Syrie: où en est Israël?

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Syrie: où en est Israël?

Un article, publié la semaine dernière, et qui n’a, pourtant, pas reçu tout l’intérêt qu’il suscitait, a confirmé les soupçons, soulevés auparavant, et les fortes implications des troupes israéliennes, dans l’aide et l’assistance au Front Al-Nosra, l’affilié officiel d’Al-Qaïda, en Syrie.

Dans son entretien avec les troupes de l’occupation israélienne, la semaine écoulée, un journaliste du "Wall Street Journal", présent sur le Mont Bental, (une partie du Plateau du Golan occupé), a constaté que les troupes israéliennes accueillaient les combattants blessés d’Al-Qaïda et les soignaient, dans les hôpitaux israéliens. Une fois guéris, ils sont renvoyés sur la frontière, pour poursuivre leurs combats contre le gouvernement syrien.

Au mois d’août dernier, le Front Al-Nosra a pris le contrôle du point de passage de Quneitra, un check-point situé entre les parties du Plateau du Golan occupées par Israël et contrôlées par la Syrie. Pour rappel, c’est en 1967 qu’Israël avait envahi cette région du Sud-Ouest de la Syrie, et a, depuis cette date, illégalement, occupé la majeure partie du Plateau du Golan.

Et comme je l’ai souligné, dans un précédent article, les rapports des forces de maintien de la paix de l’ONU étaient très révélateurs, sur la présence de liens et contacts, et même, l’aide militaire israélienne aux rebelles d’Al-Qaïda, depuis la prise de contrôle de Quneitra par Al-Nosra. Cette fois-ci, l’article du "Wall Street Journal" confirme la thèse.

A ce titre, un responsable militaire israélien, resté anonyme, a précisé, au sujet de la prise en charge médicale des combattants d’Al-Qaïda : «Nous ne les contrôlons pas, ni leur demandons qui ils sont. Une fois, le traitement terminé, nous les reconduisons à la frontière [sic – la ligne de cessez-le-feu] et ils continuent leur chemin [en Syrie]».

Un autre responsable militaire, lui aussi, resté anonyme, a ajouté au journal qu’il y a un «accord» entre les forces israéliennes et les combattants d’Al-Qaïda là-bas, ainsi qu’une «familiarité des forces d’Al-Qaïda, sur le terrain».

Selon les populaires théories du complot, Al-Qaïda et l’État Islamique, (aussi connu comme ISIS ou EI), ont été créés par les services de renseignement israéliens et/ou américains. Bien qu’aucune preuve n’étaye cette hypothèse, il est, sans doute, vrai que l’invasion de l’Irak, conduite par les USA et la Grande-Bretagne, en 2003, et le régime d’occupation, volontairement, sectaire, qui s’en est suivi, ont créé les conditions optimales, dans lesquelles Al-Qaïda, en Irak, (devenue plus tard EI), s’est formée et a bien prospéré.

Et c’est justement, dans cette optique, que j’avais, précédemment, loué le travail du journaliste chevronné, Patrick Cockburn, qui a su démontrer cela, de la manière la plus convaincante, dans son nouveau livre "The Rise of Islamic State" [L’essor de l’État Islamique : ISIS et la nouvelle révolution sunnite.]

Et maintenant, il semble qu’Israël soit un allié direct d’Al-Qaïda, en Syrie. C’est une alliance tactique, destinée, principalement, et surtout, à laisser le pays saigner, jusqu’à sa dernière goutte et perpétuer la guerre civile.

Pour prendre conscience de cela, il suffit juste de lire les déclarations de responsables militaires israéliens, au fil des derniers mois, au sujet du Front Nosra. Vous serez, étrangement, surpris, en constatant une façon de vouloir amoindrir et atténuer les activités du groupe, en leur attribuant le titre d’«Al-Qaïda modérée», si on veut.

«Al-Nosra est une version unique d’Al-Qaïda. Ils parviennent à coopérer avec les organisations non-islamistes et non-jihadistes, dans une même coalition», confie Michael Herzog, Brigadier Général à la retraite, lors de son interview avec "The Wall Street Journal". Herzog a été chef d’État-major du ministre Israélien de la Défense et est, également, membre de l’Institut de Washington, pour la Politique au Proche-Orient, [the Washington Institute for Near East Policy – WINEP], un groupe de réflexion de l’AIPAC, le Comité Israélo-Américain des Affaires Publiques, considéré comme le premier groupe de lobby israélien, aux États-Unis.

Le Front Nosra «est, totalement, concentré sur la guerre en Syrie, et ne nous voit pas», a-t-il prétendu, «Mais lorsque le Hezbollah et l’Iran et les autres avancent vers le Sud, c’est là où le Front porte toute son attention sur nous».

Le Hezbollah et l’Iran, alliés du régime Bachar al-Assad, par voie de conséquence, soutiennent le gouvernement syrien. Ils combattent, sur le terrain, côte à côte avec les troupes de l’armée syrienne, pour anéantir Al-Qaïda, l’ «État islamique» et les autres groupes de rebelles sunnites.

Et il convient de signaler que bien avant que le checkpoint de Quneitra ne tombe entre les mains d’Al-Nosra, c’est-à-dire, avant août 2014, des rapports indiquaient qu’Israël semblait plutôt entretenir des relations amicales avec les affiliés d’Al-Qaïda.

En juin dernier, le Porte-parole de l’armée, le Lieutenant-Colonel Peter Lerner, avait, dans un entretien téléphonique, confié à "Foreign Policy" que le gouvernement israélien avait fourni une assistance médicale à plus de 1.000 Syriens, au cours des quatorze derniers mois. «Nous procurons une aide médicale aux personnes nécessitant des soins en urgence». Tout en reprenant ses déclarations faites la semaine passée au "Wall Street Journal", il a précisé : «Nous ne faisons aucun contrôle ou examen, pour savoir si ces personnes sont civiles ou non, ni d’où elles viennent ou bien dans quel groupe elles combattent».

Ehud Yaari, un ancien membre israélien de WINEP, a reconnu que les combattants ont bénéficié de l’aide israélienne : «Les blessés sont, à la fois, des civils et des combattants, mais il faut dire qu’il ne reste pas beaucoup de civils, dans cette région, à cause des combats qui y sévissent…Près de 900 Syriens ont été soignés, en Israël».

"Foreign Policy" indique que, bien avant juin 2014, plus précisément, en mars 2013 : «Quelque 400 combattants armés de l’opposition, soutenus par des tirs d’artillerie de trois chars, s’étaient emparés de l’avant-poste de l’armée syrienne, situé au sommet de la colline de Tal al-Garbi, et ont planté quatre drapeaux noirs, suscitant des inquiétudes, quant à l’avancement des groupes extrémistes, dans la région».

«Plus de deux semaines plus tard, les combattants de l’opposition ont capturé deux autres avant-postes militaires stratégiques situés aux sommets de Tal al-Jabiya et Tal al-Sharq».

«D’après un rapport de l’ONU, dans l’après-midi du 24 avril, deux membres de l’opposition armée avaient, en traversant un avant-poste de l’ONU, exposé la tête coupée d’un présumé officier des forces armées syriennes. Vers la fin du mois d’avril 2013, les observateurs de l’ONU avaient détecté des drapeaux noirs, qui flottaient, et qui étaient, apparemment, associés aux groupes militants, disséminés dans les parties centre et Sud de la zone de séparation, y compris, trois positions des forces armées syriennes, capturées par des membres armés de l’opposition».

Tout porte, donc, à croire que l’aide israélienne à Al-Qaïda, en Syrie, s’est poursuivie, deux ans durant. Mais une chose est sûre, l’aide israélienne à Al-Qaïda, en Syrie, a fini par être confirmée.

* Asa Winstanley est un journaliste indépendant, basé à Londres, qui séjourne, régulièrement, dans les TPO. Son premier livre “Corporate Complicity in Israel’s Occupation” est publié chez Pluto Press. ?Voir son site web.

18 mars 2015 – Middle East Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :?https://www.middleeastmonitor.com/a…

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