Syrie/Genève II: l'Occident converti à la solution politique?

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Les Etats-Unis n'ont accepté de parrainer conjointement avec la Russie la convocation de la conférence internationale de Genève II sur la Syrie qu'après avoir réalisé l'inanité du scénario d'une victoire militaire sur le régime de Damas par la coalition de l'opposition syrienne à laquelle ils ont accordé leur reconnaissance et de l'aide. Ils tiennent maintenant d'autant à la tenue de cette conférence qu'ils mesurent avec inquiétude qu'en ayant tardé à admettre l'option d'une solution politique au conflit syrien, ils ont contribué à rendre celle-ci maintenant pratiquement aléatoire voire même impossible du fait qu'un troisième acteur s'est imposé dans le conflit : le conglomérat de groupes armés salafo-djihadistes qui a supplanté sur le terrain « l'armée syrienne libre » théoriquement sous les ordres de la coalition de l'opposition.

La prééminence militaire que ces groupes djihadistes ont acquise sur l'ASL fait maintenant craindre à l'Amérique et aux Occidentaux qu'un effondrement possible du régime de Damas tournerait au cauchemar pour eux car il s'accompagnerait de l'arrivée au pouvoir en Syrie de ces djihadistes qui se battent pour l'instauration d'un Etat islamiste pur et dur imperméable à l'influence occidentale. Empêcher que ce scénario catastrophe se produise est donc devenu l'objectif primordial des Américains. C'est là l'explication des pressions que Washington a finalement décidé d'exercer sur ses protégés de la coalition de l'opposition syrienne pour les contraindre à aller à la conférence de Genève II sans émettre l'irréaliste préalable que celle-ci se conclue par la disqualification de Bachar El-Assad et de son régime dans la mise en place et la conduite d'une transition politique en Syrie.

Devenus demandeurs d'une solution politique à la crise syrienne, les Etats-Unis et l'Occident pressent les alliés extérieurs du régime syrien à pousser celui-ci à s'engager sur cette voie. La Russie et l'Iran, principaux soutiens de ce régime, y sont disposés car pour eux aussi l'instauration d'un pouvoir islamo-salafiste à Damas n'est pas une perspective envisageable. Moscou a beaucoup fait pour emmener le régime syrien à accepter de participer à Genève II. L'Iran ne s'y est pas opposé mais en faisant comprendre qu'il doit être associé à la recherche de la solution politique acceptable pour les deux camps en confrontation en Syrie.

Les chances d'un accord susceptible d'éviter à la Syrie le scénario redouté par les deux parties sont déjà minces et s'évanouiront alors totalement si les Occidentaux persistent dans leur veto à la participation iranienne à la conférence de Genève. Washington l'a compris et semble avoir tu son opposition à cette présence d'autant qu'un net rapprochement est en train de s'esquisser dans les relations américano-iraniennes comme l'a révélé le fait que les deux pays ont mené des négociations secrètes bilatérales aux résultats allant dans ce sens.

Il plane néanmoins la menace sur l'éventuelle solution politique qui pourrait se dégager à Genève qu'elle soit rendue impossible sur le terrain par la poursuite de la guerre qui s'y déroule à laquelle ni les Occidentaux ni les alliés du régime syrien ne pourront contraindre les groupes djihadistes d'y mettre un terme. Pour cela, il faut que Washington contraigne les pétro-monarchies à cesser d'armer et de financer ces groupes et à leur faire admettre que la chute du régime syrien n'est plus l'objectif recherché par les Occidentaux. Ryad et Doha sont d'autant plus rétifs à ce revirement qu'il entérinerait l'échec de leur ingérence dans la crise syrienne qui venant après l'accord irano-occidental sur le nucléaire iranien représenterait la fin de leur espérance à être incontournables dans la redistribution politique qui s'opère dans leur région.

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