Au nom d’Allah le Très Miséricordieux le Plus Miséricordieux
*La subsistance (rizq) et le destin (qadar) sont-ils immuables ?*
*Comment interpréter le verset : {Allah efface ce qu’Il veut et confirme, et auprès de Lui se trouve la Mère du Livre.} ?*
La question comporte en apparence trois interrogations, mais en réalité, il ne s’agit que d’une seule : le destin change-t-il ou est-il immuable ?
La question concernant la subsistance, ou celle relative à l’interprétation du verset, relèvent toutes deux de celle du destin.
Si l’on admet que le destin peut changer, selon la doctrine du bada’, alors il en découle nécessairement que la subsistance aussi peut changer.
Le verset sur l’effacement et la confirmation {Allah efface ce qu’Il veut et confirme, et auprès de Lui se trouve la Mère du Livre} fait partie des preuves à ce sujet.
Par conséquent, la réponse consistera en une brève clarification de la doctrine du bada’, laquelle permettra de répondre à toutes les questions.
Les récits transmis des Gens de la Maison (que la paix soit sur eux) au sujet du destin s’appuient sur le principe que Dieu est un agent agissant par volonté, c’est-à-dire qu’Il agit selon une volonté effective et une puissance irrésistible.
À ce propos, Abou Abdillah (l’imam Ja‘far al-Sâdiq, paix sur lui) a dit : « À propos de la parole de Dieu, le Tout-Puissant : {Les Juifs disent : “La main de Dieu est fermée.”}, Ils ne voulaient pas dire cela au sens littéral, mais leur intention était que Dieu en aurait fini avec les choses, qu’Il ne pourrait ni augmenter ni diminuer [quoi que ce soit]. Mais Dieu — glorifié soit-Il — les a contredits en disant : {Que leurs mains soient enchaînées et qu’ils soient maudits pour ce qu’ils ont dit ! Bien au contraire, Ses deux mains sont largement ouvertes : Il distribue comme Il veut.}
N’as-tu pas entendu ce que Dieu, le Tout-Puissant, dit : {Allah efface ce qu’Il veut et confirme, et auprès de Lui se trouve la Mère du Livre.} [At-Tawḥîd de Shaykh al-Ṣadūq, p. 167].
Ce que l’on entend par al-badā’ dans la croyance chiite, c’est la création (ou l’initiation d’un acte), et non l’apparition après la dissimulation.
Il s’agit plutôt d’une création après une autre, d’une volonté après une autre — c’est-à-dire que Dieu possède une volonté effective et une volonté continue.
Comme Il le dit : {À Dieu appartient le commandement, avant et après.}
Cela signifie : avant la création et après la création, avant la prédestination et après la prédestination, avant l’ordre et après l’ordre, avant la volonté et après la volonté…
Celui qui réfléchit à la nature de la relation entre le Créateur et la créature constatera que Dieu fait advenir les choses par des causes.
Autrement dit, Dieu — gloire à Lui — conditionne la réalisation de certains événements à des circonstances particulières et à des conditions spécifiques.
C’est le cas, par exemple, dans l’abrogation de certains versets ou jugements.
Si la volonté de Dieu n’était qu’unique et immuable, sans possibilité de la modifier, comment aurait-Il pu vouloir un premier jugement, puis le remplacer par un autre jugement, issu d’une nouvelle volonté ?
Dieu, exalté soit-Il, a dit : {Nous n’abrogeons un verset ou ne le faisons oublier sans en apporter un meilleur ou un semblable.} Et Il a dit : {Allah efface ce qu’Il veut et confirme, et auprès de Lui se trouve la Mère du Livre.}
Et encore : {Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre L’interrogent ; chaque jour, Il est en œuvre.}
Et bien d’autres versets du Livre sage montrent que Dieu change et modifie les choses, en liant cela aux actions de l’être humain.
En effet, Dieu ne change pas la condition d’un peuple pour l’améliorer, tant que ce peuple ne change pas ce qui est en lui-même.
Comme Il dit : {En vérité, Dieu ne change pas l’état d’un peuple tant qu’ils ne changent pas ce qui est en eux-mêmes.}
L’Imam al-Sâdiq (que la paix soit sur lui) a interprété la parole de Dieu {Allah efface ce qu’Il veut et confirme.} en disant : « Est-ce que Dieu efface autre chose que ce qui existe ? Et confirme-t-Il autre chose que ce qui n’existe pas encore ? »
Il est absurde de penser que Allah ait imposé aux gens de L’adorer et de faire le bien, tout en ayant prédéterminé pour eux, de manière absolue et définitive, leurs sorts et leurs destinées. C’est là une véritable contradiction car si Allah avait déjà décrété que nous serions heureux ou malheureux alors que nous sommes encore dans les ventres de nos mères — sans aucune possibilité de changer cela —, quel sens y aurait-il à ce qu’Il nous ordonne, à tous, de rechercher le bonheur et le bien, et nous interdise de tomber dans les abîmes du malheur ?
Le culte et la prière n’ont de sens que si l’on croit au badā’.
Comment une personne pourrait-elle adorer Dieu ou L’implorer dans ses invocations, si tout était déjà tracé d’avance, si le destin était entièrement fixé et irrévocable ?
Quel serait alors le sens de Son ordre de L’invoquer, et de Sa parole selon laquelle Il est proche et répond aux prières ?
Si l’on renie la croyance au badā’ et que l’on s’en détourne, il nous faudrait logiquement abandonner le culte, les bonnes œuvres, et rester les bras croisés, dans l’attente de notre destin inévitable et de notre sort déjà scellé — comme si cette vie n’était qu’une pièce de théâtre dont tous les actes sont déjà écrits, ou une toile dont les couleurs sont déjà sèches.
C’est pourquoi les Gens de la Maison (paix sur eux) ont tant insisté sur la croyance au badā’ ; car sans elle, aucune croyance ni aucune vie authentique ne peut tenir pour l’être humain.
Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre cette parole de l’Imam al-Sâdiq (paix sur lui) : « Dieu n’a jamais été adoré d’une manière aussi sublime que par le badā’. »
Celui qui adore un dieu mort, impuissant, limité, aux mains liées, n’a en réalité ni connu ni adoré Dieu.
Mais celui qui croit que Dieu agit comme Il le veut, qu’à Lui appartient le commandement — avant la prédestination comme après —, celui-là agit dans l’esprit même de ce principe : par la prière, par l’élan vital, par l’activité, et par le retour vers Dieu.
C’est lui qui a adoré Dieu de la plus belle manière.
Ainsi, le badā’ devient le fondement même de l’appel des prophètes, car il est la clé de la connaissance de Dieu, le chemin vers la reconnaissance de Son unicité, et l’essence même de Son adoration.
L’Imam al-Sâdiq (paix sur lui) dit : « Dieu n’a jamais envoyé un prophète sans avoir pris de lui trois engagements : la reconnaissance de la servitude envers Dieu, le rejet des associés (à Dieu), et la foi que Dieu efface ce qu’Il veut et confirme ce qu’Il veut. » [Al-Maḥāsin, Aḥmad ibn Muḥammad al-Barqī, vol. 1, p. 224]
Et dans un autre récit, l’Imam (paix sur lui) dit : « Si les gens savaient la récompense que recèle la croyance au badā’, ils ne cesseraient d’en parler.» [Al-Kāfī, vol. 1, p. 148]
Il dit aussi : « Invoque (Dieu) et ne dis pas que tout est déjà décidé ; car il est auprès de Dieu — exalté soit-Il — un rang qui ne peut être atteint que par la demande. » [Al-Kāfī, vol. 2, p. 466].
L’Imam al-Kāzim (paix sur lui) a dit : « Attachez-vous à l’invocation (du Seigneur), car l’invocation adressée à Dieu, et la demande formulée auprès de Lui, repoussent le décret, même lorsqu’il a déjà été déterminé et arrêté, et qu’il ne reste plus que sa mise à exécution.
Si l’on invoque Dieu — glorifié soit-Il — et qu’on Le sollicite, Il détourne alors le malheur, purement et entièrement. » [Al-Kāfī, vol. 2, p. 470]
La croyance au badā’ ouvre à l’être humain les horizons de ce monde et de l’au-delà.
Elle est une voie vers les faveurs et la générosité de Dieu, et un moyen d’accroître Ses bienfaits et Ses grâces.
Le véritable problème de l’homme, sa plus grande difficulté dans la vie, réside dans le fait qu’il croit rarement que Dieu fait ce qu’Il veut, et qu’Il est capable de transformer sa situation en une bien meilleure.
Il n’y a donc ni place pour le désespoir, ni résignation face aux circonstances.
Ce qui peut réellement freiner le mouvement de l’homme et faire obstacle à son épanouissement, c’est le désespoir — ce voile qui l’empêche de percevoir la puissance de Dieu.
C’est ce désespoir qui fige le mouvement de l’humanité dans sa marche vers Dieu, exalté soit-Il. Et pour que les musulmans retrouvent leur vitalité et se relancent dans les vastes horizons de la générosité divine, ils doivent revenir aux Gens de la Maison (paix sur eux), afin d’apprendre d’eux la foi en la doctrine du badā’.
La subsistance (le rizq) fait partie des décrets divins que couvre la croyance au badā’.
Même si elle est prédestinée pour les serviteurs, elle reste sujette à l’augmentation ou à la diminution selon les actions de l’être humain.
Par exemple, la piété (taqwā) du serviteur peut lui ouvrir des portes de subsistance qu’il n’aurait jamais imaginées. Dieu — exalté soit-Il — dit :
« Et quiconque craint Dieu, Il lui ouvrira une issue, et lui accordera une subsistance d’où il ne s’attendait pas. » [Sourate 65, At-Talāq, v. 2-3]
Et, à l’inverse, celui qui se détourne du rappel de Dieu verra sa vie transformée, et son existence deviendra étroite {Et quiconque se détourne de Mon rappel, aura certes une vie pleine de gêne.} [Sourate 20, Tā-Hā, v. 124]
L’évocation de Dieu — ou son absence — fait partie des actes volontaires que l’être humain accomplit.
Et pourtant, cela a un effet sur la modification de ce qui lui a été décrété, que ce soit en bonheur ou en malheur.
Dieu — exalté soit-Il — dit : {Si les habitants des cités avaient cru et s’étaient prémunis (par la piété), Nous leur aurions certes ouvert des bénédictions venant du ciel et de la terre. Mais ils ont démenti, et Nous les avons donc saisis pour ce qu’ils avaient acquis.} [Sourate 7, Al-A‘rāf, verset 96]
En plus des causes spirituelles que l’homme accomplit — et qui influent positivement ou négativement sur sa subsistance —, il existe aussi des causes et des facteurs matériels ayant le même effet.
Celui qui travaille et s’efforce d’obtenir sa subsistance n’est pas semblable à celui qui reste inactif et ne fait aucun effort.
En principe, toute créature que Dieu a tirée du néant se voit garantir une subsistance et une part de nourriture suffisante pour lui permettre d’accomplir le rôle qui lui est assigné.
Reste alors à l’homme la responsabilité de concrétiser cela : c’est par ses efforts dans la vie qu’il trace lui-même le destin qu’il souhaite, de sorte que les circonstances se modifient autour de lui et que les décrets changent en fonction de sa sincérité et de son sérieux dans la quête.
Dieu efface alors ce qu’Il veut de ces décrets, et en confirme d’autres qui n’existaient pas auparavant.
La subsistance (rizq) et le destin (qadar) sont-ils immuables ?

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