec le Hezbollah et l’Iran maintenant que la tumeur daechiste fait des métastases dans son arrière-cour ? Après tout, ce n’est pas en soutien aux soldats israéliens que les avions russes ont mené depuis 2013, quelque 96.000 heures de mission aérienne contre Daech et autres " terroristes modérés " chers à l’Occident. Depuis le ciel syrien, les Sukhoï russes n’ont vu que les soldats syriens et les braves combattants du Hezbollah s’acharner contre les terroristes. 

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