Chiisme dans l'Islam

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Introduction de l'editeur

L'ouvrage «Le Chr'isrne dans l'lslam» est un de ceux qui, loin de tout parti pris et de discorde , expose et exprirne clairement les vues chi'ites.

L'auteur du livre, Allarne Seyed Mohammad Hossein Taba t abii', erudit e t chercheur eminent de l’Islam , nous a laisse de nornbreuscs etudes didactiques, entre autres Ie Commentaire d'EI­Mizan.

Après Ie Triomphe de la Revolution Islamique de l'Iran et la défaite de l'impérialisrne e t du sionisme international ces derniers ant eu recours a toute sorte de ruses et de stratagèmes pour renverser le mouvement revolutionnaire Islamique. L 'un de ces stratagèmes a été d'avoir recours aux differends du chiime et du sunnisme, et aux critiques sans fondement que l'o n attribue aux chiismes. Par cette ruse on veut faire obstacle à lUnité de la cornmunauté musulmane et au Progrès envahissant de la Révolution Islamique , Nous sommes aujourd 'hui chaque jour les temoins de ces manœuvres et propagandes a l'encontre du Chiisrne provenant des quatre coins du monde.

Ce livre qui a été traduit et édité à plusieurs reprises en anglais, voici la traduction en francais. L 'ouvrage sera une réponse cuisante aux allégations et aux mensonges d’ébités par le colonialisme mondial et leurs alliés. «Notre Seigneur, ne permets pas que nous devenions, pour les incrédules, une occasion de scandale. Notre Seigneur pardonne-nous , Tu es le puissant, le Sage» (Coran , LX, 5) .

AVANT-PROPOS

IL est sans doute étrange pour certains d'entendre que la plupart des milieux scientifiques de I'Ouest, entre autres, les milieux français, expriment des points de vue absolument infondés, et choquant les principes scientifiques, sur le chi'isme. Ils ont pris le chi'isme pour une innovation dans I'lslam ou bien ils I'ont présenté comme une secte secondaire. Ils ont enfin expliqué sa raison d'être par une querelle uniquement politique et sociale.

Ils ont fait plus: Ils ont qualifié le chi'isme comme une création de la part des ennemis de I'lslam au cours des siècles ultérieurs. Un regard général sur plusieurs ouvrages existants en Occident sur le chi'isme peut offrir d'autres points de vue à ce sujet, et provoquer l'extrême étonnement d'un chercheur réaliste. De la sorte, non seulement le chi'isme est resté" inconnu en Occident, notamment en France, mais encore on remarque qu'on a déployé" de grands efforts pour qu'il le reste. On n'a, en effet, reculé devant aucune démarche pour présenter le chi'isme comme faux.

Si nous voulions trouver les raisons de ces calomnies infondées, contraires à la connaissance scientifique, nous devrions pousser nos recherches dans quatre domaines que nous pouvons résumer :

1- Le passé historique.

2-Les facteurs du colonialisme.

3-La vue superficielle de l’Occident : le matérialisme.

4-L’opposition et I'inimitié à I'égard de I'lslam.

Au point de vue historique, I'Occident a constamment été en contact avec le sunnisme et a connu ses écrits et ses ouvrages.

L'Occident a, jusqu’à présent, eu à deux reprises, des contacts directs avec I'Islam. La première fois quand les Arabes occupèrent I'Andalousie, de 771 à 1492; la deuxième fois quand les Turcs eurent envahi I'est de /'Europe. Dans les deux cas, les Occidentaux furent en contact avec les sunnites, alors que leurs rapports avec les chi'ites n'étaient que limités ou secrets, notamment dans certains centres ismaélites, en Palestine, au cours des Croisades, et peut-être en certains milieux andalous.

L'Occident n'a jamais contacté, avant I'ère moderne, le monde chi'ite, particulièrement celui de I'lran. II connut pour la première fois la culture de I'Iran islamique, en Inde.

Le deuxième facteur est le colonialisme. II a été I'un des plus grands, des plus fameux éléments de calomnie infondée contre I'lslam, particulièrement contre le chi'isme. En ses aspects anciens et modernes, le colonialisme a toujours eu un pressant besoin de montrer I'lslam dans les milieux étrangers comme une idéologie polluée, et ce, pour le succès de ses propres intérêts, et dénaturer son contenu, à I'intérieur des milieux islamiques.

C'est que I'lslam se présente sous un aspect si parfait et si riche, dans les différents domaines culturel, spirituel, social, politique, économique... qu'il constitue à I'intérieur des milieux islamiques le plus grand obstacle a /'influence de tous les étrangers. Ces milieux islamiques représentent la plus haute attraction pour ceux qui cherchent le droit et la vérité. Partout où I'lslam a dominé, le colonialisme a été voué à un échec cuisant. Là où les Musulmans ont possédé et mis en application leur culture dans toutes ses dimensions, le colonialisme s'est vu discrédité', et ses efforts pour dénaturer I'lslam et sa culture ont été vains, en dépit de toutes ses machinations. Bien plus, I'intérêt des Musulmans pour la religion et leur soumission à Dieu, ont augmenté.

Les colonialistes mirent à leur service les Orientalistes afin de mieux parvenir à leurs objectifs. Ces derniers ont, sous le couvert de recherches dans les monuments islamiques, et suivant des stratagèmes nombreux, passé aux hommes leurs calomnies dans des livres et écrits exhaustifs. Le colonialisme n'ayant pas réussi dans ces manoeuvres, a eu recours à d'autres ruses, notamment dans les domaines économique, militaire et politique afin d'écarter I'lslam, particulièrement pour le dénaturer. Cependant le chiisme à cause de son caractère essentiellement religieux et politique a fait I'objet d'attaques plus nombreuses que les autres branches de I'lslam. A vrai dire, les colonialistes ont déployé de grands efforts pour faire croire que le chi'isme est un mouvement uniquement politique, qu'ils ont d'ailleurs décrit sous une forme fallacieuse. lls ont eu, de même, à coeur de dissimuler habilement ses aspects religieux, juridiques et philosophiques. lls ont encore, Ie cas échéant, caché le fond politique du chi'isme. lls ont ignoré toutefois que dans l'lslam, le caractère religieux du chi'isme et son caractère politique sont indivisibles et se complètent l'un l'autre. La politique et la religion se présentent dans l'lslam comme une seule unité. L 'lslam perd sa couleur véritable s'il vient à être frustré de l'un ds ces deux caractères.

Un autre facteur c'est la vision, superficielle de l'Occident: le matérialisme. Les Occidentaux s'imaginent que tout se résume dans la matière et l'économie. lls s'efforcent de considérer et d'analyser tous les problèmes qui se présentent à eux (qu'ils soient social, culturel, et même retigieux) avec des analyses matérialistes et économiques. Aussi la dimension authentique, non matérielle des problèmes et des choses est-elle mise au rancart. C'est de cette manière que les Occidentaux se sont comportés envers l'lslam, comportement qui a mis en pièces la vérité. lls ont par là fait disparaitre les liens qui unissent la qualité et la quantité, la forme et le fond. Bien qu'une telle tactique et vision du monde ait porté, dès le premier pas, une profonde atteinte à la société occidentale, la trainant dans une sorte de vide et d'isolement vers une étouffante impasse, cependant le monde islamique de même n'a pas été à l'abri d'atteinte à cause de vastes présences de ceux qui, bien que Musulmans, se sont occidentalisés.

De cette façon, non seulement les Occidentaux n'ont pas manqué d'attribuer à l'lslam de fansses imputations, des calomnies et des diffamations infondées, mais encore ceux qui, faisant partie des milieux musulmans s'étaient occidentalisés, ont à leur tour porté atteinte à la religion islamique.

II faut reconnaitre que la philosophie et l'idéologie du chi'isme sont tellement fortes et bien élaborées que cette branche de l'lslam a été à même, non seulement d'affirmer sa résistance mais encore de charger et d'assaillir et de révéler au monde la philosophie mensongère du matérialisme occidental.

Quoiqu'il en soit, il faut bien admettre que l'inimitié et l'hostilité pour l'lslam comportent de tels mensonges et de telles calomnies. L'lslam est une religion qui englobe toutes les dimensions de la vie des hommes, depuis la période qui précède leur naissance, jusqu'à l'au-delà. Cette religion dirige et guide leurs pensées et leurs actes. Elle met à leur disposition, dans les domaines politique et économique, un système harmonieux et coordonné. Elle donne une forme rationelle et licite à ses luttes politiques et sociales. Elle considère comme un but sacré, comme un devoir important, la lutte contre l'ennemi le «djihâd». D'autre part, l'lslam offre à l'homme les pensées les plus hautes et les plus profondes dans le domaine de la philosophie, de la spiritualité et de la gnose. L 'lslam forme l'esprit et l'âme, et il les développe. II pousse le fidèle à parvenir à Dieu. Cette formation de l'âme et ce cheminement vers le Tout-Puissant sont si puissants qu'ils rendent les Musulmans capables d'abandonner toute attache terrestre et tout intérêt pour ce monde, le sauvant de son aliénation aveugle pour les objets et les problèmes de la terre.

C'est ainsi que l'homme lutte, s'améliore et arrive à la perfection. D'une part, il mène son «djihâd» contre l'ennemi: lutte qui prend des formes politiques, économiques et sociales; d'autre part, II mène le combat contre lui-même pour arriver à la perfection, ce qui implique l'approche de Dieu. Ces deux éléments sont si bien définis et se tiennent si puissamment dans le chiïsme qu'il est impossible de les diviser ou de les séparer. l'homme qui veut arriver à la perfection, en face du Créateur, ne peut nécessairement se livrer à la bassesse, à l'injustice et à l'oppression dont est capable l'ennemi. II ne peut de même donner un consentement intérieur à ces actes. En principe, l'une des conditions qui met l'homme à même d'approcher Dieu consiste à lutter contre les iniques, les personnes arbitraires et les oppresseurs: c'est la lutte politique islamique pour arriver à instaurer l’ordre, le régime de la justice de l'lslam.

Les ennemis de l'humanité et en d'autres termes de l'lslam ne peuvent rester cois en remarquant une telle composition dans l'lslam,particulièrement dans le chi'isme. lls sont portés à déchirer l'lslam, c'est-à-dire, ils veulent le priver de cette composition, de cet ensemble bien formé, harmonieux et parfait, et de fruster du même coup la communauté islamique de ce grand bienfait.

L'histoire de l'lslam témoigne que les Musulmans l'ont emporté, ont remporté la victoire sur tous les plans politique, militaire et économique, chaque fois que l'lslam a été présenté au monde, dans toutes ses dimensions et qu'il a conservé tous ses caractères distinctifs. Cette victoire a été évidente chaque fois que les Musulmans ont professé l'lslam de Mohammad dans toute sa perfection. Mais par contre chaque fois que l'lslam a été dénaturé, présenté sous un faux jour, les Musulmans se sont vus sans gouvernail et ont été vaincus dès la moindre attaque. C'est pourquoi tout l'effort de l'ennemi a porté sur la destruction et l'anéantissement de l'lslam et par suite lui portant des calomnies et en diffamant la communauté islamique, les Occidentaux et les colonialistes ont voulu compléter leur complot: le chi'isme a été attaqué à cette occasion plus que les autres branches de l'lslam comme nous l'avons dit plus haut, dans toutes ses dimensions.

L 'ouvrage magistral de Allamé Seyyed Mohammad Hassein Tabâtabâï, « Le Chi'isme Dans l'lslaim », répond directement ou indirectement à ces quatre sortes d'attaques et de diffamations. Ses réponses évitent toute polémique et chicane inutiles. Elles sont basées sur la logique et la science, elles ressortent de la recherche et de la religion. Elles émanent d'une personnalité versée dans l'lslam. L 'ouvrage est écrit par un commentateur et un érudit, un penseur et philosophe. II refuse d'employer un autre langage que celui de la science et de la gnose.

«Le Chi'isme dans l’islam » est important par le fait que cette fois, c'est un Musulman chi'ite qui analyse le chi'isme et le présente au monde, non un Orientaliste, qui n'est parfois capable de comprendre que les aspects minimes de la grande vérité, et de les agrandir à un point tel que même les fidèles ne les reconnaissent. Cet agrandissement et ces perversion se voient justement dans les ouvrages des Orientalistes.

L'ouvrage «Le Chi'isme dans l'Islam » offre une présentation simple et en même temps très complète du problème. II englobe toutes les dimensions du chi'isme aux points de vue philosophique, historique, religieux, politique, social, et du point de vue juridique (Figh). Nous espérons que cet ouvrage sera une réponse éloquente aux ennemis de l'lslam qui veulent le profaner, et qu'il sera un guide intelligent pour tous ceux qui recherchent la vérité, nuit et jour.

Biographie d'Allamé Seyed

Mohammad Hossein Tabâtabâi'

Généralités

Allamé Tabatabai est dune famille qui a donné de grands ulemas; il est à vrai dire le fruit de quatorze générations d’érudits et de savants de Tabriz. II vint au monde dans cette dernière ville en 1282 (1903) et décéda à Qom en l360 (1981).

ll fit ses études primaires en sa ville natale, et à 22 ans, il se rendit à Nadjaf Achraf, ville sainte de l'lraq.

II passa dix ans en ce centre de science et de théologie islamiques à approfondir ses connaissances religieuses. ll suivit les cours de «fiqh» et du

Tabatabäi écrit dans le condensé de sa biographie: « J'ai étudie la philosophie avec le bien célèbre penseur, feu Seyed Hossein Badkoubi. Au cours des six années pendant lesquelles j'ai suivi les cours de ce grand savant, j'ai appris et compris las écrits de Sabzavâri, ceux de Mollâ Sadrâ de Uhiraz, la série de l'ouvrage «Chafâ » d'Avicenne, les livres d'lbn Tarké dans la gnose, d'lbn Maskouyé, dans la morale. Feu badkoubi était tellement désireux de le familianser avec les méthodes de la philosophie et le raisonnement logique qu'il lui conseilla d'étudier également les mathématiques. C'est en suivant son conseil qu'il alla aux cours du feu Seyyed Abol Ghassem Khänsâri. C'est avec ce mathématicien que j'ai appris dit-il la géométrie plane, et dans l'espace, l'algèbre déductif, le calcul infinitésima/». Allamé Tabâtabäi' passa de la sorte presque 11 ans à Nadjaf.

Retour à Tabriz

C'est en 1314 (1935) que Al Lamé Tabâtabâi décida pour des raisons auxquelles il fait succinctement allusion dans son autobiographie, de rentrer en sa ville natale: Tabriz. Il écrit lui-même à cet effet: "Je résolus en 1314 (1935) de rentrer en Azerbaïdjan, ma situation financière ne me permettant pas de rester à Nadjaf. Je suris resté à Tabriz 11 ans et quelques mois sans pouvoir occuper tout mon temps à enseigner, les nécessités de la vie m'obligeant à m'adonner à l'agriculture pour vivre ses difficultés morales étaient telles qu'il résolut de quitter sa ville natale, d'autant que les problèmes politiques de l'époque accélérèrent son départ.

En 1324 (l945), La seconde guerre mondiale prit fin et les alliés qui avaient occupé le territoire iranien quittèrent notre pays les uns après les autres, à l'exception des forces soviétiques qui restèrent en Azerbaïdjan, renforçant le parti démocrate et faisant semblant de mettre fin à leur occupation après avoir livré cette province aux démocrates. Durant les douze mois que les démocrates sévirent dans cette partie de l'Iran (2l azar l324 - 27 azar 1325) la région fut en proie à l'insécurité, aux tueries et aux pillages. C'est pourquoi Al Lamé Tabâtabâi décida de quitter Tabriz pour se rendre dans une ville plus calme, comme Qom par exemple. Il consulta à ce moment le Coran et put lire ce verset: "La protection, en pareil cas, ne dépend que de Dieu, la Vérité. C est Lui qui est le meilleur pour récompenser et pour donner une fin à toute chose "(Coran, XVII, 44). C'est après cet oracle que l'année étant arrivée à sa moitié, Tabatabâi partit pour Qom, centre d'enseignement des sciences religieuses. Il passa là trente cinq ans, occupé à enseigner, à former, ou à écrire des ouvrages sur la religion, la philosophie, la métaphysique et les autres sciences. Il écrit dans son autobiographie en rapport avec cette partie de sa vie: ""En 1325, j ai renoncé à tout et j ai quitté ma ville natale. Je me suis rendu à Qom, au centre d'enseignement des sciences religieuses. Je me suis établi Dans cette ville et j'ai recommencé l'étude et les occupations scientifiques". Il s'agit d'occupations auxquelles Tabâtabâi aspirait de tout son cœur à Tabriz mais auxquelles il lui était impossible de se livrer.

Vie spirituelle et scientifique de Tabâtabâi, à Qom

En dépit de ses vastes connaissances dans le "fiqh", le "dogme" et dans les autres sciences islamiques, Tabâtabâi' fit du commentaire du Coran et de l'enseignement de la philosophie, le point central et d'appui de ses activités. Ce choix lui fut dicté par le devoir dont il avait fortement conscience. Il dit à ce sujet: Quand je me rendis de Tabriz à Qom, je fis une étude sur les besoins de la société islamique et la situation existante au centre d'enseignement des sciences religieuses de cette ville. Après avoir bien considéré ces besoins, je suis arrivé à la conclusion que le centre en question avait un pressant besoin de commentaires sur le Coran afin de mieux connaître, de mieux assimiler le sens authentique de l'islam, d'un des plus nobles dépôts divins dans l'humanité, et de le mieux faire connaître aux hommes. D'autre part, étant donné que les doutes matérialistes s'étaient répandus dans le peuple, il fallait les dissiper par le raisonnement philosophique et des preuves irréfutables. C'est ainsi que le centre d'enseignement de Qom serait capable de réfuter ces doutes par la force rationnelle, d'établir les principes de l'islam par des déductions philosophiques et scientifiques, et de défendre la cause de la Vérité. C'est pourquoi je crus de mon devoir religieux de déployer mes efforts pour assurer à Qom ces deux besoins essentiels.

C'est justement afin de parvenir à ces buts élevés que Tabâtabai composa des ouvrages et fit de vastes études pour réussir dans sa tache. Il faut en toute vérité reconnaître que ce grand religieux fut l'un des piliers du Centre d'enseignement de Qom, à l'époque actuelle. Il y a peu d'érudits et de religieux qui n'étaient pas tiré partie des ouvrages ou des cours de Al Lamé Tabâtabâi. Si quelqu'un considère l'ensemble des services de cet homme éminent relativement au commentaire du Coran, à la recherche dans la signification des "hadith", à la mise en ordre des problèmes philosophiques, à l'élaboration de méthodes nouvelles, à la formation d'experts et de chercheurs dans les sciences islamiques et enfin à l'éducation de personnes honnêtes et capables au service de la communauté, il verra l'œuvre accomplie par lui est celle d'un géant et qu'ordinairement elle ne peut être faite que par un groupe de nombreux érudit.

La renaissance de la science du commentaire du Coran au Centre d'enseignement de Qom.

L un des succès auxquels il parvint à Qom, par la grâce de Dieu, fut de susciter la renaissance du commentaire du Coran. Il composa, à cet effet, le "Tafsir al Mizan", (le commentaire de al Mizan) en langue arabe, en 20 volumes, sa traduction en persan étant de 40 volumes. Cet ouvrage remarquable contient les notions les plus élevées sur différents problèmes doctrinaux, moraux, sociaux, politiques, historiques etc. La méthode qu'il emploie dans ses recherches est nouvelle, logique et propice ; elle répond aux besoins de la société et du centre d'enseignement de Qom. Il déclare lui même à ce sujet: "Nous commentons le Coran par le Coran et nous expliquons le sens d'un verset par la justification d'un autre verset. Nous déduisons les significations de chaque verset des caractéristiques qu'il contient. Le Coran, comme il le déclare, explique toute chose. Or un livre qui explique tout, peut également se commenter. Le "Tafsir al Mizan" présente différents aspects, dont trois ont un caractère saillant.

1- Le commentaire du Coran par lui-même.

Al Lamé Tabâtabâi met en relief la cohésion et la coordination des versets du Coran, en employant la méthode dont nous venons de parler. Il prouve ensuite qu'à la suite de cette cohésion et de cette coordination les versets s'expliquent et se commentent les uns les autres Ce procédé original amena une évolution dans le commentaire du Coran, facilitant en même temps la découverte des mystères du Livre et permettant à l'homme d'y recourir dans toutes les phases de la vie et relativement à tous les problèmes sociaux.

2- Les questions sociales.

Les questions sociales qui se trouvent dans "Al-Mizân" surpassent les commentaires que l'ouvrage présente, tant au point de vue quantitatif que qualitatif. Tabâtabâi' s'efforce, en s'aidant de ses vastes connaissances et de sa perspicacité, de souligner les questions sociales du Coran et y traite de problèmes d'une portée supérieure.

3- Questions philosophiques.

Tabâtabâi qui se double d'un rare philosophe et d'un penseur inégalable du siècle, use de la même originalité dans le domaine de la métaphysique. Il pense d'abord que, contrairement à une propagande infondée et une attitude dénigrante envers la philosophie, cette science consiste, d'après sa vraie acception, à rechercher la sagesse et la vérité, et qu'elle prend sa source dans le Coran. Quant à la métaphysique, ensuite, il déclare que celle-ci n'est autre chose que l'ensemble des vérités de l'être, en tant qu'être, par rapport à Dieu, à l'homme et à l'univers. Tout en commentant les versets du Coran par leurs propres contextes, Le maître trait entre temps, a différentes occasions, de problèmes philosophiques et métaphysiques, et arrive à prouver l'inanité de la philosophie matérialiste. Sa méthode est dans ce domaine comme en d'autres très originale.

L'originalité de Tabâtabâi dans le domaine de la philosophie.

Outre ses cours de sciences islamiques diverses, la composition d'ouvrages selon la méthode traditionnelle, Al Lamé Tabâtabâi se fit l'auteur d'un système moderne et original consistant à rassembler les notions de la philosophie islamique dans un ordre nouveau, répondant aux besoins du jour. Après la deuxième guerre mondiale les idées d athéisme, l'impiété, le matérialisme et le marxisme se répandirent dans les sociétés islamiques. Certains Iraniens cultivés, et certains intellectuels estimèrent ces idées et ces systèmes, et y adhérèrent. La propagande matérialiste battait son plein. C'est à ce moment que Tabâtabâi qui était devenu le porte-étendard de la culture et de la philosophie islamique, se mit à étudier à fond le matérialisme, le marxisme et la dialectique matérialiste, Après avoir saisi tous les tenants et aboutissants de la philosophie matérialiste, il l'exposa dans ses ouvrages et ses conférences, la réfuta scientifiquement, tout en montrant la supériorité de la philosophie islamique. Le produit de ses efforts dans ce domaine est réuni dans son ouvrage "Le principe de la philosophie et la méthode réaliste". Bien que cet ouvrage ait été écrit depuis trente ans, néanmoins il peut être considéré comme le meilleur pour réfuter les erreurs du matérialisme.

Le rôle de Tabâtabâi dans l'évolution du Centre d'enseignement de Qom.

Le rôle joué par Al Lamé Tabâtabâi' en ce qui regarde l'amélioration et le changement du centre d'enseignement de Qom concerne deux domaines: d'abord la création d'une évolution scientifique de la pensée, et de la mise en place des discussions libres. Ensuite la formation des chercheurs et des élèves. Il éduqua scientifiquement et moralement des disciples éminents devant plus tard devenir eux-mêmes des formateurs et des éducateurs. C'est durant plus de trente ans que Tabâtabâi' alimenta le centre d'enseignement et d'études religieuses avec ses commentaires, ses conférences et ses écrits tant philosophiques que métaphysiques, avec ses conclusions tant religieuses que logiques; ses cours formèrent des hommes pieux, vertueux, rationnels et forts. Ses ouvrages ont eu de profonds effets en Iran et dans les pays islamiques. Ce grand homme avait à cœur de mettre en place des débats libres à l'intention des étudiants, des universitaires et même des intellectuels européens, pour discuter et faire éclater la vérité islamique. Or il finit par lancer ces débats, sortes de polémiques amicales qui non seulement avaient pour but de compléter les cours déjà donnés à la suite les nombreuses questions que les étudiants n'auraient pas manqué de poser, mais encore pour éclairer communauté islamique et les étrangers sur les problèmes qui leur semblaient obscurs. Ces débats comportaient tout naturellement des critiques, des échanges de vue d'où aurait jailli la vérité. Il continuait l'héritage des débats scientifiques et moraux des prophètes. Ces derniers accueillaient à bras ouverts les débats. Tabâtabâi était convaincu que la science métaphysique surpassait les autres sciences Il disait que la révélation guidait et inspirait l'humanité. II ajoutait que les métaphysiciens, ceux qui possédaient la révélation, surpassaient les autres hommes et exerçaient sur eux une sorte de maîtrise. Tabâtabâi accueillait à bras ouverts les visiteurs, ceux qui voulaient discuter avec lui. Il suivait en cela l'exemple du Prophète de l'Islam. Il racontait à cet effet le récit que voici: "Un jour les Chrétiens de Nadjran se rendirent auprès du Prophète pour discuter avec lui. Ils allèrent donc à la mosquée; le moment de leur prière arrivait et les Musulmans aussi, de leur côté, voulaient prier ayant le Prophète comme imam. Le muezzin appela les fidèles â la prière et les Chrétiens de leur part firent sonner les cloches, dans la mosquée, en présence du Prophète et des autres fidèles. Les Musulmans protestèrent et firent remarquer au Prophète que ces Chrétiens faisaient sonner les cloches en sa présence. Le Prophète répondit: " Attendez un peu, nous allons peu à peu par l'édification, transformer le son de ces cloches en chant de muezzin ". Cette grande âme qui accueillait tout le monde à bras ouverts, des gens qui professaient des opinions contraires aux siennes, discutait avec eux, les éclairait doucement et finissait par les convertir. Le nombre de ceux qui se sont convertis à l’islam grâce à la parole convaincante de Tabâtabâi est très grand.

Les disciples, savants et érudits, que Al Lamé Tabâtabâi' a formé, bénéficient aujourd'hui de la confiance de tout le monde. Ils étaient épris de son caractère et de son savoir. Ils avaient coutume de dire que s ils n'avaient pas eu un tel maître, jamais ils ne seraient parvenus à leurs objectifs, et jamais ils n'auraient pu cueillir les fruits de leurs œuvres dans ce monde et dans l’autre.

Son caractère était tel qu'il évitait la suffisance et l'emphase. Il s'évertuait à ne pas se montrer savant dans ses débats; le mobile de ses actes était de satisfaire Dieu. Ses disciples ont rapporté que durant les longues années qu'ils ont passées avec lui, ils n'ont pas souvenance ne fut ce qu'une fois, que le maître ait voulu faire montré de sa science tant il était simple et modeste.

Si quelqu'un voyageait avec lui un an durant, jamais il n'aurait cru que cet homme était l'auteur de la nouvelle méthode du commentaire du Coran et le créateur des règles nouvelles dans l'explication des problèmes philosophiques, s'il n'avait su d'avance avec qu’il voyageait et n'avait pas eu connaissance de son vaste savoir.

Tabâtabâi possédait également des dons lyriques et composait des poèmes. Il aimait de même les paysages de la nature. Al Lamé Tabâtabâi avait à cœur de suivre la tradition du Prophète: l'ouvrage "Sonan al Nabi" (Traditions du Prophète) est le fruit de cette attitude. Il croyait comme un devoir sérieux de combattre les innovations qu'on introduisait dans la religion.

D'autre part, Tabâtabâi s'efforçait de faire connaître le Chiisme dans ses vraies dimensions. Selon ce grand homme le Chiisme consistait à suivre minutieusement la tradition du Prophète, pratiquement, et théoriquement, par les actes et par les paroles. Il déclarait qu'il ne sied nullement de suivre un dirigeant injuste et inique. Il ajoutait qu'il ne faut se soumettre qu'à Dieu, à son Prophète et aux Imams que le Prophète a désignés. Tabâtabâi a développé ces idées dans tous ses écrits, durant toute son existence.

Son ouvrage "Le Chi'isme dans l'Islam" est l'un de ses écrits fondamentaux. Tabâtabâi savait qu'un livre simplement et clairement conçu et en même temps profondément pensé était nécessaire pour présenter la nature et l'essence du Chi'isme. Il serait ainsi à même d'éclairer les chercheurs qui, souvent, se laissent détourner de la vérité.

Al Lamé Tabâtabâi' disait que pour ne pas se tromper dans l'observance de la tradition du Prophète et pour être sûr et certain qu'on suit exactement cette tradition, on doit appliquer pour cela les préceptes des membres de la famille du Prophète qui ne sont que les Imams infaillibles, capables par leur science et leur inspiration, de guider dans la voie droite les Musulmans du monde, conformément aux indications du Coran et de la tradition prophétique. Ce sont encore ces Imams qui peuvent empêcher que l'islam dévie et sauver de toute erreur, la communauté islamique pour la guider vers Dieu.

Voici quelques ouvrages d Al Lamé Tabâtabâi que nous présentons aux lecteurs.

Al Lamé Tabâtabâi a touché à presque toutes les sciences islamiques, philosophiques, métaphysiques, fiqh, commentaires, traditions...

Nous allons citer quelques un de ses ouvrages sur les différents aspects de la religion et de la métaphysique, étayés de hautes pensées:

1- "Commentaire de Al-Mizân", écrit en arabe, traduit en persan en 40 volumes.

2- "Les Principes de la Philosophie et la Méthode réaliste" (Ossul-é-falsafeh-va-Ravech-Réalisme) en 5 volumes, dont 4 sont déjà imprimés.

3- Notes en marges sur l'ouvrage "Asfar", de Sadrod-Din de Chiraz, dont 7 volumes sont déjà imprimés.

4- "Entretiens avec H. Corbin, orientaliste français" (en 2 volumes), dont un a été imprimé en 1339 (1960), dans l'Annuaire du Maktabé-Tachayyo. L'autre volume a indépendamment paru.

5- "Traité sur le Gouvernement islamique", an persan, allemand et arabe.

6- "Essai sur la puissance et l'acte" (Qoweh-va-fél.)

7- "Essai sur la démonstration".

8- "Démonstration de l'Essence" (Essbaté Zât).

9- "Essai sur l'Homme avant le monde (la création)".

10- "Essai sur l'Homme dans le Monde".

11- "Essai sur l'Homme après le monde".

12- "La Prophétie".

13- "La Valayat".

14- "Les Preuves".

15- "Le Sophisme" (Mogalitah).

16- "L'Analyse".

17- "La Synthèse".

18- "Sur la Subjectif".

19- "L'Ecriture calligraphique Nasta'âligh ".

20- "Sur la Prophétie et les étapes" (Nobowat-va-Magamat)

21- "Ali et la Philosophie divine".

22- "Le Coran dans l'islam ".

23- "Le Chi'isme dans l'islam".

24- "Nombreux articles scientifiques parus dans les périodiques".

25- "Jugement sur les correspondances".

26- "lntroduction à la sagesse".

27- "La Perfection de la Sagesse".

Ces deux derniers ouvrages comportent des textes philosophiques importants, étudiés au Centre d'Enseignement des Sciences religieuses, à Qom.

28- "Le Résumé de l'Enseignement de l'Islam".

29- "Questions sur l'Islam".

30- "L'islam et l'Homme contemporain".

31- "Essai sur les attributs de Dieu".

32- "Essai sur les Moyens".

33- "En marge de l'ouvrage " Kifayé".

1 Ramadhan1403 13 juin 1983

Téhéran

Mohsen Khaliji

INTRODUCTION

Ce livre que nous avom intitulé « L'ISLAM SHITTE » (1), se propose de présenter clairement la véritable identité du shi'isme, qui est une des deux branches majeures de l'lslam - l'autre étant le sunnisme. II traite en particulier, des origines du shi'isme et son développement, ainsi que du modèle de pensée religieuse propre au shi'isme, de la culture et des sciences islamiques, considérées du point de vue shi'ite.

LA RELIGION (2)

II ne fait aucun doute que tout membre de l'espèce humaine est naturellement attiré vers son prochain et que dans la vie en société, ses actes sont interdépendants. Ses divers actes, tels que: manger, boire, dormir, veiller, parler, écouter, s'asseoir, marcher, ses comportements sociaux et ses rencontres, sont à la fois, formellement distincts et totalement reliés les uns aux autres. On ne peut accomplir n 'importe quel acte au lieu, ou à la suite de n 'importe quel autre. II existe un ordre qui doit être respecté.

II y a donc un ordre qui régit les actions que l'homme accomplit tout au long de sa vie, un ordre auquel ses actions ne peuvent échapper. En réalité, ses actes ont pour origine une source distincte. Celle-ci n'est autre que le désir humain de jouir d'une vie heureuse, une vie dans laquelle I’homme puisse atteindre autant que possible l'objet de ses désirs et être récompensé. On peut dire aussi que I’hiomme souhaite subvenir le plus complètement possible à ses besoins, afîn d 'assnrer sa survie.

C'est pourquoi I’homme conforme toujours ses actions à des règles et des lois, élaborées soit par lui-même, soit par d'autres; et c'est aussi pourquoi parmi toutes les autres possibilités existantes, il choisit une manière particulière de vivre.

Pour satisfaire ses sens et vaincre la faim et la soif, il mange et boit, considérant cela comme nécessaire pour perpétuer sa propre existence. Cette règle pourrait être illustrée par d 'autres exemples.

Les règles et les lois qui gouvernent l'existence humaine ne sont acceptées par l’homme qu 'en dépendance de ses croyances fondamentales concernant la nature de l'être universel, dont il fait lui-même partie, ainsi que de son jugement au sujet de cet être.

Que les principes gouvernant les actions de l'homme dépendent de sa conception de l'être dans sa totalité apparait avec évidence lorsqu'on s'arrête sur les différentes conceptions que les gens sefont de l'univers et de l'homme. Ceux qui considèrent que l'univers est limité à ce seul monde matériel et sensible, et que l’homme disparaït totalement la mort adoptent une conception de la vie déstinée à satisfaire leurs désirs matériels et leurs plaisirs mondains éphémères. Ils s 'éfforcent uniquement de dominer les conditions et les facteurs naturels de vie.

II y a aussi ceux qui, semblables aux idolâtres, considérent en général, le monde naturel comme créé spécialement pour l'homme par une divinité surnaturelle, laquelle remplit l'homme de bénédiction, afïn qu'il jouisse de sa bonté. De tels hommes organisent leur existence de manière à satisfaire la divinité et à éviter son courroux. Ils croient que s'ils font plaisir à la divinité, celle-ci augmentera sa bonté à leur égard et la rendra permanente et qu 'au contraire, s 'ils provoquent son courroux, elle les privera de sa bonté.

II y a ceux qui, en plus de leur croyance en un seul Dieu, croient à la vie étemelle de l'homme et considèrent que celui-ci est responsable de ses bonnes et mauvaises actions. Par conséquent, ils tiennent pour certain l'avènement du jour du jugement: c 'est le cas des Mazdéens, des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans. Ceux-ci veulent suivre dans leur vie un chemin dans lequel cette croyance essentielle soit respectée et le bonheur assuré, ici-bas et dans l'au-delà.

L'ensemble des croyances fondamentales se rapportant à la nature de I’homme et de l'univers, et l'ensemble des règles conformes à ces croyances, s'appliquant à la vie humaine, est désigné du terme de religion (dîn). S'il existe des divergences au sein de la religion (dîn), elles prennent le nom de « rites » tels que les rites sunnites et shi'ites dans l'Islam, ou le rite nestorien dans le christianisme. Si nous considérons la religion comme un programme de vie s'appuyant sur une ferme croyance, nous pouvons dire que l'homme même s'il ne croit pas à la divinité, ne peut jamais vivre sans religion. La religion ne peut jamais être séparée de la vie, et elle n 'est pas simplement affaire d'actes cultuels.

Le Coran affirme que I’homme n'a d'autre choix que de suivre la religion, comme un chenún placé par Dieu devant lui afin qu 'en le parcourant, il puisse parvenir à Dieu. Toutefois ceux qui ont accepté la religion de la Vérité (l'Islam) (3) marchent en toute sincérité sur le chemin de Dieu, alors que ceux qui n'ont pas accepté la religion de la vérité ont été détournés de la voie divine et suivent un chemin dévié.(4)

ISLAM Islam signifie étymologiquement soumission et obéissance. Le Coran désigne par « Islam » la religion qui invite les hommes à la soumission au Dieu de l'univers et de tout ce qui s'y trouve; par cette soumission, ils adorent seulement le Dieu Unique et n 'obéissent qu 'à ses ordres.(5)

Comme le Coran nous l'apprend, la première personne qui appela cette religion « Islam » et sesfidèles « musulmans », fut le prophète Abraham. (6)

SHI'AH Le terme Shi'ah qui signifie littéralement partisan, se réfère à ceux qui considèrent que la succession du Prophète (que la paix soit sur lui) (7) revient en droit à la famille du Prophète, et qui, dans le domaine des sciences et de la culture islamiques, suivent l'école ou le « rite » de la famille du Prophète.(8)

Notes de l'introduction:

1)- Note du traducteur: le titre original donné par 'Allâmeh Tabâtabâ'i à son livre, était «Shi’ah dar Islâm» (Le Shi'isme dans l'Islam). Ce que l'auteur désigne par ce titre est l'Islam vu et interprêté par le Shi'isme. Dès lors, nous avons choisi de l'intituler Islam Shi'ite.

2)- Note du traducteur: bien que nous ayons rendu le mot «din» par religion, son sens est plus universel que celui donné habituellement aujourd'hui à religion. «Din» est la série de pricipes transcendants et leurs applications dans tous les domaines de la vie qui touche l'homme pendant son séjour sur la Terre et sa vie dans l'Au-Delà. Il pourrait être traduit correctement par «tradition» au sens des auteurs traditionnels de l'Ouest comme F Schuon, R. Guénon et A.K. Coomaraswamy.

3)- Note du traducteur: parlant en tant qu'autorité religieuse musulmane, l'auteur a mentionné l'Islam entre parenthèses comme «la Religion de la Vérité» sans toutefois nier en aucune manière l'universalité de la révélation affirmée dans le Coran. Pour un Musulman, la Religion de la Vérité est tout à fait naturellement par excellence l'Islam sans que cette opinion diminue la Vérité des autres religions auxquelles l'auteur se réfère dans cet ouvrage ou dans d'autres.

4)- «La malédiction d'Allah sur les injustes qui écartaient (les hommes) du chemin d'Allah, qui le voulaient tortueux, ...Coran VII, 44-45.

5)- «Qui donc est meilleur, en religion, que celui qui s'est soumis à Allah, tout en pratiquant la bienfaisance, et qui suit la religion d'Abraham pris par Allah comme ami?» (Coran IV, 125) «Dis: O détenteurs de l'Ecriture!, venez à un terme commun entre vous et nous! nous n'adorons qu'Allah et ne Lui, associons rien, (que) les uns et les autres nous ne prenons point de seigneurs en dehors d'Allah! S'ils tournent le dos, dites (-leur): Attestez que nous sommes soumis (à Allah)!» (CoranIII, 64), «0 vous qui croyez!, entrez dans la Paix, en totalité,...* (Coran II, 208).

6)- «Seigneur! fais de nous des Soumis (à Toi) et, de notre descendance, fais une communauté soumise à Toi!... (Coran II, 128) «...la religion de votre père, Abraham. II vous a nommés les Soumis...» (Coran XXII, 78).

7)- Note du traducteur: dans toutes les langues islamiques chaque fois que le nom d'un des Prophètes, et, dans le Shi'isme, des Imams aussi, est cité, l'expression honorifique «'alayhi al salâm» (que la Paix soit sur lui) suit. Dans le cas du Prophète de l'Islam, l'expression «sall allâhu 'alayhi wa sallam» (Que la Paix et la Bénédiction de Dieu soit sur lui). Dans la traduction d'autant plus que c'est en une langue européenne, nous nous sommes d'habitude abstenus d'employer ces expressions qui apparaissent dans l'original en persan. Dans cet ouvrage aussi, chaque fois que le mot «Prophète» est écrit avec une capitale, il s'agit du Prophète de l'Islam.

8)- Un groupe de Zaidites qui acceptent deux califes avant Ali et suivent, en jurisprudence, Abû Haniïah, sont aussi appelés Shi'ites parce que, contrairement aux Omeyyades et aux Abbâssides, ils considèrent que le califat appartint uniquement à Ali et à ses descendants.

PREMIERE PARTIE

L’HISTOIRE DU SHIISME

CHAPITRE I

1)- Origine et évobition du Shi'isme

Le shi'isme naquit du vivant même du Prophète. (1) Ce terme a d'abord désigné les partisans d'Ali, le premier guide de la famille du Prophète. L'avénement, puis l'extension de l'Islam pendant les vingt-trois années de la prophétie, rendirent nécessaire pour plusieurs raisons l'apparition parmi les compagnons du Prophète, d'un groupe tel que celui des Shi'ites.

C'est pourquoi aux premiers jours de sa mission, quand d'après le texte du Coran, il lui fut ordonné d'inviter ses proches parents à embrasser l'Islam (2), le Prophète leur déclara clairement que quiconque serait le premier à répondre à son appel deviendrait son successeur et son héritier. Ali fut le premier à s'avancer et à embrasser l'Islam. Le Prophète accepta la soumission d'Ali à la foi divine et accomplit ainsi sa promesse (3). Du point de vue shi'ite s'il apparait impossible qu'aux premiers jours de son action, le chef du mouvement, présente un de ses compagnons comme son successeur et représentant à des étrangers, il parait en revanche légitime qu'il le désigne comme tel à ses aides et amis, entièrement loyaux et dévoués. De même, il n'est pas vraisemblable qu'un tel chef accepte et présente quelqu'un comme son représentant et successeur et ensuite, au cours de sa vie et de sa mission religieuse, le prive de ses prérogatives et du respect dû à son rang d'établir une quelconque distinction entre lui et les autres.

Bien au contraire, le Prophète, selon plusieurs hadiths absolument authentiques, qui ne sont mis en cause ni par les sunnites, ni par les shi'ites, a affïrmé clairement qu'Ali était préservé de l'erreur et du péché dans ses actions et ses paroles. Tout ce qu'il a dit et accompli était en parfaite conformité avec les enseignements de la religion (4) et il fut le plus savant des hommes en matière de connaissance des sciences et des lois islamiques (5).

Pendant la période de la prophètie, Ali accomplit des services de haute valeur et manifesta un remarquable dévouement. Ainsi, quand les infidèles de la Mecque décidèrent de tuer le Prophète et cernèrent sa maison, celui-ci décida d'émigrer à Médine. Il dit à Ali: «Veux-tu dormir dans mon lit cette nuit afin qu'ils croient que je suis endormi, et qu'ainsi ils ne se lancent pas à ma poursuite?» Ali accepta spontanément cette mission dangereuse. Ceci est rapporté dans différents recueils de hadiths. Ali servit aussi en combattant aux batailles de Badr, Ohod, Khandaq et Hunayn dans lesquelles sa participation fut telle que s'il n'avait pas été présent, l'ennemi aurait très probablement détruit l'Islam et les musulmans, ainsi qu'en attestent les récits historiques, de la vie du Prophète et les collections de hadiths.

La preuve principale de la légitimité d'Ali comme successeur du Prophète est l'événement de Ghadir-Khumm (6), où le Prophète choisit Ali pour la «tutelle générale » (Wâlayat-ammah) et fit de Ali le gouverneur (Wali) du peuple.

En raison d'une part, des grands services qu'il rendit et de ses vertus personnelles, reconnus de tous (7), et en raison, d'autre part, de la grande affection que le Prophète lui voua (8). Ali fut aimé par le Prophète et ses compagnons, qui furent des exemples de sincérité et de véracité, pour ses vertus ainsi que pour ses hauts faits.

Ces compagnons se rassemblèrent autour d'Ali et le suivirent, à tel point que beaucoup d'autres commencèrent à considérer excessif cet amour pour lui, et peut-être quelques uns en éprouvèrent-ils de la jalousie. A côté de tous ces éléments, nous voyons dans plusieurs paroles du Prophète une référence à la «Shi'ah d'Ali » et à la «Shi'ah de la famille du Prophète». (9)

2)- La cause de la séparation entre la minorité shi'ite et la majorité sunnite

Les amis et partisans d'Ali croyaient qu'après la mort du Prophète, le califat et l'autorité religjeuse revenaient à Ali. Cette croyance provenaient de leur considération de la situation d'Ali et de ses relations enversle Prophète, envers les élus parmi les compagnons et envers les musulmans en général. Ce furent seulement les événements qui se produisirent pendant les quelques jours de la maladie du Prophète qui provoquèrent une opposition à leurs vues. (10)

Contrairement à leur attente, lorsque le Prophète quitta ce monde, et tandis que sa famille et quelques Compagnons étaient occupés à préparer les funérailles, les amis et partisans d'Ali apprirent l'activité d'un autre groupe qui s'était rendu à la mosquée où la communauté était réunie en raison de la disparition soudaine de son chef. Ce groupe, qui devait plus tard former la majorité, entreprit en grande hâte, sans consulter la famille du Prophète, ni ses proches, ni plusieurs de ses amis, et sans même leur fournir la moindre information, de choisir un calife pour les musulmans, en apparence pour assurer le salut de ces derniers. C'est ainsi qu'Ali et ses compagnons furent mis devant un fait accompli. (11)

Après les funérailles du Prophète, Ali et ses amis, tels qu'Abbâs, Zubayi, Salmân, Abû Dharr, Miqdâd et Ammâr apprirent la façon dont le premier calife avait été élu. II protestèrent contre le choix d'un calife par consultation ou élection, et également contre les responsables de cette affaire. Ils présentèrent leurs propres arguments, mais la réponse fut que tel était le bien-être des musulmans, et que la solution résidait en ce qui avait été fait. (12)

Cette protestation et cette critique furent à l'origine de la scission de la minorité, dont les éléments furent connus dans la société comme les «partisans» ou «Shi'iah» d'Ali, d'avec la majorité. Le califat de l'époque était inquiet de voir ainsi la communauté musulmande divisée en une majorité et une minorité. Ceux qui soutenaient le calife considéraient que le califat était une question de consensus de la communauté et nommaient ceux qui protestaient les «opposants à l'allégance». Ils prétendirent donc que la minorité se tenait dans l'opposition envers la société musulmane. Parfois elle fut désignée par d'autres termes péjoratifs et dégradants. (13)

Dés le début le shi'isme fut condamné à cause de sa situation politique. Il ne put, par conséquent, obtenir quoi que ce soit au moyen de protestations politiques. Afin de sauvegarder l'unité de l'Islam et le bien-être des musulmans, et aussi du fait de l'absence d'une puissance militaire et politique suffïsante, Ali n'entreprit point de se soulever contre l'ordre existant en une révolte qui eut été sanglante. Pourtant ceux qui protestèrent contre le califat établi refusèrent de se soumettre à la majorité et continuèrent à soutenir que la succession du Prophète et l'autorité religieuse appartenaient de plein droit à Ali (14). Ils croyaient que pour toutes les matières spirtuelles et religieuses il fallait se réfèrer à lui et invitaient le peuple à rejoindre ses partisans (15).

3)-Les deux problèmes de la succession et de l'autorité dans les sciences religieuses

En accord avec les enseignements islamiques qui en sont à la base, le shi'isme estimait que la question la plus importante se posant à la société islamique, était l'élucidation des enseignements islamiques et des principes des sciences religieuses (17). C'était seulement après de telles clarifications, que l'on pourrait appliquer ces enseignements à l'ordre social. En d'autres termes, le shi'isme pensait, qu'avant toute chose, les membres de la société devaient être capables d'acquérir une vraie vision du monde et de l’homme, s'appuyant sur la nature réelle des choses. Alors seulement, ils pourraient connaître et accomplir leurs devoirs en tant qu'êtres humains, ce en quoi réside leur véritable bien-être, même si l'accomplissement de ces devoirs religieux s'avérait contraire à leurs désirs. Après avoir réalisé ce premier pas. un gouvernement religieux devrait préserver et appliquer dans la société l'ordre authentiquement islamique, de telle manière que l’homme n'adore nul autre que Dieu, qu'il jouisse, autant que possible, d'une liberté personnelle et sociale, et bénéficie d'une réelle justice, personnelle et sociale. Ces deux buts ne pouvaient être atteints que par quelqu'un d'infaillible et préservé par Dieu de toutes fautes. Sinon, les dingeants ou les autorités religieuses pourraient en venir à dénaturer l'lslam et à trahir leurs devoirs et leurs obligations. Si cela devait arriver, la règle juste et libératrice de l'Islam pourrait graduellement être convertie en une règle dictatoriale et un gouvernement totalement autocratique. De plus, les purs enseignements religieux pourraient devenir. comme on peut l'observer dans le cas de certaines autres religions, l'objet de changements et de déformations entre les mains d'érudits égoistes adonnés à la satifaction de leurs désirs matériels. La seule personne qui, selon la confirmation du Prophète, suivit parfaitement et complétement le Livre de Dieu et la tradition du Prophète, aussi bien dans ses paroles que dans ses actes, était Ali (18).

Si, comme le dit la majorité, c'est seulement les Qurayshites (19) qui s'opposèrent au légitime califat d'Ali, cette majorité aurait dû porter atteinte à la vérité par crainte de s'opposer aux Qurayshites.

Ce qui empêcha les shiites d'accepter le principe électif du choix d'un calife par le peuple fut la peur des conséquences pernicieuses qui pouvaient en résulter : peur d'une corruption possible dans le gouvernement islamique et de la destruction des bases solides des sublimes enseignements de la religion. Les évènements ultérieurs de l'histoire islamique confirmèrent de fait cette appréhension avec pour résultat, que les shi'ites furent confirmés dans leur croyance.

Pendant les premières années, toutefois, à cause du petit nombre de ses adeptes. le shi'isme apparut d'abord avoir été dissout dans la majorité. bien qu'il continuât discrètement à insister sur la nécessité de recourir à la famille du Prophètepour l'acquisition des sciences islamiques et qu'il continuât à gagner des gens à sa cause. En même temps, afin de preserver la puissance de l'Islam et de sauvegarder son progrès, le shi'isme ne montra aucune opposition ouverte au reste de la société islamique.

Les membres de la communauté shi'ite combattirent même coude à coude avec la majorité sunnite dans les guerres saintes (Jihad) et participèrent aux affaires publiques. Ali lui-même guida la majorité sunnite dans l'intérêt de tout l’Islam, chaque fois qu'une tellc action se révélait nécessaire (20).

4)- Le principe politique du choix d'un calife par vote et son incompatibilité avec b conception Shi'ite

Le shi'isme pense que la Loi divine de l'Islam (sharieah) dont la substance se trouve dans le livre de Dieu et dans la tradition (sunnah) (21) du Prophète, demeure valable jusqu'au jour du jugement et ne peut être, ni ne sera jarnais altérée. Un gouvernement qui est réellement islamique ne peut, sous aucun prétexte, refuser d'appliquer les injonctions de la sharieah (loi islamique) (22). La seule tâche d'un gouvemement islamique est de prendre des décisions par consultation dans les limites établies par la sharieah et en accord avec les exigences du moment. Le serment d'allégeance à Abu Bakr dans la Saqifah, qui fut motivé au moins partiellement par des considérations politiques, et S'incident, décrit dans le hadith de « l'encre et du papier» (23), qui eut lieu au cours des derniers jour de la maladie du Saint Prophète, démontrent que les partisans du principe d'élection pensaient que le Livre de Dieu devait être conservé sous forme de constitution, et accordaient beaucoup moins d'attention comme source immuable des enseignements islamiques aux paroles du Saint Prophète.

Ils semblent avoir accepté de modifier certains aspects des enseignements islamiques concernant le gouvernement, afin de satisfaire aux conditions du moment , et pour préserver le bien-être général.

Cette tendance est confirmée par plusieurs dires qui furent transmis ultérieurement, au sujet des Compagnons du Saint Prophète; par exemple, «les Compagnons étaient considérés comme des jurisconsultes indépendants en matière de Loi divine (mujtahid) (24), capables d'exercer un jugerment indépendant (ijtihad) dans les affaires publiques; s'ils réussissaient dans leur tâche, ils seraient récompensés (par Dieu) et s'ils échouaient ils seraient pardonnés (par Lui), parce qu'il comptaient parmi les Compagnons ».

Cette vue était largement soutenue pendant les premières années qui suivirent la mort du Saint Prophète.

Le shi'isme adopta une position plus stricte et pense que les actions des Compagnons, comme celles des autres musulmans, doivent être jugées en toute rigueur selon les enseignements de la sharieah. Par exemple l'incident du fameux général Khalid ibn Walid qui.ayant été reçu par l'un des plus éminents musulmans d'alors, Mâlike ibn Nuwayrah, tua son hôte, le décapita, jeta sa tête au feu et le soir même viola sa femme; il ne fut cependant pas puni pour ce crime, selon la loi islamique en raison de sa qualité de chef militaire remarquable, ce qui, aux yeux du shi'isme, manifeste une indulgence indue envers certaines actions des Compagnons, qui étaient au-dessous des normes de piété et de droiture établies par l'élite spirituelle des compagnons. (25)

Une autre pratique des premières années, critiquée par le shi'isme, consistait à priver la famille du Prophète du Khums. (26) et (27)

Par ailleurs, l’enregistrement par écrit du texte des hadiths fut complètement interdit, et lorsqu'on trouvait un hadith écrit, on le brûlait (28). Nous savons que cette interdiction fut en vigueur sous le califat des califes «bien dirigés» (Khulafa Ar Rachidine) (29) jusque durant la période des Omeyyades sous le califat de Omar Abdel-Aziz, qui gouverna de AH. 99/A.D. 717 à A.D. 719. (30) et (31)

Sous le second calife (13/634-25/644), il y eut une continuation de la politique consistant à mettre l'accent sur certains aspects de la sharieah et à négliger quelques pratiques qui, selon les shi'ites, furent enseignées et pratiquées par le Prophète. Certaines pratiques furent interdites, d'autres admises, et d'autres encore ajoutées. Par exemple, le pèlerinage de Tamattu (une sorte de pèlerinage au cours duquel la cérémonie d'Umrah est célébrée au lieu de la cérémonie du Hajj) fut interdite par Omar qui ordonna de lapider les transgresseurs; ceci en dépit du fait que le Prophèteinstitua dans son dernier pèlerinage une forme spéciale pour les cérémonies de pélerinage, pouvant être accomplie par les pèlerins venant de loin. (Coran II, 196)

D'autre part, du vivant du Prophètede Dieu, le mariage temporaire (mut'ah) était pratiqué, et l'appel à la prière comportait la phrase: «hâtez-vous vers le meilleur acte» (hayya alà khayr el'amal) Omar ordonna de ne plus la réciter, disant que cela risquait d'empêcher les gens de participer à la guerre sainte (jihad) (cette phrase est encore récitée dans l'appel shi'ite, mais non pas dans l'appel sunnite).

II y eut aussi des additions à la sharieah: du vivant du Prophète, un divorce n'était rendu valide que si les trois déclarations de divorce («Je divorce d'avec toi») étaient faites en trois occasions différentes, mais Omar permit de les faire en une seule fois. De très lourdes punitions furent imposées à ceux qui passèrent outre à certaines de ces nouvelles règles, telle que la lapidation dans le cas du mariage temporaire (mut'ah).

Ce fut aussi durant le règne du second calife que de nouvelles forces sociales et économiques conduisirent à la distribution inégale du trésor public (bayt-al-mâl) parmi le peuple; (32) un acte qui fut plus tard la cause de différences de classes considérables et de terribles et sanglants conflits entre musulmans.

A cette époque, Mu'awiyah gouvernait à Damas dans le style des Rois persans et byzantins et il lui fut même décerné le titre de «Khusraw-des-arabes» (un titre persan pour la plus haute autorité impériale), mais nul ne protesta sérieusement contre lui pour le type mondain de son gouvernement(33).

Le second calife fut tué par un esclave persan en 25/644. Conformêment au vote majoritaire d'un conseil de six hommes, réuni sur ordre du second calife avant sa mort, le troisième calife fut élu.

Celui-ci ne fit rien pour empêcher ses parents Omeyyades de prendre des positions de domination par rapport aux autres musulmans pendant son califat et nomma certains d'entre eux gouverneurs au Hijaz, en Irak, en Egypte et dans d'autres provinces musulmanes (34).

Les membres de sa famille commencèrent à faire preuve de laxisme dans l'application des principes moraux relatifs au gouvernement. Certains d'entre eux se rendirent ouvertement coupables d'injustices, d'actes tyranniques, de péchés et d'iniquité, et rompirent avec certains principes des lois islamiques.

Bientôt, de nombreuses protestations commencèrent à affluer vers la capitale. Mais le Calife, qui était sous l'influence de ses parents Ormeyyades, particulièrement de Marwan ibn Hakam (35), n'agit pas promptement pour remédier à l'état de choses qui provoquait les protestations. II arrivait même parfois que ceux qui protestaient fussent punis et poursuivis.

Un incident survenu en Egypte, illustre la nature du règne du troisième calife. Un groupe de musulmans d'Egypte se rebellèrent contre Othmân qui sentit le danger et appela Ali à son secours, tout en exprimant son repentir. Ali dit aux Egyptiens: «Vous vous êtes révoltés afin de ramener la justice et la vérité. Othman s'est repenti, affirmant: «Je changerai mes manières de faire et, d'ici trois jours, satisferai à vos désirs. Je vais démettre les gouverneurs oppresseurs de leurs fonctions». Ali signa un accord avec eux, de la part d'Othmân et ceux-ci retournèrent dans leur province. Sur le chemin du retour, ils aperçurent l'esclave de Othmân monté sur un chameau, se dirigeant vers l'Egypte. Nourrissant des soupçons sur sa mission, ils décidèrent de le rattraper. Ils trouvèrent sur lui une lettre du calife pour le gouverneur d'Egypte contenant ce qui suit: «Au nom de Dieu. Quand Abd-al-Rahman Ibn Addis viendra à toi, faites-lui donner cent coups de fouet, rasez-lui la tête et la barbe et condamnez-le à un long emprisonnement. Faites de même avec Amr Ibn-al-Hamaq, Suda Ibn Hamran, Al Urvah Ibn Niba». Les Egyptiens lui enlevèrent la lettre et s'en retournèrent en colère chez Othmân, lui disant: «Tu nous as trahis!» Othman nia être l'auteur de la lettre. Ils lui dirent: «C'est ton esclave qui portait ce document». I1 répondit: «I1 a commis cet acte sans ma permission». Ils lui rétorquèrent : «Mais il était monté sur ton chameau». Le calife leur répondit: «Ils ont volé mon chameau». Ils lui dirent: «La lettre est de la main de ton secrétaire» II leur répondit: «Ceci a été fait sans ma permission, et à mon insu». lls lui déclarèrent: «En tout cas tu es incompétent pour être calife et devrais démissioner, car si cela a été fait avec ta permission. tu es un traitre et si des choses aussi importantes se passent sans ta permission et à ton insu, cela prouve ton incapacité et ton incompétence. En tout cas, démets immédiatement les coupables de leurs fonctions ».

Othmân objecta: «si je décide d'agir selon votre volonté, alors c'est vous qui êtes les gouverneurs, Quelle est alors ma fonction?» Ils se lévèrent et quittèrent la réunion, en colère (36).

Pendant son califat, Othmân permit au gouvernement de Damas, à la tête duquel se trouvait Mu'awiyah, un omeyyade, de se renforcer plus que jamais, En réalité du point de vue du pouvoir politique, le centre de gravité du califat se trouvait à Damas. Médine alors capitale du monde islamique; ne possédait que l'apparence (37) du pouvoir. Finalement, en 35/656, le peuple se révolta et, après quelques jours de siège et de combats, le troisième calife fut tué.

Le premier calife avait été choisi par vote majoritaire des Compagnons, le second par la volonté et le lestament du premier, et le troisième par un conseil de six hommes, dont les membres et les règles de procédure furent déterminés par les seconds,

Dans l’ensemble, la politique de ces trois califes, qui furent au pouvoir pendant vingt-cinq ans, consiste à appliquer les lois et les principes islamiques dans la société selon l'Ijtihad et selon le jugement de califat, ce qui parut le plus sage à l'époque des califes eux-mêmes. Quant aux sciences islamiques, la politique de ces califes fut de réciter simplement le Coran sans tenir compte des commentaires, ni permettre qu'il fasse l'objet d'un approfondissement. Les hadiths du Prophèteétaient récités et transmis oralement sans être écrits, L'écriture était limitée au texte du Coran et interdite en ce qui concernait le hadith(38).

Après la bataille de Yamâmah qui finit en 12/633, plusieurs de ceux qui étaient des «récitateurs» du Coran et qui le connaissaient par coeur furent tués. Cela mena Omar îbn al Khattâb à proposer au premier calife de réunir les versets du Coran sous forme écrite, dans la crainte que si une autre guerre survenait et que le reste de ceux qui connaissaient le Coran par coeur venait à y mourir, la connaissance du texte du Livre Sacré ne disparut d'entre les hommes. II était donc nécessaire de rassembler les versets coraniques sous forme écrite (39).

Il apparait étonnant du point de vue shi'ite que cette décision ait été prise au sujet du Coran et que les hadiths du Prophète qui complétaient le Coran, et qui se trouvaient devant le même danger, exposés à l'altération dans la transmission, aux additions, aux abréviations, aux inventions et à l'oubli, n'aient pas fait l'objet de la même attention. Au contraire, comme on l'a dit plus haut, il fut interdit de les mettre par écrit et toute version trouvée devait être brûlée, comme pour bien insister sur le fait que seul le texte du livre Sacré devait subsister sous forme écrite, Quant aux autres sciences islamiques, aucun effort ne fut fourni, durant cette période, malgré les éloges dont le Coran entoure la connaissance (ilm) (40), et l’insitance qu'il met sur son développement.

La plupart avaient l'esprit occupé par les victoires remarquables et continuelles remportées par les armées musulmanes, et se laissèrent éblouir par un déluge d'immenses butins affluant de tous les horizons vers la péninsule arabique.

Avec cette nouvelle richesse et les mondanités qui raccompagnèrent, peu nombreux furent ceux qui se consacrèrent aux sciences de la famille du Prophète, à la tête de laquelle se tenait Ali, que le Prophèteavait présenté au peuple comme le plus versé en sciences islamiques. Il est curieux que, même pour rassembler les versets coraniques, Ali n'ait pas été consulté et que son nom n'ait pas été mentionné parrni ceux qui participèrent à la tâche, bien que tout le monde fût au courant qu'après la mort du Prophète, il avait réuni le texte du Coran. (41)

Il est rapporté dans plusieurs traditions qu'après avoir reçu le serment d'allégeance de la communauté, Abu Bakr envoya quelqu'un à Ali pour demander à son tour le serment d'allégeance. Ali répondit: «J'ai promis de ne pas quitter ma maison, sauf pour les prières quotidiennes, jusqu'à ce que j'aie réuni le Coran».

Et on rapporte qu'Ali ne donna son allégeance à Abu Bakr que six moix plus tard. Ceci constitue la preuve qu'Ali avait alors fini de compiler le Coran.

De même, il a été rapporté qu'après avoir compilé le Coran, il en posa les pages sur un chameau et les montra au peuple.

II est aussi rapporté que la bataille de Yamamah, à la suite de laquelle le Coran fut compilé, eut lieu pendant la deuxième année du califat d'Abu Bakr. Ces faits ont été mentionnés dans la plupart des livres d’histoire et de hadiths qui traitent de la compilation du Coran.

Ces évènements et d'autres, similaires, rendirent les partisans d'Ali plus fermes dans leurs croyances et plus conscients du chemin à parcourir.

Ils intensifièrent leur activité et Ali lui-même, du fait qu'il ne pouvait se consacrer à l'éducation et à la formation des gens en général, se concentra sur la formation d'une élite restreinte.

Pendant cette période de vingt-cinq ans, Ali perdit trois de ses quatre amis et compagnons les plus chers, qui étaient également des compagnons du Prophète: Salman-Al-Farsi, Abu Dharr Al Ghifari, et Miqdad. Ceux-ci avaient fait preuve à son égard d'une amitié fidèle en toutes circonstances. Ce fut également pendant cette période que quelques autres compagnons du Prophèteet un grand nombre de leurs disciples dans le Hijaz, le Yemen, l'Irak et d'autres contrées, rejoignirent les partisans d'Ali. Il en résulta qu'après la mort du troisième calife, de tous côtés le peuple se tourna vers Ali, lui prêta serment d'ailégeance et le choisit comme calife.

5)- L 'avénement du califat d 'Ali (42) et sa méthode de gouvernement

Le califat d'Ali commença vers la fin de l'année 35/656 et dura environ quatre ans et neuf mois. Pendant sa période de califat Ali suivit les voies du Prophète(43) et ramena la loi à sa pureté originelle. Il força tous les éléments politiques incompétents qui avaient un pouvoir de direction dans les affaires à démissionner (44) et amorça en réalité une transformation majeure, de nature «révolutionnaire», comportant d'innombrables difficultés. (45)

Le premier jour de son califat, dans un discours au peuple, Ali déclara: «0 peuple, sachez que les difficultés que vous avez rencontrées durant la mission du Prophètede Dieu, sont revenues et vous assaillent à nouveau. Vos rangs doivent être complètement inversés afin que les personnes de vertu qui se trouvent à l'arrière soient ramenées à l'avant et que ceux qui se sont placés à l'avant sans en être dignes retournent en arrière. II y a le vrai (Haqq) et le faux (bâtil). Chacun d'eux a ses adeptes, mais c'est le vrai qu'il faut suivre. Si le faux est majoritaire, cela n'a rien de nouveau, et si le vrai est rare et difficile à obtenir, il arrive parfois qu'il l'emporte, engendrant alors l'espoir du progrès. Certes, il n'arrive pas souvent que ce qui s'est éloigné de l'homme revienne à lui». (46) Ali continua à exercer son gouvernement révolutionnaire; mais comme il advient nécessairement dans tout mouvement de ce genre, des éléments de l'opposition dont les intérêts étaient compromis commencèrent à manifester leur désaccord et à opposer une résistance à son gouvernement. Appuyant leur action sur une revendication de vengeance pour la mort d'Othman, ils fomentèrent des guerres sanglantes qui se poursuivirent presque tout au long du califat d'Ali.

Du point de vue shi'ite, ceux qui déclenchèrent ces guerres civiles n'avaient pas d'autre but que leurs intérêts personnels.

Le désir de venger le sang du troisième calife n'était rien d'autre qu'un prétexte pour tromper la foule. II n'était même pasquestion d'un malentendu.

Après la mort du Prophète, une petite minorité, partisane d'Ali, avait refusé de prêter allégeance. A la tête de cette minorité se trouvaient Salman, Abu Dharr, Miqdad et Ammar. De même, au début du califat d'Ali, une minorité non négligeable, refusa de prêter allgeance. Parmi les opposants les plus tenaces figuraient: Said Ibn As, Walid Ebn Uqbah, Marwan Ibn Hakan, Amr Ibn As, Busr Ibn Artat, Samurah Ibn Jundab.et Mughirah Ibn Shu'bah.

L'étude biographique de ces deux groupes, et une réflexion sur leurs actes et les récits rapportés sur eux dans les livres d’histoire, révèlent pleinement leur personnalité religieuse et leurs objectifs.

Le premier groupe faisant partie de l'élite des compagnons du Prophète, des ascètes, des vrais adorateurs de ceux qui étaient totalement dévoués à l’Islam, luttant pour la liberté islamique. Ils étaient spécialement aimés du Prophète. Celui-ci dit: « Dieu m'a appris qu'il aimait quatre hommes et que je dois également les aimer ». On lui demanda leurs noms.Il mentionne trois fois le nom d'Ali et ensuite les noms d'Abu Dharr,Salman et Miqdad (Sunand'Ibn Majah, Le Caire 1372, Vol. Ip. 66).

Aishah a raconté que le Prophèteavait dit: «Si deux alternatives sont placées devant Ammar, il choisira précisément celle qui est plus juste et vraie» (Ibn Majah.Vol. Ip.66).

Le Prophètea dit: « I1 n'y a personne au ciel et sur terre de plus véridique qu'Abu Dharr » (Ibn Majah, Vol. Ip. 68). On ne mentionne pas un seul acte défendu qui ait été commis par ces hommes durant leur vie. Jamais il ne répandirent le sang injustement, ni ne commirent d'agression contre quiconque, ils ne volèrent le bien de personne, ni ne cherchèrent à corrompre ou à égarer les gens.

Par contre, l’histoire est remplie de récits d'actes indignes commis par certains membres du second groupe, ces actions en opposition avec les enseignements islamiques les plus évidents, ne se comptent pas. Rien ne peut les excuser, sinon le principe suivi pai certains sunnites qui prétendent que Dieu avait agréé tous les Compagnons et que, par conséquent, ceux-ci étaient libres d'accomplir n'importe quel acte, et ne seraient pas punis pour avoir violé les ordres et les lois du Livre Sacré et de la Sunnah.

La première bataille du califat d'Ali, qui a été normmée «bataille du chameau» fut causée par les regrettables différences de classe créées sous le gouvernement du deuxième calife, à la suite des nouvelle forces socio-économiques, qui provoquèrent une distribution inégale du trésor public parmi les membres de la communauté.

Quand il fut choisi pour le califat, Ali répartit le trésor d'une maniére égale (47), conformêment à la pratique du Prophète. Mais cette manière de répartir la richesse dérangea beaucoup Talhah et Zubayr. Ceux-ci commencèrent à manifester des signes de désobéissance et quittèrent Médine pour la Mecque, prétextant l'accomplissement du pélerinage. Ils persuadèrent « la mère des croyants » (Ummul mu'minin), Aishah, qui nourrissait peu de sympathie envers Ali, de les rejoindre; et sous prétexte de venger la mort du troisième calife. ils provoquèrent la sanglante «bataille du chameau» (48). Et ceci en dépit du fait que les mêmes Talhah et Zubayr, qui se trouvaient à Médine quand le troisième calife fut assiégé et tué, ne firent rien alors pour le défendre (49). De plus après sa mort, ils furent les premier à prêter serment d'allégeance à Ali au nom des «émigrés» (muhâjirûn) (50) et en leur nom propre (51). De même, « la mère des croyants », Aishah, lorsqu'elle reçut la nouvelle de la mort du troisième calife, ne manifesta aucune réprobation envers ceux qui l'avaient tué (52).

II faut se souvenir que les principaux instigateurs des troubles qui causèrent la mort du troisième calife furent les Compagnons qui écrivirent des lettres à partir de Médine vers toutes les contrées, proches et lointaines, invitant le peuple à se rebeller contre le calife.

Quant à la seconde guerre, dite de la « batallie de Siffin », elle dura un an et demi; à son origine se trrouve le désir de Mu'awiya de s'emparer du califat, qui représentait pour lui un instrument politique mondain plutôt qu'une institution religieuse. Mais il prit prétexte de la vengeance du sang du troisième calife comme but principal et entreprit une guerre dans laquelle plus de cent mille personnes périrent, sans raison.

Naturellement, dans ces guerres, Mu'awiya était agresseur plutôt que défenseur, car l'esprit de revanche qui prétend venger le sang de quelqu'un ne peut jamais prendre une forme défensive. Le prétexte de cette guerre était la vengeance du sang. Pendant les derniers jours de sa vie, le troisième calife, afin de mâter le soulèvement contre lui, avait faît appel à Mu'awiya, mais l'armée de ce dernier, sortie de Damas en direction de Médine, temporisa intentionnellement en chemin jusqu'à ce que le troisième calife fût tué. Alors Mu'awiya retourna à Damas pour provoquer un soulèvement et venger ainsi la mort du calife (53). Mais aprés la mort d'Ali, lorsqu'il eut conquis le califat, le même Mu'awiyah oublia de venger le troisième calife et renonga à poursuivre cette affaire.

Après Sifïn, il y eut la bataille de Nahiawân, où un certain nombre de gens, parmi lesquels on pouvait trouver quelques-uns des Compagnons, se rebellèrent contre Ali, à l'instigation de Mu'awiya (54). Ils semaient la rebellion à travers tout le territoire islamique, tuant les musulmans, en particulier les partisans d'Ali. Ils attaquèrent les femmes enceintes, leur ouvrirent le ventre et égorgêrent leurs bébés. Ali écrasa ce soulévement, mais quelque temps plus tard, il fut assassiné dans la mosquée de Kufa pendant la prière, par l'un des membres du groupe de ces Khawâridjs.

6)- Le bénéfice qui revient aux shi'ites par le califat d 'Ali

Bien qu'Ali, pendant les quatre ans et neuf mois de son califat, ne fut pas en mesure de mettre un terme définitif aux troubles qui agitaient le monde islamique, il réussit néanmoins sur trois plans fondamentaux :

1)-En conséquence de ses mesures justes et honnêtes, il rendit à la manière de vivre du Prophètetout son éclat et sa séduction, surtout aux yeux de la jeune génération. En contraste avec la grandeur impériale de Mu'awiya, il vécut simplement et pauvrement comme le plus pauvre parmi le peuple (55). II ne favorisa jamais ses amis ou ses parents par rapport aux autres (56), ni ne préféra la richesse à la pauvreté ou la force brutale à la modération.

2)—Malgré les difficultés harassantes qui absorbaient son temps, il laissa après lui, pour la communauté islamique un inestimable trésor de sciences théologiques et de connaissances islamiqucs. (57)

Les adversaires d'Ali prétendent qu'il était courageux mais dépourvu de perspicacité politique. Au début de son califat, il aurait pu faire provisoirement la paix avec ses adversaires. II aurait pu les amadouer par la paix et l'amitié, pour les gagner à lui. De cette manière, il aurait pu d'abord renforcer son califat et seulement ensuite s'engager dans l'extirpation et la destruction cle ses ennemis.

Ceux qui tiennent ce raisonnement oublient que le mouvement d'Ali ne s'appuyait pas sur l'opportunisme politique. C'était un mouvement religieux, révolutionnaire (au sens vrai de révolution, en tant que mouvement spirituel visant à rétablir l'ordre réel des choses, et non seulement dans son sens courant, politique et social). Par conséquent, il ne pouvait se laisser guider par des compromis, des flatteries ou des mensonges. Une situation similaire se constate au cours de la rnission du Prophète. Les infidèles et les polythéistes lui proposèrent plusieurs fois la paix et jurèrent que s'il s'abstenait de se dresser contre leurs divinités, ils ne s'opposeraient pas à sa mission religieuse. Mais le Prophèterejeta une telle proposition, bien qu'il eût pu, en ces jours difficiles, faire la paix et recourir à la flatterie pour fortifier sa propre position, et ensuite se retourner contre ses ennemis. En fait, le message islamique ne permet jamais qu'une cause vraie et juste soit abandonnée par souci de renforcer une autre bonne cause, ni qu'un mensonge soit dénoncé au moyen d'un autre mensonge. îl existe plusieurs versets coraniques à ce sujet (58). Les adversaires d'Ali commettaient n'importe quel crime et abrogeaient n'importe quelle loi islamique pour atteindre leur but. Certains soi-disant Compagnons prenaient trop de libertés avec les lois islamiques. Ali, lui, les respectait et les suivait parfaitement.

Environ onze mille de ses sentences et aphorismes, concernant différents sujets intellectuels, religieux et sociaux, ont été recensés (59). Dans ses conversations et ses discours, il exposa les sciences islamiques les plus sublimes, de la manière la plus élégante et la plus éloquente qui soit. II créa la grammaire arabe et posa les bases de la littérature arabe (60). Il fût le premier en Islam à s'intéresser directement aux questions métaphysiques (Flsafah-iilahi), unissant la rigueur intellectuelle à la démonstration logique.

II discuta de problèmes qui jamais auparavant n'avaient été posés de cette manière parmi les métaphysiciens du monde entier (61).

Bien plus, il était tellement adonné à la métaphysique et à la gnose que même au plus chaud de la bataille, il était capable de soutenir une conversation intellectuelle et de discuter de questions métaphysiques (62).

3)-Il forma un grand nombre de docteurs religieux et de savants islamiques, parmi lesquels on trouve nombre d’hommes pieux et mystiques, tels que Uways al-Qaranf, Kumayl Ibn Zyâd, Maytham al Tammar, El Rohaid al Hajari". Ces hommes ont été reconnus par les gnostiques ultérieurs comme les fondateurs de la gnose en Islam. D'autres parmi ses disciples devinrent les premiers maïtres de jurisprudence, de théologie, d'exégèse et de récitation coraniques(63).

7)- Le transfert du califat à Mu 'awiyah et sa transformation en une monarchie héréditaire

Après le martyre d'Ali, son fils, Hassan Ibn Ali, qui est reconnu par les shi'ites comme leur second Imam, devint calife. Cette désignation eut lieu conformêment à la dernière volonté et au testament d'Ali, et également grâce à "allégeance de la communauté à Hassan. Mais Mu'awiyah ne demeura pas impassible face à cet évènement. II marcha avec son armée vers l'Irak, où se trouvait alors la capitale du califat, et déclara la guerre à Hassan Ibn Ali.

Par diverses intrigues et la distribution de grandes sommes d'argent, Mu'awiyah corrompit progressiviment les aides et les généraux de Hassan Ibn Ali. Finalement, il força Hassan à lui laisser le califat pour éviter une effusion de sang et à faire la paix . Hassan lui céda le califat, à condition que ce dernier lui revienne à nouveau à la mort de Mu'awiyah et qu'aucun mal ne soit fait à ses partisans. (64)

Au cours de l'année 40/661, Mu'awiyah accéda finalement au califat. II se rendit immédiatement en Irak, et dans un discours adressé au peuple de cette contrée, déclara: «Je ne me suis pas battu contre vous pour la prière ou le jeûne. Ce que je voulais, c'était derégner sur vous, et ce but je l'ai atteint».(65) II ajouta: « L'accord que j'ai conclu avec Hassan est nul et non avenu. II git sous mes pieds». (66)

Par cette déclaration, Mu'awiyah fit connaître au peuple le véritable caractère de son gouvernement et révéla la nature du programme qu'il envisageait de mettre en oeuvre.

II précisa dans sa déclaration qu'il séparerait la religion de la politique et n'accorderait aucune garantie concernant les devoirs et les réglements religieux. II dépenserait toutes ses forces pour préserver et garder intact son pouvoir, à quelque prix que ce fût.

II est évident qu'un gouvernement de ce type est plus un sultanat et une monarchie qu'un califat, c'est-à-dire une succession au Prophètede Dieu, dans son sens islamique traditionnel. C'est pourquoi, certains de ceux qui furent admis à la cour de Mu'awiyah s'adressèrent à lui comme à un «Roi» (67). Lui-même, dans des réunions privées, interpréta son gouvernement comme une monarchie (68), alors qu’en public il se présentait toujours comme le calife. Naturellement, toute monarchie qui s'appuie sur la force implique le

principe d’héritage. Mu'awiyah confirma finalement ce fait, et choisit son fils, Yazid, jeune homme inconscient, et dépourvu de toute personnalité religieuse (69), comme «prince de la couronne» et successeur.

Cet acte devait être à l'origine de plusieurs évènements regrettables dans le futur. Mu'awiyah avait déjà laissé savoir qu'il refuserait de permettre à Hassan Ibn Ali de lui succéder en tant que calife et qu'il avait d'autres projets. Par conséquent, il s'arragea pour faire empoisonner Hassan (70), préparant ainsi la voie de la succession à son fils, Yazid.

En rompant son pacte avec Hassan, Mu'awiyah montrait clairement qu'il ne permettrait jamais aux shi'ites partisans de la famille du Prophètede vivre dans un environnement paisible et sain et de poursuivre leur activité comme auparavant. Aussi mit-il son projet à exécution, il alla jusqu'à déclarer que quiconque transmettrait un hadith louant les vertus de la famille du Prophètene jouirait d'aucune immunité ni protection en ce qui concerne sa vie, ses biens meubles et immeubles (71).

Parallèlement, il ordonna de récompenser convenablement quiconque pourrait apporter un hadith louant les autres Compagnons ou les califes. II en résulta, qu'à cette époque un grand nombre de hadiths louant les Compagnons furent inventés (72). Mu'awiyah donna l'ordre de répandre des commentaires défavorables au sujet d'Ali, du haut des chaires des mosquées à travers tout le territoire de l'Islam. (cet ordre continua à être plus ou moins appliqué jusqu'au califat de Omar Ibn Abd al Aziz, 101-99h.). (73)

Avec l'aide de ses agents dont quelques uns avaient été des compagnons du Prophète, Mu'awiyah mit à mort les plus éminents disciples d'Ali; les têtes de certains d'entre eux furent promenées à bout de lance à travers plusieurs villes.

La plupart des shi'ites furent forcés de désavouer et même d'insulter Ali et d'exprimer leur mépris à son égard. S'ils refusaient.ils étaitent mis à mort.(74)

8)- Les jours les plus difficiles du shi'isme

La période la plus difficile pour les shi'ites fut le règne de vingt ans de Mu'awiyah, pendant lequel ils ne jouirent d'aucune sécurité, la plupart d'entre eux étant connus et pourchassé par l'Etat. Deux des chefs shi'ites contemporains, les Imams Hassan et Hussein, étaient impuissants à changer les circonstances oppressives dans lesquelles ils se trouvaient.

Hussein, le troisième Imam du shi'isme n'eut aucune possibüité de libérer les shi'ites des" persécutions durant les dix années où il fut Imam. Sous le califat de Yazid, il fut martyrisé avec tous ses partisans et la plupart des membres de sa famille.

Certains, dans le monde sunnite considèrent comme pardonnables les actions arbitraires, injuste et irresponsables accomplies par Mu'awiyah, ainsi que par ses partisans et ses représentantes, pami lesquels certains étaient, comme Mu'awiyah lui-même, des Compagnons. Ce groupe s'appuie sur certains hadiths du Prophéte d'après lesquels tous les Compagnons pouvaunt pratiquer l'Ijtihad et étaient excusés par Dieu des fautes cammises Dieu était satisfait d'eux et leur pardonnait tous les torts et tous les crimes qu'ils pouvaient avoir commis.

Le shi'isme, toutefois, rejette cet argument pour deux raisons:

1- II est inconcevable qu'un guide de la société humaine comme le Prophèteapparaisse pour revivifier la Vérité, la Justice et la liberté et persuader un groupe de personnes d'accepter ses croyances (un groupe dont les membres ont sacrifié leur propre existence pour réaliser ce but sacré) et qu'ensuite, une fois ce but atteint, il accorde à ses partisans et ses Compagnons toute faculté de faire de ces lois sacrées ce que bon leur semble. Il est impossible d'admettre que le Prophèteeût pardonné n'importe quel tort ou crime commis par les Compagnons. Une telle indifférence envers les qualités de leur action aurait simplement détruit ce que le Prophèteavait construit.

2- Les récits (revâyât) qui décrivent les Compagnons comme jouissant de l’immunité et comme étant pardonnés d'avance pour toutes les actions, mêmes illégales ou répréhensibles qu'ils pouvaient accomplir, sont attribués à ces mêmes Compagnons; d'après l’histoire, il apparait que les Compagnons n'ont nullement agi les uns envers les autres comme s'ils étaient inviolables et

pardonnés d'avance pour leurs péchés et leurs fautes. Ce sont ces mêmes Compagnons qui s'injurièrent, se calomnièrent, et s'entretuèrent, sans la moindre indulgence les uns envers les autres. Par conséquent, ne fut-ce qu'en jugeant sur la façon dont les Compagnons ont agi et se sont comporté les uns envers les autres, on peut conclure que de tels récits ne peuvent être exacts ni confonnes à la manière dont certains les ont compris... L'expression de la satisfaction de Dieu au sujet des services rendus par les Compagnons en obéissance à Son ordre (75), se rapporte dans le Coran, à leurs actions passées, à la satisfaction de Dieu à leur sujet dans le passé, et non pas à toute action qu'il pourraient accomplir dans le futur.

9)- L 'établissement du gouvernement Omeyyade

Au cours de l'année 60/681, Mu'avyiyah mourut et son fïls Yazid devint calife, en conséquence de l’allégeance que son père avait obtenue pour lui auprès des principaux chefs militaires et politiques de la communauté.

D'après les documents historiques, on peut clairement se rendre compte que Yazid n'avait aucun sentiment religieux et que du vivant même de son père, il était peu respectueux des principes et des règles de l'Islam. Seules l'interessaient alors la débauche et la frivolité. Ses trois années de califat furent la cause de catastrophes sans précédent dans l’histoire de l’Islam.

Pendant la première année de son règne, Yazid massacra de la façon la plus atroce qui soit l'Imam Hussein, petit-fils du Prophète, ainsi que ses enfants, parents et amis. II fait même tuer quelques enfants de la famille du Prophèteet exposa les têtes coupées dans différentes villes, accompagnées par les enfants, les femmes et les membres de la famille du Prophètequi avaient survécu. (76)

Pendant la deuxième année de son règne, il ordonna un massacre général à Médine et, pour trois jours, donna à ses soldats licence de tuer, piller et prendre les femmes de la ville (77). Durant la troisième année il fit détruire et brûler la Kaabah Sacrée (78).

Après Yazid, la famille de Marwân prit possession du califat, selon des modalités dont le détail est resté enregistré dans îes îivres d’histoire. Le gouvemement de ce groupe de onze membres, qui dura environ soixante dix ans, inaugura une période de malheurs pour l'Islam et pour les musulmans. Ce ne fut qu'un empire arabe dictatorial qui se donna le titre de califat islamique, Pendant cette période, le calife, en principe «représentant du Prophète» et considéré comme le protecteur de la religion, décida, sans aucun respect pour les pratiques islamiques ni les sentiments musulmans, de construitre une pièce au-dessus de la Kaabah, afin de s'aménager un lieu de distraction pendant le pèlerinage annuel (79). L’un de ces califes prit le Coran comme cible de sa flèche, et dans un poème composé contre le Coran déclara : «Au jour du jugement, lorsque tu apparaitras devant Dieu, dis-lui : le calife m’a déchiré» (80).

Naturellement, les shi'ites qui se distinguent des sunnites awnt tout sur les deux questions du califat islamique et de l'autorité religieuse, connurent des jours amers durant cette sombra période, Pourtant, malgré l'injustice et l'irresponsabilité des gouvernements de l'époque, i'ascétisme et la pureté des Guides de la familie du Prophèterendirent les shi'ites chaque jour plus attachés à leurs croyances. La mort tragique de Hussein fut d'une importance particulière et joua un rôle majeur dans la propagation du shi'isme, surtout dans les régions éloignées du centre du califat, comme l'Irak, le Yémen et la Perse.

On peut déduire ceci du fait qus sous le cinquième Imam, avant même la fin du premier siècle de l'Islam et moins de quarante ans après la mort de Hussein, des failles et des divergences virent le jour dans le gouvemement Omeyyade. De toutes les contrées musulmanes, les gens affiuèrent en torrent vers la porte du cinquième Imam, pour apprendre les hadiths et les science islamiques. Le premier siècle n'était pas clos que, déjà quelques personnalités influentes dans le gouvernement fondaient la ville de Qôm, en Perse, et en faisaient une colonie shi'ite. Malgré tout, la plapart des shi'ites continuaient à vivre cachés, pratiquant leur vie religieuse en secret, sans manifestations extérieure.

Plusieurs fois, les descendants du Prophète(qui sont appelés en persan Sâdât-i-Alawi) se révoltèrent contre les injustices du gouvernement, mais chaque fois, ils furent vaincus et mis à mort.

Le gouvernement de l'époque, sans aucun scrupule, mit tout en oeuvre pour les écraser. Le corps de Zayd, le chef du shi'isme Zaydi, fut déterré et pendu; puis après être resté suspendu au gibet pendant trois ans, il fut décroché et brûlé, et ses cendres éparpillées au vent (82). Les shi'ites croient que les quatrième et cinquième Imams furent empoisonnés par les Omeyyades tout comme avaient été tués auparavant lesdeuxième et troisième Imams (83).

Les malheurs engendrés par les Omeyyades devinrent si évidents que la majorité des sunnites, bien qu'ils crussent en général au devoir d'obéissance envers les califes, ressentirent si fort les affres de leur conscience religieuse qu'ils furent obligés de diviser les califes en deux groupes. Ils en vinrent donc à distinguer les «Califes bien dirigés» (khulafa-u-rashidûn) qui sont les quatre premiers califes succédant au Prophète(Abû Bakr, Omar, Othman, Ali), des autres qui commencent avec Mu'awiyah.

Les Omeyyades suscitèrent tant de haine publique en raison de l'injustice, de la lâcheté et de l'inconscience qui marquèrent leur règne, qu'après la défaite définitive et la mort du dernier calife Omeyyade, les deux fils de ce dernier et certains autres membres de sa famille s'échappèrent avec grande difficulté de la capitale. Personne ne voulait leur offrir un refuge. Finalement, après avoir longtemps erré dans les déserts de Nubie, d'Abyssinie et de Badjâwah, où plusieurs d'entre eux moururent de faim et de soif, ils arrivèrent au Sud du Yémen.

A partir de là, ils assurèrent leurs frais de voyage en mendiant et se dirigèrent vers La Mecque, vêtus en porteurs. Arrivés à La Mecque, ils se fondirent dans la masse du peuple (84).

10)- Le shi'isme pendant le 2ème/8ème siècle

Pendant la dernière partie du premier tiers du 2ème/8ème siècle, après une série de révolutions et de guerres sanglantes à travers tout le monde islamique, due aux injustices, aux représsions et aux fautes commises par les Omeyyades, commença un mouvement anti-omeyyades au nom de la famille du Prophète, dans le Khorassan, en Perse. Le chef de ce mouvement était un général perse, Abu Muslim Marwazi, qui se rebella contre le gouvernement Omeyyade et progressa pas à pas dans son combat, jusqu'à renverser le gouvernement Omeyyade (85). Ce mouvement, qui s'enracinait dans une propagande shi'ite très profonde, accompagnait plus ou moins une revendication de vengeance du sang de la famille du Prophète; d'autre part les gens étaient secrètement invités à prèter allégeance à un membre qualifié de la famille du Prophète. Ce mouvement n'était pourtant pas directement issu de la volonté des Imams. Ceci est attesté par le fait que lorsqu'Abu Muslim offrit le califat au sixième Imam à Médine, celui-ci le repoussa énergiquement, en disant: «vous ne faites pas partie de mes hommes, et ce temps n'est pas mon temps» (86). Finalement les Abbassides saisirent le califat au nom de la famille du Prophète(87), et au début se montrèrent bons envers le peuple en général et envers les descendants du Prophèteen particulier. Pour venger le martyre de la famille du Prophète, ils massacrèrent les Omeyyades, au point d'ouvrir leurs tombes et de brûler les restes qui s'y trouvaient (88).

Mais trés vite, ils se mirent à imiter les voies injustes des Omeyyades, ne se privant d'aucune injustice ni d'aucune action irresponsable. Abu Hanifah, le fondateur de l'un des quatres rites sunnites, fut emprisonné et torturé par Al-Mansur (89). Ibn Hanbal, le fondateur d'un autre rite, fut fouetté (90). Le sixième Imam mourut empoisonné, après avoir enduré tortures et souffrances(91).

Les descendants du Prophètefurent parfois décapités en groupes, enterrés vivants, ou même emmurés dans des édiflces gouvemementaux qu'on était en train de construire.

Harun-al-Rashid, le calife Abbasâde, sous le règne duquel l'expansion et la puissance de l’empire musulman atteignit son apogée, fixant le soleil, lui adressa cette parole: «Brille où tu voudras, jamais tu ne pourras quitter mon royaume». Ses armées avançaient à l'Est et à l'Ouest, alors qu'à quelques pas de son palais, et à son insu, des officiels avaient décidé d'eux-mêmes de prélever des droits de passage sur les gens qui voulaient traverser le pont de Bagdad. Il arriva même qu'un jour le calife, voulant traverser le pont, fût interpellé et sommé d'acquitter le péage (92).

Un chanteur avait par deux vers lascifs, excité les passions du calife Abbasside Amin. Celui-ci le récompensa par la somme de trois millions de dirhams. Le chanteur, exultant de joie, se jeta aux pieds du calife en disant: «Oh! Prince des croyants! vous me donnez tout cet argent?» Le Calife répondit : «Peu importe; nous recevons cet argent d'une partie inconnue du royaume» (93). La stupéfiante quantité de richesses qui se déversait chaque année de tous les coins du monde islamique dans le trésor publique de la capitale favorisait la naissance d'une atmosphère de luxe et de débauche. Une grande partie, en fait, était souvent dépensée pour le plaisir et les folies du calife de l'époque. Le nombre de belles esclaves, dépassait plusieurs milliers. Le shi'isme ne profita nullement de la dissolution du gouvernement Omeyyade et de l'établissement des Abbassides. Ses adversaires et ses oppresseurs ne firent que changer de nom.

11)- Le shi'isme au 3ème/9ème siècle

Au début du 3ème/9ème siècle, le shi'isme connut un certain répit.

Cette situation plus favorable fut principalement due au fait que beaucoup de livres scientifiques et philosophiques furent traduits du grec, du Syriaque et d'autres langues encore en arabe. Les gens se mirent à étudier passionèment es sciences.

Qui plus est, Ma'mun, le calife abbasside de 198/813 à 218/833 avait une éducation Mu'tazilite, laquelle favorisait la démonstration intellectuelle : il fut donc plus enclin à laisser une complète liberté à la discussion et à la diffusion des diverses opinions religieuses. Les théologiens et savants shi'ites profitèrent pleinement de cette liberté poussant au maximum les activités culturelles et la propagation des enseignements shi'ites.

De plus, comme il est rapporté dans la plupart des recueils d’histoire, Al-Ma'mûn obéissant aux requêtes des forces politiques de l'époque. fit du huitiême Imam son successeur. II en résulta que les descendants et les amis de la famiile du Prophêîe furent jusqu'â un certain poinî libérés des pressions gouvernemenîaies et connurent une certaine indépendance d'action. Pourtant, três vite le tranchant du sabre se touma â nouveau contre les shi'ites et les jours anciens qu'on avait oubliés réapparorent. Ceci fut particuliêrement \Tai dans le cas de Al-Mutawakkil (233/847 - 247/861), qui nourrissait une inimitié spéciale envers Ali et les shi'ites. Sur son ordre, la tombe du troisiême imam, â Kerbala, Hit complêtement détraiîe. (94)

12)- Le shi'isme au 4ème/10èmesiècle

Durant le 4ème/10ème sicle apparurent certaines conditions nouvelles favorisant grandement la diffusion et la consolidation du shi'isme. Parmi celles-ci, il y avait les faiblesses apparues dans le gouvernement et l'administration centrale Abbasside et l'avènement des Buyides.

Les Buyides, qui étaient shi'ites, avaient une très grande influence à Bagdad, Sa capitale du califat, jusque sur le calife lui-même. Cette nouvelle force, d'une puissancc considérable, permit aux shi'ites de se dresser contre leurs adversaires, qui avaient auparavant tenté de les écraser en s'appuyant sur le califat, et de propager ouvertement leurs idées religieuses.

Selon les historiens, durant ce siècle, la plus grande partie de la péninsule arabique, à l’exception de certaines grandes villes, était shi'ite. Même certaines des villes principales comme Hajar.Omân et Sa'adah étaient shi'ites. A Basrah, qui avait toujours été une ville sunnite rivale de Koufa, laquelle était considérée comme un centre shi'ite, un groupe assez important de shi'ites vit le jour. De même à Tripoli.Nabius.Tiberies, Alep,(Nichapour)et Herat, il y avait de nombreux shi'ites: Ahwâz et la côte du Golfe persique, côté iranien, étaient également shi'ites (95).

Au début du même siècle, Nasir Utrûsh, après plusieurs années de propagande religieuse dans le nord de la Perse prit le pouvoir dans le Tabaristan et fonda un royaume qui se maintint durant plusieurs générations. Avant Utrûsh, Hassan Ibn Zayd alawi, avait régné pendant plusieurs années dans le Tabaristan (96). Durant cette même période, les Fatimides, qui étaient ismaéliens, conquirent l'Egypte et fondèrent un califat qui dura plus de deux siècles (296/908 - 567/1171). (97)

Souvent dans les grandes villes comme Bagdad, Basrah et Nichapour, des querelles et des émeutes éclatèrent entre shi'ites et sunnites; les shi'ites avaient quelquefois le dessus et en sortaient victorieux.

13)- Le shi'isme, du 5ème/11ème siècle au 9ème/15ème siècle

Du 5ème/11ème au 9ème/15ème siècles, le shi'isme continua de se répandre comme il l’avait fait pendant le 4ème/10ème siècle (98). Plusieurs rois et gouverneurs shi'ites apparurent dans diverses parties du rnonde musulman et propagèrent le shi'isme.

Vers la fin du 5ème/11ème siècle, l'activité missionnaire ismaélienne rayonna à partir de la forteresse d'Alamût et, pour presque un siècle et demi, les ismaéliens vécurent dans une indépendance complète dans les régions centrales de la Perse. De même, les Sâdât-i-Mar'ashi qui étaient des descendants du Prophète, gouvernèrent pendant plusieurs années dans le Mazandaran (99).

Sah Mohammad Khudâbandah, l'un des chefs mongols,les plus célèbres, se convertit au shi'isme et ses descendants régnèrent pendant plusieurs années en Perse, contribuant largement à l'expansion du shi'isme (100). II faut aussi mentionner les rois des dynasties Aq Qoyûnlû et Qara Qoyûnlû qui régnèrent à Tabriz et dont la souveraineté s'étendit jusqu'au Fars et à Kerman (101), de même qu'il faut évoquer le gouvernement fatimide d'Egypte. La liberté religieuse et la possibilité pour le peuple d'exercer un pouvoir religieux, variaient naturellement selon les souverains. Par exemple, avec la fin du gouvernement fatimide et la venue au pouvoir des Ayyubides, la scène changea du tout au tout et la population shi'ite d'Egypte et de Syrie perdit son indépendance religieuse. Plusieurs shi'ites de Syrie furent tués à cette époque, sur la simple accusation d'être shi'ites. L'un d'entre eux était Sahide-Awwal (le premier martyr) Muhammad Ibn Makki, une des grandes figures de la jurisprudence shi'ite, qui fut tué à Damas en 786/1384 (102). De même, le cheikh Al Ishraq Shihab Al Din Sohrawardi - qui fut tué à Alep, après avoir été accusé d'enseigner des doctrines philosophiques ésotèriques (103).

Durant cette période, le shi'isme ne cessait de se développer numériquement même si sa puissance religieuse et sa liberté dépendaient des conditions locales et des souverains en place. Toutefois, durant cette période, jamais le shi'isme ne devint la religion officielle d'un Etat musulman.

14)- Le shi’isme aux 10ème/16ème et / 11ème / l 7ème siècle

En l’an 906 Hégire.Ismaél.qui était de la famille du Cheikh Safi Al Din Ardibili (d. 735/1334), à la fois un maitre soufi et un shi'ite, amorça une révolte à Ardibil, avec trois cent soufis, disciples de ses ancètres, avec pour but la fondation d'une nation shi'ite indépendante et puissante. Il entreprit donc la conquéte de la Perse et renversa les princes féodaux locaux. Après une série de guerres sanglantes contre les gouverneurs locaux et les ottomans qui détenaient le titre de calife, il réussit à unifier la Perse en une nation et à promouvoir le shi'isme au rang de religion officielle de son royaume (104).

Après la mort de Shah Ismaël, d'autres rois safavides régnèrent en Perse jusqu'au 12ème/18ème siècle. Chacun d'eux continua à considérer le shi'isme duodécimain comme religion officielle de ce pays et à confirmer l'influence du shi'isme sur cette terre.

A l'apogée de leur puissance, sous le règne de Shah Abbas, les safavides accrurent leur expansion territoriale en sorte que la population de la Perse augmenta au point d'être deux fois plus importante que la population actuelle (105). Dans les autres terres musulmanes, par contre la population shi'ite n'augumenta que par le mécanisme naturel de la croissance de la population.

15)- Le shi'isme, du 12ème /18éme au 14ème/20ème siècle

Pendant ces trois derniers siècles, le shi'isme a poursuivi un rythme de croissance naturelle. Actuellement, en cette deuxième partie du 14ème/ 20ème siècle, le shi'isme est reconnu comme religion officielle de l'Iran. tandis qu'au Yemen et en Irak, la majorité de la population est shi'ite.

Dans presque toutes les terres où il y a des musulmans, on peut trouver un certain nombre de shi'ites. On estime qu'il y a aujourd’hui dans le monde environ plus de cent million shi'ites.

Notes du 1er Chapitre :

1)- La première désignation à être apparue au temps du Prophète de Dieu, fut « Shi'ah », et Salmân, Abu Dharr, Miqdâd et ' Ammâr étaient connus sous ce nom. Voir Hâdir al 'âlam al islâmi, Le Caire, 1352, vol. I, p. 188.

2)-Coran,XXVI,214.

3)- Selon ce hadith, Ali a dit: «Moi qui suis le plus jeune de tous, je soutiens que je suis votre vizir. Le Prophète posa sa main sur mon cou et dit: cette personne est mon frère,héritier et représentant. Vous devez lui obéir ». Les gens rirent et dirent à Abou Talib: « il t'a ordonné d'obéir à ton fils». «Tabari, al-Ta'rikh, Le Caire, 1357, vol.II, p. 63; Abul Fidâ', al-Ta'rikh, Le Caire, 1325, vol. I, p. 116; Ibn al Athir, al-Bidâyah wa'1-nihâyah, le Caire, 1358, vol. III, p.39; Bahrâni' Ghâyat al-Marâm, Téhéran, 1272, p.320.(Note du traducteur: le lecteur notera que ce hadith et certains autres qui sont cités plus d'une fois, apparaissent chaque fois sous une forme légèrement différente. C'est parce que l'auteur a employé chaque fois différentes versions transmises)

4)- Umm Salmah raconta que le Prophèteavait dit : «Ali est toujours avec la Vérité (haqq) et le Coran, et la Vérité et le Coran sont toujours avec lui, et jusqu'au jour du Jugement dernier, ils ne seront pas séparés les uns des autres ». Ce hadith a été transmis par 15 canaux dans les sources sunnites et par onze autres dans les sources Shi'ites. Umm Salmah, Ibn 'Abbâs, Abu Bakr, A'ishah, Ali, Abû Sa'id Khidri", Abû Laylâ, Abû Ayyûb Ansâri sont parmi les rapporteurs. Ghâyat al-Marâm, pp. 539-540. Le Prophète a aussi dit: «Dieu bénit Ali car la Vérité est toujours avec lui», al-Bidäyah wa'1-nihâyah, vol. IIl.p.36.

5)- Le Prophètea dit: « l'arbitrage a été divisé en 10 parts. Neuf ont été données à Ali et une a été divisée entre tous les hommes », al-Bidâyah wa'l-nihâyah, vol. VII, p.359. Salmân Farsi a transmis ce propos du Prophète:

«Après moi, le plus cultivé des hommes est Ali », Ghâyat al-Marâm, p.528. Ibn Abbâs a dit que le Prophètedit: « Ali est le plus compétent en jugement parmi les gens », selon le livre Fadâ'il al-sahâbah, mentionné dans leGhâyat al-marâm, p.528. Omar avait l'habitude de dire: «Que Dieu ne m'impose jamais une tâche difficile où Ali n'est pas présent»,al-Bidâyah wa1-nihâyah,vol. VII, p.359.

6)- Selon les croyances Shi'ites, revenant de son dernier pélerinage à la Mecque, sur la route de Médine à un endroit appelé Ghadir Khumm, le Prophètea choisi Ali comme son successeur devant la grande foule qui les accompagnait. Les shi'ites célèbrent cet événement ce jour-là comme une importante fête religieuse marquant le jour où le droit d'Ali à la succession a été universellement proclamé.

Le hadith de Ghadir dans ses différentes versions est un des hadiths définitivement établis parmi les Sunnites et les Shi'ites. Plus d'une centaine des compagnons l'ont raconté selon différentes chaines de transmissions et versions et cela a été relaté semblablement dans les livres du sunnisme et du shi'isme. Pour les détails, se référer à Ghayat al-marâm, p.79, 'Abaqât de Mûsawi, Inde 1317 (volume sur Ghadir) et al-Ghadir d'Amini, Nadjaf, 1372.

7)- Tarikh-i Ya'qûbi, Nadjaf, 1359, vol.II, pp. 137 et 140;Târikh-i Abi'l-Fida', vol.I, p. 156; Sâhih de Bukhâri", Le caire, 1315, vol.IV, p, 102; Murûj al-dhahab de Mas'ûdi, Le Caire, 1367, vol. II, p. 437, vol. III, pp. 21 et 61. Ibn Abi al Hadid.vol. I.pp. 127 et 161.

8)-Sahih de Muslim, vol. V, p. 176; Sahfh de Bukhâri, vol. IV, p. 207; Murûj al-dhahab, vol. II, p. 23 et vol. II, p. 437; Târikh-i Abi'î-Fidâ', vol. I, pp. 127 et 181,

9)- Djâbir a dit: « Nous étions en présence du Prophètequand Ali appamt dans le lointain. Le Prophètedit alors : « Je jure par celui qui tient ma vie entre Ses mains, que cette personne et ses partisans (shi'ah) bénéficieront du salut le Jour du lugement dernier ». Ibn 'Abbâs a dit: «Quand le verset » (au contraire), ceux qui auront cru et accompli les oeuvres pies, ceux-là sont le meileur de l'humanité » (XCVIII, 7) a été révélé, le Prophètedit à Ali: « ce verset t'appartient à toi et à tes partisans qui auront la félicité le Jour du Jugement dernier et Dieu sera aussi satisfait de toi». Ces deux hadiths et plusieurs autres sont cités dans l'ouvrage al- Durr al-manthûr de Suyûti, Le Caire, 1313, vol. VI, p.379 et Ghâyat al-marâm, p.326.

10)- Alots qu'il souffrait de la maladie qui le conduit à Sa mort, Mohammad organisa une armée sous le commandement de Usâmah Ibn Zayd et insista pour que tous participent à la guerre et quittent Médine. Un certain nombre de gens désobéirent au Prophètenotamment Abu Bakr et Omar : ceci troubla grandement le Prophète(Sharh Ibn Abi'l-Hadid, Le Caire, 1329, vol. I, p. 53). Au moment de sa mort, le Prophètedéclara: «Préparez de l'encre et du papier afin que je fasse écrire une lettre pour vous qui sera une cause de votre orientation et vous préservera d'être égarés ». Omar qui empêcha cela, dit: «sa maladie a empiré et il délire » (Târikh-i Tabari, vol. II, p. 436; Sahîh de Bukhârf; vol. IÏI et Sahfli de Musiim, Le Cairc, 1349, vol. V; al-Bidâyah wa'l-nîhâuah, vol. V, p. 227; îbn Abil Hadid, vol. I, p. 133). Une situation quelque peu semblable se passa lors de la maladie qui conduisit à la mort du premier calife. Dans son dernier testament, le premier calife choisit Omar et se trouva même mal alors qu'il dictait ce testament mais Omar ne dit rien et ne le considéra pas comme étant en délire bien qu'il s'évanouit alors qu'on écrivait le testament. Le Prophète était infaillible et totalement conscient lorsqu'il demanda d'écrire une lettre d'orientation. (Raudat al-Safâ de Mîr Khwând, 1332, vol. II, p. 260).

11)- Ibn Abil-Hadid, vol. I, p. 58 et pp. 123-135; Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, p. 102; Târikh-i Tabari, vol. II, pp. 445-460.

12)- Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, pp. 103-106; Târfkh-i Abil-Fidâ, vol. I, pp. 156 et 166;Murûjal-dhahab,volII,pp.307et 352; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, pp. 17 et 134. En réponse à la protestation d'Ibn Abbâs, Omar déclara: «Je jure par Dieu qu'Ali est le plus digne parmi tous pour devenir calife, mais nous l'avons écarté pour trois raisons: (1)- il est trop jeune, (2)- il est lié aux descendants d'Abd al-Muttalib, (3)- Le peuple n'aime pas à avoir la prophétie et le califat réunis dans une famille » (Ibn Abi'l-Hadid, vol. I, p. 134). Omar a dit à Ibn Abbas: «Je jure par Dieu qu'Ali mérite le califat mais les Quraychites n'auraient pas été capables de supporter son califat; s'il était devenu calife, il aurait forcé le peuple à accepter la pure Vérité et à suivre le droit chemin. Sous son califat, ils n'auraient pu transgresser les limites de la justice et auraient donc cherché à engager la guerre contre lui» (Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, p. 137).

13)- Omar ibn Harith disait à Sa'id ibn Zayd: « Est-ce que quelqu'un s'est opposé à payer allégeance à Abu Bakr?» II répondit: «Personne ne s'est opposé à lui excepté ceux qui sont devenus apostats ou qui sont sur le point de le devenir ». Târîkh-i Tabari, vol. II, p.447.

14)- Dans le fameux hadith du thaqalayn, le Prophètea dit: « Je laisse deux choses de valeur parmi vous dans l'espoir que si vous vous y cramponnez, vous ne vous égarerez jamais; le Coran et les membres de ma Maison: ceux-ci ne seront jamais séparés jusqu'au Jugement dernier ». Ce hadith a été transmis par plus d'une centaine de canaux par au moins trente-cinq des Compagnons du Prophète ('Abaqât, volume sur le hadith-i thaqalayn; Ghâyat al-Marâm, p. 211). Le Prophète a dit: « Je suis la cité du savoir dont Ali est la porte. Ainsi quiconque cherche le savoir, entrera par cette porte » (al-Bidâyah wal-nihayah.vol. VII, P. 359).

16)- Ya'qûbi, vol. II, pp. 105 150, où cela est souvent mentionné.

17)- Le Livre de Dieu, les dits du Prophèteet de sa famille sont pleins d'encouragements et d'exhortations à acquérir le savoir à tel point que le Prophètea dit: « La recherehe du savoir incombe à tout Musulman », Bihâr al-anwâr de Majlisi, Téhéran, 1301-15, vol. I, p. 55.

18)- Al-Bidâyah wa'1-nihâyah, vol. VII, p. 360.

19)- Note de l'éditeur: Les Qurayshites étaient la plus aristocratique tribu de l'Arabie préislamique, d'où est lui-même issu le Prophète. Mais les Qurayshites, étant les gardiens de la Ka'bah, se sont d'abord opposés à sa prophétie et lui ont offert la plus grande résistance. Seulement après, ils se sont soumis à la nouvelle religion où ils ont toujours continué à occuper, une place d'honneur, particulièrement, la branche directement liée â la famille du Prophète.

20)-Tânkh-i Ya'qûbi, pp. 1 1 1, 126 et 129.

21)- Note de l'éditeur: les traditions du Prophèteen tant que contenues dans ses propos, sont appelées hadith alors que ses actes, faits, mots et tout ce qui compose la vie qui est devenue un exemple pour tous les Musulmans, sont appelés sunnah.

22)- Dieu a dit: «En vérité, elle est certes une Ecriture précieuse. Le faux ne s'y glisse par aucun côté» (Coran XLI, 41-42) et aussi «Le Jugement nappartient qu'à Allah» (Coran VI, 57 et XII, 40, 67), signifiant que l'unique shari'ah est la Chari'ah et les lois de Dieu qui doivent atteindre les hommes par la prophétie. II a dit: « Mais il est l'Apôtre d'Allah et le Sceau des Prophètes» (Coran XXXIII, 40). II a dit: «Ceux qui n'arbitrent point au moyen de cequ'Allah a fait descendre, ceux-là sont des impies» (Coran V,44).

23)- Note de l'éditeur: selon les sources shi'ites, après la mort du Prophète, le peuple se réunit dans la « galerie couverte» (saqifah) de Bani Sâ'idah et prétèrent serment d'allégeance à Abou Bakr en tant que calife. Comme pour le hadith de « l'Encre et du Papier», îl se réfère aux derniers instants de la vie du Prophètecomme cité ci-dessus â la note 10.

24)- Note de l'éditeur: le mujtahid est quelqu'un qui, par sa maitrise des sciences religieuses et la possession de qualités morales, a le droit de pratiquer l'ijtihad ou l'émission de nouveaux avis sur des matières appartenant à la Chari'ah. Le droit d'exercer son jugement indépendant basé sur les principes de la Loi, ou ijtihad, n'existe plus dans l'Islam sunnite depuis le 3e/9e siècle alors que la «porte de l'ijtihad » a toujours été ouverte en Islam shi'ite. Les autorités dominantes en Loi divine sont appelées mujtahid dans le shi'isme.

25)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 110; Târikh-i Abi'l Fidâ', vol.I, p. 158.

26)- Note de l'éditeur: une taxe religieuse payée à la famille du Prophètequi a été supprimée en Islam sunnite après sa mort mais qui a été maintenue en Islam shi'ite jusqu'à ce jour.

27)- Al-Durr al manthûr, vol.III, p. 186; Târfkh-i Ya'qûbi", vol.III, p. 48. Outre celles-ci, la nécessité du Khums a été mentionnée dans le Coran: «quoi que vous preniez en butin, sachez que le cinquième (Khums) appartient à Allah, à l'Apôtre et à ses Proches...» (Coran VIII, 41).

28)- Prenant son califat, Abou Bakr a réuni cinq cents hadiths. A'ishah raconte : « une nuit, je vis mon père agité jusqu'au matin. Le matin, il me dit: «apporte les hadiths». Ensuite, il les brûla tous» (Kanz al-'ummâl d'Alâ'al-Din Muttaqi, Hyderabad, 1364-75, vol.V, p. 237). Omar écnvit à toutes les villes, spécifiant que quiconque possède un hadith, doit le détruire (Kanz al-'ummâl, vol.V, p. 237). Mohammad ibn Abi'Bakr dit: «au temps d'Omar, le nombre d'hadiths augmenta. Quand ils furent amenés devant lui, il ordonna de les brûler» (Tabaqât Ibn Sa'd, Beyrouth, 1376, vol.V p. 140).

29)- Note de l'éditeur; les quatre premiers califes, Abu Bakr, Omar,' Othman et Ali sont appelés ensembles les Khulafa Ar-Rachidin, les califes guidés correctement et leur période de califat est nettement distinguée de celle des Omeyyades qui suivit, car le gouvernement des quatre premiers califes fut fortement religieux en caractère alors que le califat Omeyyade fut coloré de considérations terrestres et matérielles.

30)- Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 151 et autres sources semblables.

3 1)- Note de l’éditeur: au profit du lecteur non-musulman, toutes les dates vont être données selon l'hégire islamique - calendrier lunaire commençant à l'Hégire - et selon le calendrier chrétien (13/634 - 25/644): quand une référence est faite au siècle, nous donnons premièrement le sicèle islamique et ensuite le siècle chrétien correspondant (ex: 4e/10e siècle).

32)-Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 131; Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 160.

33)- Osd al-ghâbah d'Ibn Athir, Le Caire, 1280, vol.IV, p. 386; al-Isâbah d'Ibn Hajar Asqalâni, Le Caire, 1323, vol.III.

34)- Târïkh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 150; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 168; Târikh-i Tabarï, vol.III, p. 377, etc.

35)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 1 50; Târikh-i Tabarï, vol.III, p. 397.

36)- Târikh-i Tabari, vol.III, pp. 402-409; Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, pp. 150-151.

37)-Târikh-i Tabari, vol.III, p.377.

38)- Sahihih de Bukhâri, vol.VI, p. 98;Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 1 13.

39)-Târikh-i Ya'qûbi vol.II, p. 111; Tabarï, vol. III, p. 129-132.

40)- Note de l'éditeur: le mot 'ilm signifie science dans son sens le plus universel comme le latin scientia et s'applique aussi bien aux fonnes religieuses du savoir qu'à celles inteliectuelles, rationelles et philosophiques. Généralement, il est distingué de ma'rifah ou 'irfan qui est la connaissance divine et peut être comparé au latin sapientia. Certains maitres de l'Islam considèrent toutefois 'ilm dans son sens le plus,comme supérieur à l'irfan, car c'est une qualité divine, un des noms de Dieu étant al-'Alim, Celui qui sait.

41)-Târikh-i Ya'qûbi, vol.il, p. 113; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 9.

42)- Note de l'éditeur: le titre d'amir al-mu'minin, «commandant des croyants», est utilisé dans le Shi'isme essentiellement pour Ali alors que dans l'Islam sunnite, il est donné comme titre général à tous les califes.

43)- Ya'qûbi, vol.II, p. 145.

44)- Ya'qûbi, vol.II, p. 1 55 ; Murüj al-dhahab, vol.II, p. 364.

45)- Note de l’éditeur: «révolutionnaire» dans ce contexte n'a certes pas la même signification qu'il a généralement en Occident. Dans un contexte islamique un mouvement révolutionnaire est le retour aux sources et le rétablissement ou la réapplication de principes immuables d'un ordre transcendant dans tous les domaines de la vie, alors que dans un contexte non islamique, il signifie rebellion contre ces principes, et leur application ou contre tout ordre établi en général.

46)- Nahj al-balâghah, le 15e sermon.

47)- Murûj al-dhahab, vol.II, p. 362; Nahj al-balâghah, sermon 122; Ya'qûbi, vol.II, p. 160; Ibn Abi'l-Hadid, vo.I, p. 180.

48)- Ya'qûbi, vol.II, p. 156. Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 172; Murûj al-dhahab, vol.II, p.366.

49)-Ya'qûbi.vol. II.p. 152.

50)- Note de l'éditeur: Les muhâjirûn se réfèrent aux premiers convertis à l'Islam qui émigrèrent avec le Prophètede La Mecque à Médine.

51)-Ya'qûbi,vol.II, p. 154; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 171.

52)-Ya'qûbi, vol.II, p. 152.

53)- Quand Othman fut encerclé par ceux qui s'étaient rebellés, il écrivit à Mu'awiyah lui demandant de l'aide. Mu'awiyah prépara une armée de 12.000 hommes qu'il envoya à Médine. Mais il la fit camper autour de Damas et vint faire rapport à Othman que l'armée était prête. Othman lui dit: «vous avez stoppé votre armée exprès pour que je sois tué. Ensuite, vous ferez de mon sang versé une excuse pour vous révolter vous-même» Ya'qûbi, vol.II, p. 152; Murûj al-dhahab, vol.III, p. 25, Taban" vol.III, p. 403.

54)-Murûj al-dhahab, vol.II, p.415.

55)- Murûj al-dhahab, vol.II, p. 431; Ibn Abil-Hadid, vol.I, p. 181.

56)- Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 182; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 181.

57)- Nahj al-balâghah et les hadiths contenus dans les livres aussi bien sunnites que shi'ites.

58)- Voir par exemple les commentaires traditionnels qui décrivent les circonstances au moment de la révélation de ces verséets: «Le Conseil (malâ') issu d'eux (les infidèles) s'en est allé disant: partez et soyez constants envers vos diviniités!» (Coran XXXVIII, 6); «Si Nous ne t'avions point confirmé, tu aurais certes failli t'incliner vers eux quelque peu » (Coran XVII, 74) et «Ils aimeraient que tu les flattes pour te rendre la pareille » (Coran LXVIII, 9).

59)- Kitâb al-ghurar wa'1-durar d'Amedi, Saïda, 1349.

60)- Des ouvrages comme le Nahw (grammaire) de Suyûti, Téhéran, 1281 etc, vol.II; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 6.

61)- Voir Nahj al-Balâghah.

62)- Au milieu des combats de la Bataille du Chameau, un Bédouin demande à Ali :

«O Commandeur des Croyants! Vous affirmez que Dieu est un?». Les gens l'assaillirent de toutes parts disant: «Tu ne vois pas qu'Ali est soucieux et son esprit occupé par tant de sujets divers? Pourquoi engages-tu la discussion avec lui?». Ali dit à ses compagnons: «Laissez cet homme. Mon but en combattant ces gens n'est rien d'autre que l’explication de la vraie doctrine et les desseins de la religion ». Alors il se disposa à répondre au Bédouin. Bihar al-anwâr vol.II, p. 65.

63)- Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, pp. 6-9.

64)- Ya'qûbi, vol.II, p. 191 et autres histoires.

65)- Ibn Abi al-Hadid, vol.IV, p. 160; Tabari vol.IV, p. 124; Ibn Athir, vol.IH.p. 203.

66)- Les mêmes sources, al-Nasâ'ih al-kâfiyah de Mohammad al-'Alawi, Bagdad, 1368, vol.II, p. 161 et autres.

67)-Ya'qûbi, vol.II, p. 193.

68)-Ya'qûbi, vol.II, p. 202.

69)- Yazid était un débauché et un sybarite. Q était toujours soûl et portait des vêtements de soie déplacés. Ses fêtes nocturnes alliaient musique et vin. II avait un chien et un singe, qui étaient toujours ses compagnons et avec lesquels il s'amusait. Son singe s'appelait Abû Qays. II l'habillait de beaux atours et le faisait assister à ses beuveries.Quelquefois, il le faisait monter à cheval et l'envoyait participer aux courses. Ya'qûbi, vol.II, p. 196; Murûj al-dhahab, vol.HI, p. 77.

70)-Murûj al-dhahab,vol.III,p. 5; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 183.

71)-al-Nasâ'ih al-Kâfiyah.p. 72,reprise du Kitâb al-ahdâth.

72)- al-Nasâ'ih al-Kâfiyah, pp. 72-73.

73)- Ya'qûbi, vol.II, pp. 199 et 210; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 186; Murûj al-dtiahab, vol.III, pp. 33 et 35.

74)- al-Nasa" ih al-Kâfiyah, pp. 58, 64, 77-78.

75)-Voir le Coran, IX, 100.

76)- Ya'qûbi, vol.II, p. 216; Abi'l-Fidâ' vol.I, p. 190 ; Muruj al-dhahab vol.III p.64 et autres histoires.

77)- Ya'qûbi, vol.II, p. 243; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 192; Muruj dhahab vol III, p.78.

78)- Ya'qûbi, vol.II, p. 224; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 192; Muruj al-dhahab vol.III p,81

79)- Walid ibn Yazid; mentionné dans Ya'qûbi, vol.III, p. 73.

80)- Walid ibn Yazid; rnentionné dans Murûj al-dhahab, vol.III, p.228.

81)- Mu'jam al-buldân, Yâqût Hâmawi, Beyrouth, 1957.

82)-Murüj al-dhahab, vol.III, pp. 217-219; Ya'qûbi, vol.II, p. 66.

83)- Bihâr al-anwâr, vol.XII et autres sources shi'ites.

84)- Ya'qûbi, vol.III, p. 84.

85)- Ya'qûbi, vol.III, p. 79; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 208 et autres histoires.

86)- Ya'qûbi, vol.III, p. 86; Murûj al-dhahab, vol.III, p. 268.

87)-Ya'qûbi, vol.III, p. 86;Murûj al-dhahab, vol.III, p. 270.

88)-Ya'qûbi, vol.III, pp. 91-96; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 212.

89)- Abi'l-Fidâ', vol.II, p. 6.

90)- Ya'qûbi, vol.III, p. 198; Abu'l-Fidâ', vol.II, p. 33.

91)- Bihâr al-anwâr, vol.XII, sur la vie de l'Imam Ja'far al-Sâdiq.

92)- al-Aghâni d'Abu'l-Faraj Isfahâni, Le Caire, 1345-51, l'histoire du pont de Bagdad.

93)- al-Aghâni, l'histoire d'Amin.

94)- Abi'l-Fidâ' et autres histoires.

95)- al-Hadârat al-islâmiyah d'Adam Mez, Le Caire, 1366, vol.I, p. 97,

96)- Murûj al-dhahab, vol.IV, p. 373; al-Milal wa'1-nihal de Chahrestâni, Le Caire, 1368, vol.I, p. 254.

97)- Abi'l-Fidâ', vol.II, p. 63 et vol.III, p.50.

98)- Voir ies histoires al-Kâmil d'Ibn Athir, Le Caire, 1348; Raudat al-safâ' et Habïb al-siyar de Khwând Mfr, Téhéran, 1333.

99)-ibid.

100)-ibid.

101)- ibid.

102)- Rayhânat al-adab de Mohammad 'Ali Tabrizi, Téhéran, 1326-32, vol.II, p. 365 et la plupart des ouvrages sur la biographie de cet homme célèbre.

103)- Rayhânat al-adab, vol.II, p. 380.

104)- Raudat al-sâfâ'; Habib al-siyar et autres.

105)-Târîkh-i 'âlam ârây-i 'abbâsi d'Iskandar Bayk, Téhéran, 1334 Hégire solaire.

CHAPITRE II

DIVISIONS A L'INTÉRIEUR DU SHI'ISME

1- Origine de la division

Chaque religion possède un certain nombre de principes premiers constituant sa base essentielle et d'autres principes d'importance secondaire. Quand les fidèles d'une religion diffèrent d'opinion en ce qui concerne la nature des principes premiers et des aspects secondaires, tout en conservant une base commune, il en résulte ce que l'on appelle un schisme (inshi'ab) à l'intérieur de cette religion. De telles schismes existent dans toutes les traditions religieuses, et plus particulièrement dans les quatre religions «révélées»: judaisme, christianisme, mazdéisme, et islam.

Le shi'isme ne connut aucune division pendant l'imamat des trois premiers Imams: Ali, Hassan et Hussein. Mais après le martyre de Hussein, la majorité des shi'ites acceptèrent l’imamat d'Ali ibn Hussein al-Sadjdjâd, alors qu'une minorité connue sous le nom de Kissaniyah, considéra le troisième fils d'Ali, Mohammad Ibn Hanafiyah comme le quatrième Imam et le Mahdi promis. Cette minorité croyait qu'il était entré en occultation dans les montagnes Radwa et réapparaitrait un jour.

Après la mort de l'Imam Al-Sadjdjâd, la majorité des shi'ites acceptèrent son fils Mohammad al Bâqir comme Imam, alors qu'une minorité suivit Zaid al-Chahid, un autre fils, de l'Imam al-Sadjdjâd, et fut connue sous le nom de «Zaidites».

Après l’Imam Mohammad al-Baqir, les shi'ites reconnurent son fils Dja'far-al-Sâdiq comme Imam; et après la mort de celui-ci, la majorité suivit son fils,l’Imam Musâ al-Kazim, à titre de septième Imam. Toutefois, un groupe suivit le fils ainé du sixième Imam, Isma'il, décédé avant son père vénéré. Quand ce groupe se sépara de la majorité shi'ite, il prit le nom d’«ismaéliens». D'autres acceptèrent comme Imam, les uns Abdallâh al Aftah, les autres Mohammed, tous deux fils du sixième Imam. Enfin, un autre groupe s'arrêta au sixième Imam, le considérant comme le dernier Imam.

De même, après le martyre de l'Imam Musâ el Kazim, la majorité suivit son fïls, Ali al Ridâ comme huitième Imam. Par contre, d'autres s'arrêtèrent au septième Imam et furent connus sous le nom de Wâqifîyah.

A partir du huitième Imam et jusqu'au douzième, qui pour la majorité shi'ite est le Mahdi promis, aucune division importante n'apparut au sein du shi'isme. Même si certains évènements prirent la forme d'une division, ils ne durèrent que quelques jours et se dissipèrent d'eux-mêmes.

Par exemple, Dja'far, le fils du dixième Imam prétendit àl’imamat après la mort de son frère, le onzième Imam. Un groupe de personnes le suivit, mais se dispersa après quelques jours, et Dja'far lui-même renonça à ses prétentions. De plus, il existe des différences entre shi'ites en matière de théologie et de jurisprudence, qui ne doivent pas être considérées comme des divisions en écoles religieuses.

Les sectes qui se séparèrent de la majorité des shi'ites, disparurent toutes après une brève période, à l'exception de deux d'entre elles : les Zaidites et les Ismaéliens qui existent encore aujourd'hui. De nos jours, des communautés appartenant à ces deux branches, vivent dans différentes parties du monde, telles le Yémen, l'Inde et le Liban. Nous limiterons par conséquent notre propos à ces deux branches et à la majorité duodécimaine du shi'isme.

2-Le shi'isme Zaidite

Les zaidites sont les disciples de Zaid al Chahid, le fús de l'Imam al-Sadjdjâd. Zaid se rebella en 121/737 contre le calife omeyyade Hichâm Abd al-Malik, et un groupe de personnes lui préta serment d'allégeance.Une bataille s'ensuivit à Koufa entre Zaid et l'armée du calife, au cours de laquelle Zaid fut tué. Les adeptes de Zaid le considérèrent comme le cinquième Imam de la famille du Prophète.

Après lui, son fils Yahya Ibn Zaid, prit sa place. II se rebella contre le calife Walid ibn Yazid et fut aussi tué. Après Yahya, Mohammad Ibn Abdallah et Ibrâhim Ibn Abdallah qui se révoltèrent contre le calife abasside Mansur al-Dawaniqi furent choisis comme Imams, mais ils furent tués au cours de la révolte.

Pe.ndant quelque temps, il y eut donc discorde dans les rangs Zaidites jusqu'à ce que Nasir al Utruch, un descendant du frère de Zaid, apparût au Khorassan. Pourchassé par les autorités gouvernementales de la région, il s'enfuit au Mazandaran (Tabaristan), où une partie de la population n'avait pas encore accepté l'Islam. Après treize années d'activité missionnaire dans la région, il amena un grand nombre de personnes à la branche Zaidite de l'Islam. Puis en l'an 301/913 grâce à l'appui des zaidites, il conquit la région du Tabaristan et devint lui-même Imam. Pendant quelque temps ses descendants continuèrent à gouverner dans la région, en tant qu'Imams.

Selon la croyance Zaidite, n'importe quel descendant de Fatimah (la fille du Prophète) qui dirige un soulèvement au nom de la vérité, peut devenir Imam pourvu qu'il soit versé dans les sciences religieuses, pieux, courageux et généreux.

Au début, les Zaidites, comme Zaid lui-même, considéraient les deux premiers califes, Abou Bakr et Omar,comme des Imams. Cependant, au bout d'un certain temps, il y eut parmi eux qui commencèrent à supprimer les noms des deux premiers califes de la liste des Imams et à placer Ali comme premier Imam.

En ce qui conceme les principes de l'Islam (usûl), Us ont une conception proche de celle des Mu'tazilites, mais pour les institutions légales dérivées des principes (furû), ils appliquent la jurisprudence de Abû Hanifah, le fondateur de l'une des quatre écoles juridiques sunnites. En outre, il existe des désaccords entre eux sur certaines questions (1).

3- L’ismaélisme et ses dérivations (2)

L'Imam Dja'far al-Sâdiq avait un fils nommé Ismail qui était l'ainé de ses enfants. Ismail mourut du vivant de son père; celui-ci convoqua plusieurs personnes, parmi lesquelles le gouverneur de Médine, pour constater le décès. Certains, toutefois, crurent qu'Ismail n'était pas mort mais était entré en occultation, et qu'il réapparaitrait pour être le Mahdi promis. Ils crurent, en plus, que la convocation de témoins, de la part de l'Imam, pour constater le décès d'Ismail, était un acte inspiré par la crainte d'Al Mansur, le calife abbasside. Un autre groupe estima que le véritable Imam était Ismail et que sa mort signifiait le transfert de l'imamat à son fils Mohammad. Un troisième groupe soutint que, bien que mort du vivant de son père, c'était lui l'Imam et que l'imamat devait passer après lui à son fils Mohammad Ibn Ismail et à ses descendants. Les deux premiers groupes s'éteignirent rapidement, alors que la troisième branche existe encore de nos jours.

Sous plusieurs aspects, les ismaéliens ont une philosophie similaire,à celle des Sabéens (adorateurs d'étoiles) (3), mélangée d'éléments provenant de la gnose indienne. Concernant les sciences et les commandements de l'Islam. ils croient que chaque réalité extérieure (zâhir) possède un aspect intérieur (bâtin) et qu'à chaque élément de la révélation (tanzil) appartient une herméneutique ésotérique (ta'wil) (4),

Les ismaéliens croient que la terre ne peut subsister sans une «preuve» (Hudjat)deDieu.

La «preuve» est de deux sortes: «énonciatrice» (nâtiq) et «silencieuse» (sâmit). L'énonciateur est un Prophèteet le silencieux est un Imam ou Gardien (wali), héritier testamentaire (wasi), d'un Prophète. En tout cas, la preuve de Dieu est la Théophanie parfaite de la divinité.

Le principe de la preuve de Dieu gravite constamment autour du nombre sept. Un Prophète(nabi") est envoyé par Dieu avec la mission prophètique (nubuwwat) d'instituer une Loi divine (Shari'ah). Ce Prophète, qui est la parfaite manifestation de Dieu, a le pouvoir ésotérique d'initier les hommes aux Mystères divins (walâyat) (5). Après lui, viennent sept exécuteurs testamentaires (wasi) qui ont le pouvoir d'exécuter son testament (wasâyat) et le pouvoir de l'initiation ésotérique aux Mystères divins, (Walayat). Le septième possède ces deux pouvoirs, avec, en plus, la prophètie (nubuwwat). Le cycle des sept exécuteurs testamentaires (wasis) est alors répété avec, pour septième, un Prophète.

Les ismaéliens affirment qu'Adam fut envoyé comme Prophète, investi du pouvoir de la prophétie et de direction ésotérique (walâyat) et qu'il eut sept exécuteurs testamentaires dont le septième était Noé, qui cumula les trois fonctions de «nubuwat», «wasâyat» et «walayat». Abraham fut le suptième exécuteur testamentaire (wasi) de Noé: Moise le septième wasi d'Ahraham, Jésus le septième wasi de Moise, Mohammad le septième wasi de Jésus, et Mohammad Ibn Ismail le septième wasi de Mohammad.

Ils considèrent que les wasis du Prophètesont : Ali, Hussein Ibn Ali (ils ne comptent pas Hassan au nombre des Imams), Ali ibn Hussein Al-Sadjdjad, Mohammad Baqir, Dja'far al Sâdiq, Ismail Ibn Dja'far et Mohammad Ibn Ismail. Après cette série, il y a sept descendants de Mohammad Ibn Ismail dont les noms sont cachés et secrets. Après eux, viennent les sept premiers maitres du califat fatimide d'Egypte dont le premier, Ubaydallah al Mahdi fut le fondateur de la dynastie fatimide. Les ismaéliens croient aussi qu'en plus de la «Preuve de Dieu», il y a toujours douze «chefs» (naqib) présents sur la terre : ce sont les compagnons et les disciples privilégiés de la «Preuve». Cecrtaines branches des Bâtinis, toutefois, à l'exemple des Druzes, croient que six de ces «chefs» sont du nombre des Imams et six du nombre des autres hommes.

4- Les Bâtinis

En l'an 278/891, quelques années avant l'apparition de Obayydalah al Mahdi, en Afrique du Nord, apparut à Koufa un inconnu originaire du Khuzistan (au sud de la Perse) qui ne révéla jamais son nom ni son identité. Il jeûnait le jour, priait la nuit et vivait du fruit de son labeur. De plus, il invitait les gens à rejoindre la cause ismaélienne et réussit à rassembler beaucoup de monde autour de lui. II choisit parmi eux, douze «chefs» (naqib) et partit pour Damas. Après son départ de Koufa, on n'entendit plus jamais parler de lui.

Cet inconnu fut remplacé par Ahmad, connu sous le nom de «qarmate»; celui-ci commença à propager les enseignements bâtinis en Irak. Les historiens rapportent qu'il institua deux prières quotidiennes au lieu des cinq prières coraniques, leva l’obligation de la grande ablution (ghusl) après les relations sexuelles et permit la consommation du vin. D'autres chefs bâtinis, apparurent à la même époque pour appeler le peuple à rejoindre leur cause et rassemblèrent des groupes de partisans.

Les bâtinis n'avaient aucun respect pour la vie et les biens de ceux qui n'appartenaient pas à leur groupe. De ce fait, ils provoquèrent des soulèvements dans les villes d'Irak, de Bahrain, du Yémen et de la Syrie, versant le sang des gens et confisquant leurs biens. Souvent, ils arrêtaient les caravanes de pèlerins de la Mecque, tuant des dizaines de milliers de pèlerins et pillant leurs chameaux et leurs provisions.

Abu Tâhir le qarmate, l'un des chefs qannates qui avait conquis Basorah en 311/923, après avoir tué et pillé, se mit en route pour la Mecque en 317/929, avec un grand nombre de bâtinis. Après avoir brisé la résistance des troupes gouvernementales, il entra dans la ville sainte, massacrant la population et les pèlerins qui venaient d'y arriver. II fit couler des torrents de sang jusque dans la Mosquée sacrée contenant la Ka'bah, et dans la sainte Kabah elle-même. II partagea le voile de la Ka'bah entre ses disciples, défonça la porte de la Kabah et enleva la pierre noire pour l'emporter au Yémen. Pendant vingt-deux ans, la pierre noire resta entre les mains des qarmates. A la suite de ces actes, la majorité des musulmans se détourna complètement des bâtinis et les mit au ban de l'Islam.

Même Ubaydallah al Mahdi, le gouverneur fatimide, qui apparut en ces temps là en Afrique du Nord, et qui se considérait comme le Mahdi attendu, les détestait.

Selon les historiens, le caractère distinctif de l'école bâtini réside dans l'interprétation ésotérique des aspects extérieurs de l'Islam et l'opinion selon laquelle les injonctions littérales de la shari'at sont destinées aux gens simples et de petite intelligence, denués de perfection spirituelle. Pourtant, les Im'ams des bâtinis ordonnèrent parfois que certaines règles ou certaines lois fussent pratiquées et respectées.

5-Les Nizaris, Mustalis, Druzes et Muqanna'ah

Les Nizaris

Ubaydallahad al Mahdi, qui apparut en Afrique du Nord en 292/904, proclama son Imamat en tant qu'ismaélien et établit un gouvernement fatimide. II est le fondateur de la dynastie dont les descendants firent du Caire le centre de leur califat. Pendant sept générations, ce sultanat et imamat ismaélien perdura sans aucune division. A la mort du septième Imam, Al-Mustansir Billâh Saad Ibn Ali, ses fils Nizâr et Mustali se querellèrent au sujet du califat et de l'imamat. Après de longues disputes et de sanglantes batailles, al Mustali obtint la victoire. II captura et jeta en prison son frère Nizâr, qui y mourut. A la suite de ces disputes, les partisans des fatimides se scindèrent en Nizâris et Mustalis. Les Nizâris sont les disciples de Hassan al Saffah qui fut un des proches associés d'al Mustansir. Après la mort de Nizâr, en raison de son soutien à ce dernier, Hassan al Saffah fut expulsé d'Egypte par al Mustali. II se rendit en Perse et, un peu plus tard, fit son apparition à la forteresse d'Alamût près de Gazwin. II conquit Alamût et plusieurs forteresses environnantes. C'est là, qu'il établit son gouvernement et commença à inviter le peuple à embrasser la cause ismaélienne.

Après la mort de Hassan en 518/1124, Bozorg Umid Rudbâri et, après lui, son fils Kiyâ Mohammad, continuèrent à gouverner selon les méthodes de Hassan al Saffah. A la suite de Kiyâ Mohammad, son fils Hassan ala Dhikrihi al Salâm, le quatrième maitre d'Alamût changea les principes de Hassan al Saffah, qui avait été un Nizâri, et devint un bâtini. Après quoi les citadelles ismaéliens continuèrent à être bâtinies. Quatre autres souverains Mohammad Ibn ala Dhikrihi al Salâm, Jalâl al Din Hassan, ala al Din et Rukn al Din Khurshah, devinrent sultans et Imams, jusqu'à ce que Hulâgû, le conquérant Mongol, envahisse la Perse. II s'empara des forteresses ismaéliennes et mit tous les ismaéliens à mort, rasant littéralement toutes leurs citadelles.

Quelques siècles plus tard, en 1255/1839, l'Agha Khan de Mahalât en Perse, qui appartenait à la secte des Nizâris, se révolta contre Mohammad Shâh Qâdjâr à Kermân. Mais il subit une défaite et s'enfuit à Bombay où il propagea la secte bâtini-nizâri qui existe encore de nos jours. Les nizaris sont aujourd’hui appelés les Agha khanides.

Les Mustalis

Les Mustalis étaient les adeptes de al Mustali ;leur imamat se poursuivit pendant le gouvernement fatimide en Egypte jusqu'à ce qu'il y soit mis fin en l'année 567/1171. Peu de temps après, la secte Bohrah de la même lignée, fit son apparition en Inde, où elle existe encore.

Les Druzes

Les Druzes, qui vivent dans les montagnes druzes en Syrie, furent à l'origine des partisans des califes fatimides. Mais à la suite de l'activité missionnaire de Nashtakih, les Druzes se joignirent à la secte bâtinie. Les Druzes s'arrêtent au sixiême calife fatimide, al-Hâkim Billâh, dont ils prétendent qu'il est entré en occultation alors que les autres pensent qu'il a été tué. Selon les Druzes, il serait monté au ciel d'où il réapparaitra dans le monde.

Les Muqanna'ah

Les Muqanna'ah furent au début les disciples de Atâ al Marwfn connu sous le nom de Muqanna'ah, qui selon des sources historiques, était un disciple d'Abu Muslims du Khorassan. Après la mort d'Abu Muslim, Muqanna prétendit que l'âme d'Abu Muslim s'était réincarnée en lui. Bientôt, il se prétendit Prophète et plus tard une divinité. Finalement, en l'an 162/777 il fut encerclé dans le fort de Kabach en Transoxiane. Quand il eut la certitude qu'il allait être capturé et exécuté, il se jeta dans un feu et s'y laissa consumer avec quelques uns de ses disciples. Ses partisans adoptèrent rapidement Pismaélisme et la voie bâtinie.

6- Le shi'isme duodécimain et ses différences avec l'Ismaélisme et le Zaidisme

Le shi'isme majoritaire, dont sont dérivés les groupes mentionnés ci-dessus, est le shi'isme duodécimain, également appelé «imamite». Ainsi que nous l'avons déjà dit, le shi'isme apparut comme une protestation concernant deux questions fondamentales de l'Islam, sans qu'il désavouât pour autant les principes religieux qui à la suite de l'enseignement du Prophète, prévalèrent parmi les musulmans contemporains. Ces deux questions concernaient le gouvernement islamique et l'autorité en matière de sciences religieuses, lesquels étaient tous deux considérés par les shi'ites comme un privilège particulier de la famille du Prophète.

Les shi'ites affirmaient que le califat islamique, dont la direction ésotérique et la fonction de guide spirituel étaient des éléments inséparables, appartenaient à Ali et à ses descendants. Ils croyaient de même que, selon des indications du Prophète, les Imams de la famille du Prophète étaient au nombre de douze. Le shi'isme soutenait, de plus, que les enseignements exotériques du Coran, qui constituaient les commandements et les règles de la Shari'ah et comprenaient les principes d'une vie spirituelle complète, étaient valables et applicables à tous et à toutes les époques, et étaient inabrogeables jusqu'au jour du jugement. Ces commandements et ces règles devaient être appris sous la direction de la famille du Piophète.

La différence entre le shi'isme duodécimain et le zaidisme est claire :

Les zaidis ne considèrent habituellement pas que l'imamat appartient à la seule famille du Prophète, et ne limitent pas le nombre des Imams à douze. De même, ils ne suivent pas la jurispridence de la famille du Prophète comme le font les shi'ites duodécimains.

La différence entre le shi'isme duodécimain et l'ismaélisme réside dans le fait que pour ce dernier, l'imamat gravite autour du nombre sept et que la prophètie ne prend pas fin avec le Saint Prophète Mohammad. II en résulte, que pour eux, des changements et des transformations dans les commandements de la shari'ah, de même que l'abandon du devoir de suivre la shari'ah — surtout parmi les batinis — sont admissibles. Au contraire, les shi'ites duodécimains considèrent le Prophète comme étant le « sceau de la prophétie » et croient qu'il a douze successeurs. Ils tiennent l'aspect extérieur de la shari'ah pour valable et impossible à abroger. Ils affirment que le Coran possède à la fois un aspect exotérique et un aspect ésotérique.

7- Résumé de l'histoire du shi'isme duodécimain

Comme on l'a dit dans les pages précédentes, la majorité des shi'ites sont duodécimains. Ils constituaient initialement le groupe des amis et des partisans d'Ali qui, après la mort du Prophète et pour défendre le droit de la famille du Prophète dans les questions concemant le califat et l'autorité religieuse, commencèrent à protester contre les vues qui prévalaient alors et se séparèrent de la majorité des musulmans.

Pendant le califat des «califes bien dirigés» (11/632 - 35/656), les shi'ites subirent un certain nombre de pressions qui s'amplifièrent encore davantage sous le califat omeyyade (40/661 - 132/750), quand la protection de leurs vies et de leurs biens ne fut plus assurée. Pourtant, plus la pression exercée sur eux était forte, plus ils s'affermissaient dans leur foi. Leur oppression contribua en fait à la diffusion de leurs croyances et de leurs enseignements.

A partir du milieu du 2ème/8ème siècle, quand les califes abassides établirent leur dynastie, le shi'isme fut à même de vivre mieux en raison de l'état de relâchement et de faiblesse du gouvemement. Toutefois les conditions redevinrent très rapidement difficiles et se maintinrent telles jusqu'à la fin du 3ème/9ème siècle. Au début du 4ème/10ème siècle, avec l'avènement des Buyides shi'ites, le shi'isme gagna en puissance et put être plus ou moins libre de pousuivre ses activités. II commença à mener des débats scientifiques érudits, ce qu'il poursuivit jusqu'à la fin du 5ème/11ème siècle. Au début du 6ème/12ème siècle, avec l'invasion mongole, et en conséquence de l'engagement général dans la guerre, du chaos et de la continuation des croisades, les divers gouvernements islamiques n'exercèrent pas une pression excessive sur les shi'ites. De plus la conversion au shi'isme de quelques souverains mongols de Perse et la domination des souverains Marashi (qui étaient shi'ites) au Mazandaran contribuèrent largement à l'expansion de la puissance et du territoire shi'ites.

Ces circonstances firent que la présence de grandes concentrations de population shi'ite en Perse et en d'autres terres musulmanes était plus sensible que jamais. Cette situation continua tout au long du 9ème/15ème siècle.

Au début du 10ème/16ème siècle, à la suite de l'avènement des Safavides, le shi'isme devint la religion officielle des vastes territoires de la Perse et il continua de l'être jusqu'à ce jour. Dans d'autres régions du monde également, il y a des dizaines de millions de shi'ites.

Notes du chapitre II :

1)- Les propos ont été tirés d'al-Milal wa'1-nihal de Chahrestâni et d'al-Kâmil d'Ibn Athir.

2)- Les propos ont été tirés du Kâmil, Raudat al-safâ', Habib al-siyar, Abi'l-Fidâ' et d'al-Milalwa’l-nihal de Chahrestâni et certains détails du Târikh-i Aqâ Khâniyah, Najaf, 1351.

3)- Note de l'éditeur: Ici, le mot «Sabéens» se rapporte aux habitants du Harran qui avaient une religion où les étoiles jouaient un grand rôle. D'autre part, ils étaient les dépositaires des philosophies hermétique et néopythagoricienne et jouèrent un rôle important dans la transmission à l’lslam des écoles les plus ésotériques de la philosophie hellénistique aussi bien que de l'astronomie et des mathématiques. Ils disparurent dans les tout premiers siècles de l'histoire islamique et ne doivent pas être confondus avec les Sabéens ou Mandéens du Sud de l'Irak et de l'Iran qui existent encore.

4)- Note de l’éditeur: le mot « ta'wil » qui joue un rôle important dans le Shi'isme ainsi que dans le Soufisme, signifie littéralement « retourner à l'origine d'une chose ». II signifie «pénêtrer l'aspect extérieur de toute réalité, que ce soit une écriture sainte ou un phénomène de la nature, jusqu'à son essence interne, pour aller du phénomenon au noumenon (noumène).

5)- Note de l'éditeur: le mot «wali» signifie en Islam «saint» et «walayah» employé habituellement, particulièrement dans le Soufisme, signifie «sainteté». Mais dans le contexte du Shi'isme, wilayah (prononcé habituellement walayat) signifie le pouvoir ésotérique de l'Imam par lequel il est capable d'initier les hommes aux Mystères divins et de leur procurer la clé menant à la sainteté et à, la proximité de Dieu. L'emploi des deux mots est donc apparenté vu que d'un côté il appartient à la vie de saint et d'autre part au pouvoir ésotérique particulier de l'Imam qui conduit les hommes à la vie pieuse. Dans le cas de l'Imam, il a aussi d'autres connotations cosmiques et sociales non identifiées généralement avec la wilayah dans le sens général de sainteté. c.f. walayat et wali de M. Motahhari.

DEUXIEME PARTIE

LA PENSEE RELIGIEUSE SHI'ITE

INTRODUCTION

1)- La signification de la pensée religieuse

Par « pensée religieuse » nous désignons cette forme de pensée qui s'occupe de toute question religieuse se posant à l'intérieur d'une religion particulière au sens où la pensée mathématique est la forme de pensée qui traite de questions mathématiques et résout les problèmes mathématiques.

2)-La source essentielle de la pensée religieuse dans l'Islam

II va sans dire que la pensée religieuse, comme les autres formes de pensée, doit posséder des sources sûres, d'où la matière brute de sa pensée prend naissance et sur lesquelles elle s'appuie. D en Il en va de même du processus de raisonnement nécessaire à la solution de problèmes mathématiques, qui doit s'appuyer sur des séries de faits et de principes mathématiques.

La seule source sur laquelle s'appuie la religion révélée de l'Islam et sur laquelle elle est fondée, dans la mesure où elle est d'origine céleste, n'est autre que le Saint Coran. C'est le Coran qui est le testament définitif et l'universelle et toujours vivante prophétie du Prophète, et c'est le contenu du Coran qui porte la substance de l'appel islamique. Naturellement, le fait que le Coran soit à lui seul la source de la pensée religieuse musulmane n'exclut pas les autres sources d'une pensée vraie, comme il sera expliqué plus loin.

3- II y a trois méthodes de pensée religieuse dans le Coran

Le Saint Coran, dans ses enseignements, évoque trois voies conduisant à la compréhension des buts de la religion et des sciences islamiques :

1- la voie de l'aspect formel et extérieur de la religion (la shari'ah).

2- la voie de la compréhension rationelle.

3- la voie de la compréhension spirituelle atteinte par la sincérité (ikhlas) de l'obéissance à Dieu.

On constate que le Saint Coran, dans son aspect formel, s'adresse à tous, parfois sans fournir ni démonstration ni preuve. Bien plutôt, se basant sur l'unique souverainté de Dieu, il ordonne aux gens d'accepter les principes de la foi tels que l'unité divine, la prophétie, l'eschatologie; il leur donne des ordres pratiques tels que les prières quotidiennes, le jeûne, etc... et parallèlement leur interdit de commettre certaines autres actions. Certes, si le Coran n'avait pas été investi d'autorité concernant ces commandements, jamais il n'aurait attendu de l'homme qu'il les accepte et leur obéisse. On doit donc dire que de telles formulations simples du Coran sont une voie pour comprendre les fins religieuses ultimes et pour pénêtrer les sciences islamiques. Ce que nous appelons l'«aspect extérieur ou formel de la religion» sont des expressions verbales telles que «Croyez en Dieu et en son Prophète», ou encore «Acquittez-vous des prières».

Outre son rôle pédagogique dans l'aspect extérieur de la religion, on voit que le Saint Coran, dans plusieurs versets, encourage l’homme à une approche rationnelle (aqli) des choses. Il invite l'homme à méditer, à contempler et à discuter les signes de Dieu dans le macrocosme et dans le microcosme. Il expose nombre de vérités au moyen du libre raisonnement intellectuel. Aucun livre sacré à vrai dire ne loue ni ne recommande à l’homme la science et le savoir autant que le Coran. Dans de nombreux versets, le Coran témoigne de la validité de la preuve intellectuelle et de la démonstration rationelle; iI n'impose pas à l'homme d'accepter d'abord la validité des enseignements islamiques, et ensuite de les justifier par des preuves intellectuelles. Bien plutôt, totalement confiant en la vérité de sa position, il proclame que l'homme doit d'abord appliquer son intelligence à découvrir la vérité des enseignements islamiques, et seulement ensuite accepter cette vérité. II doit chercher confirmation du message islamique dans la création qui est par elle-même un témoin véridique. L'homme trouvera finalement affirmation de sa foi dans les conclusions de la démonstration rationelle; il ne doit pas d'abord croire, puis, en accord avec sa foi, chercher des preuves. La validité et l'efficacité de la pensée philosophique, se trouve par conséquent confirmées par le Saint Coran.

Par ailleurs, en plus de son rôle de guide dans les aspects extérieurs et rationnels de la religion, le Saint Coran explique en termes subtils que toute science religieuse réelle provient de l'Unicité Divine (tawhid) ainsi que de la connaissance exacte de Dieu et de ses attributs.

La connaissance de Dieu appartient en perfection à ceux qu'Il a attirés de toutes parts et qu'Il en fait siens.

Ceux-là se sont oubliés eux-mêmes ainsi que toutes choses et, en raison de la sincérité de leur obéissance à Dieu, se sont rendus capables de concentrer toutes leurs puissances et leur énergies sur le monde transcendant. Leurs yeux ont été illuninés par la vision de la lumière du Créateur très pur. Avec l'oeil du discernement, ils ont contemplé la réalité des choses dans le royaume du Ciel et de la Terre, car par la sincérité de leur obéissance, ils ont atteint l'état de certitude (yaqin). En conséquence cette certitude, le royaume du Ciel et de la Terre et la vie immortelle du monde éternel leur a été révélé. La réflexion sur les saints versets suivants éclaire pleinement cette affirmation :

« Nous n'avons envoyé avant toi aucun messager sans lui révéler (ceci) : «Il n'y a pas de divinité excepté Moi, adorez-Moi donc » (Coran XXI, 25) «Gloire à Dieu,Il est au-dessus de ce qu'ils décrivent, à l'exception des sincères serviteurs de Dieu » (Coran XXXVII, 159-160); « Dis: « Je ne suis qu'un être humain comme vous. II m'est révélé que notre Dieu est un Dieu unique. Que celui qui espère rencontrer son Seigneur, fasse donc oeuvre pie et qu'en adorant son Seigneur il ne Lui associe personne» (Coran XVIII, 110); «Adore ton Seigneur jusqu'à ce que vienne à toi la certitude» (Coran XV, 99). Et Dieu dit encore: «Ainsi Nous fimes voir à Abraham le royaume des cieux et de la terre afin qu'il fût du nombre de ceux qui ont la certitude» (Coran VI, 75); et: «Eh bien non!... En vérité, le livre des hommes de bien sera dans l'Illiyyin. Et qu'est-ce qui te fera connaitre ce qu'est l'Illiyyin? (C'est) un livre gravé que les rapprochés (de Dieu) verront», et: «vous saurez bientôt! Prenez garde! Si seulement vous saviez!» (Coran II, 3) «Certes vous verrez la fournaise» (Coran LXXXIII, 21).

On peut donc affirmer que l'une des voies pour la compréhension des vérités et des sciences religieuses réside dans la purification de l'âme charnelle et la sincérité de l'obéissance à Dieu.

4)- La différence entre les trois méthodes mentionnées

Le Saint Coran propose donc trois méthodes pour la compréhension des vérités religieuses: la soumission aux aspects extérieurs ou formels de la religion, le raisonnement intellectuel et la sincérité dans l'obéissance, menant à l'intuition intellectuelle qui dévoile la vérité et la fait saisir au moyen d'une vision intérieure.

Pourtant, il faut comprendre que ces trois méthodes différent l'une de l'autre sous plusieurs aspects. Par exemple, du fait que les formes extérieures de la religion sont des expressions verbales dans le langage le plus simple, elles sont à la portée de tous et chacun peut en profiter selon ses capacités. Par contre, les deux autres voies, qui sont le propre d'un groupe particulier (l'élite, Khawâs) ne sont pas connues de tous. La voie des formes extérieures de la religion mêne à la compréhension des principes et des obligations de l'Islam; elle débouche sur la connaissance de la substance des croyances et des pratiques de l'Islam, et des principes des sciences islamiques, de l'éthique et de la jurisprudence. Ce qui contraste avec les deux autres voies, car si la méthode intellectuelle peut découvrir les problèmes liés à la foi, à l'éthique, et les principes généraux régissant les questions pratiques, elle ne peut découvrir les commandements religieux spécifiques édictés par le Coran et la Sunnah. La voie de purification de l'âme chamelle, puisqu'elle conduit à la découverte des vérités spirituelles données par Dieu, ne peut comporter aucune limite ni mesure dans ses résultats ou dans les véirités révélées par ce même don divin. Les hommes qui ont atteint cette connaissance se sont «coupés» de toute chose et ont oublié toute chose en dehors de Dieu; ils dépendent de la direction et de la domination. directes de Dieu Lui-même — Puisse son nom être glorifiée. II leur est révélé ce qu'Il veut, et non pas ce qu'ils veulent.

Nous allons à présent examiner en détail ces trois méthodes de pensée religieuse en Islam.

CHAPITRE III

PREMIERE METHODE

L'ASPECT FORMEL DE LA RELIGION

1- Ses différentes faces

Le Saint Coran, qui est la source principale de la pensée religieuse en Islam, a investi d'une entière autorité pour ceux qui écoutent son message, le sens externe de ses paroles. Et ce même sens externe des versets coraniques considère encore les paroles du Prophète lui-même comme complémentaires des paroles du Coran, en déclarant qu'elles jouissent de la même autorité que le Coran. En effet, déclare le Coran: «Nous t'avons révélé une écriture pour édifier les hommes sur ce qui leur a été adressé afin qu'ils réfléchissent» (Coran XVI, 44) et : «C'est Lui qui a envoyé chez les incultes un Prophète issu d'eux qui leur récite ses versets, les purifie, leur enseigne le livre et la sagesse» (Coran LXII, 2) ou encore: «Vous avez dans l'envoyé de Dieu un beau modèle pour vous» (Coran XXXIII, 21).

II est bien évident que de tels versets n'auraient aucun sens si les paroles et les actes du Prophète et même son silence ou son approbation, n'avaient pour nous la même autorité que le Coran. Ainsi les paroles du Prophète font autorité : elles doivent être acceptées par ceux qui les ont entendues ou reçues à travers une transmission digne de confïance. II se trouve que par une telle chaine de transmission entièrement authentique, on sait que le Prophète a dit :

« Je laisse deux valeurs paimi vous; si vous vous y tenez, vous ne vous égarerez jamais :

le Coran et les membres de ma famille. Ces deux ne seront jamais séparés jusqu'au jour du jugement ». (1) Selon ce hadith et d'autres,établis avec certitude, les paroles des membres de la maison du Prophète forment un corpus complémentaire aux hadiths prophétiques. Les membres de la famille du Prophète, en Islam, ont autorité en matière de connaissance et de science religieuse; ils sont infaillibles dans l'interprétation des enseignements et des commandements de l'Islam. Leurs paroles reçues oralement ou par transmission sûre font autorité.

La source traditionnelle de l'aspect formel et extérieur de la loi qui constitue en même temps le document autorisé essentiel et le fondement de la pensée religieuse en Islam, réside donc dans le Livre (le Coran) et la Sunnah. Par le livre on entend l'aspect extérieur des versets du saint Coran, et par la Sunnah, les hadiths entendus du Prophète et de sa famille vénérée.

2- Traditions des compagnons

En shi'isme, les hadiths transmis par les Compagnons sont traités selon le principe suivant : s'ils concernent des paroles et des actions du Prophète et ne contredisent pas les hadiths de la famille du Prophète, on les considère comme acceptables. S'ils contiennent seulement les vues et les opinions des Compagnons eux-mêmes et non celles du Prophète, ils ne sont pas autorisés comme source de commandements religieux. A cet égard, le jugement des Compagnons est identique à celui de n'importe quel autre musulman. D'ailleurs, les Compagnons eux-mêmes contrediraient les autres Compagnons comme n'importe quel autre croyant.

3- Le livre et la tradition

Le livre de Dieu, le Saint Coran, est la source principale de toute la pensée islamque. C'est lui qui confère validité et autorité aux autres sources religieuses de l'Islam. II doit donc être compréhensible pour tous.

D'ailleurs, le Coran se décrit lui-même comme étant la Lumière qui illumine toute chose. De même, il défie les hommes et exige qu'ils réfléchissent sur ses versets et constatent qu'il n'existe entre eux aucune contradiction. Il les invite à produire, s'ils le peuvent, un travail semblable, pour tenter de le réfuter. Il est certain que si le Coran n'était pas compréhensible pour tous, de telles assertions n'auraient pas de sens.

Dire que le Coran est en lui même compréhensible pour tous ne contredit pas l'affirmation précédente selon laquelle le Prophète et sa famille sont des autorités religieuses en sciences islamiques, lesquelles sciences ne sont en réalité que le développement du contenu du Coran. Par exemple, seuls les principes généraux des Lois de la «shari'ah», sont contenus dans le Coran; leurs détails, tels que la manière d'accomplir les prières quotidiennes, de jeûner, de faire du commerce, et finalement de tout acte d'adoration (ibâdât) et de transactions (muâmalât) ne peuvent être connues qu'en se rapportant aux traditions du Saint Prophète et de sa famille.

Quant aux autres parties des enseignements islamiques, traitant des doctrines et des pratiques éthiques, bien que leur contenu et leur détail puissent être saisis par tous, la pleine compréhension de leur signification dépend de l'acceptation de l'enseignement de la famille du Prophète. De même, chaque verset du Coran doit être expliqué et interprété par d'autres versets coraniques, et non par des vues qui ne nous sont dsvenues acceptables et familières que par la force de l’habitude et de la coutume.

L'Imam Ali a dit : «Des parties du Coran dialoguent avec d'autres parties, nous révélant leurs significations, et certaines parties témoignent du sens d'autres parties» (2); et le Prophète a dit: «Des parties du Coran vérifient d'autres parties». (3), et encore: «Quiconque interprète le Coran selon sa propre opinion s'est réservé une place en enfer » (4).

A titre d'exemple d'un commentaire du Coran par le Coran, citons l'histoire du châtiment du peuple de Lot. Dieu dit: «Et Nous fîmes pleuvoir sur eux une mauvaise pluie» (Coran XXVI, 127). En un autre endroit, Dieu change cette phrase en celle-ci: «Regarde! Nous avons envoyé une tempète de pierres sur eux» (Coran XV, 74). En reliant le second verset au premier, il apparait clairement que la «mauvaise pluie» consistait en «pierres» tombées du Ciel. Ceux qui ont étudié attentivement les hadiths de la famille du Prophète et des Compagnons les plus éminents savent que le commentaire du Coran par le Coran est la seule méthode de commentaire coranique enseignée par la famille du Prophète(5).

4- Les aspects extérieurs et intérieurs du Coran

On a dit qu'à travers ses paroles, le Saint Coran exprime des intentions religieuses et édicte des commandements pour l’humanité en matière doctrinale et pratique. Mais la signification du Coran ne se limite pas à ce niveau. En fait, derrière ces mêmes expressions et à l'intérieur même de leurs significations existent des niveaux plus profonds et plus vastes que seule peut comprendre l'élite spirituelle qui possède un cœur pur.

Le Prophète, qui est l'enseignant divinernent désigné par le Coran, dit: (6) «Le Coran possède une dimension intérieurc, et cette dimension intérieure possède à son tour une dimension intérieure et ainsi jusqu'à sept dimensions intérieures» (7). De même, dans les paroles des Imams, il y a de nombreuses références à l’aspect intérieur du Coran.

Le principal support de ces assertions est un exemple que Dieu amentionné dans la sourate XIII, verset 17 du Coran. Dans ce verset, le don divin est symbolisé par une pluie qui tombe du Ciel et de laquelle dépend la vie de la terre et de ses habitants. Avec la venue de la pluie, des torrents commencent à couler et chaque rivière reçoit l'eau, selon sa capacité. En coulant, le torrent se couvre d'écume, mais sous l'écume il y a la même eau qui donne la vie et profite à l’humanité.

Cette parabole signifie que la capacité de compréhension des sciences célestes, qui sont la source de la vie intérieure de l’homme, diffère selon les personnes. Il y a ceux pour qui il n'y a aucune réalité derrière l'existence physique et la vie matérielle de ce monde éphémère. De tels individus sont attachés aux seuls appétits matériels et aux seuls désirs physiques. Leur seule crainte est de perdre les bienfaits matériels et les plaisirs des sens. Tout au plus, en considérant les différences de degrés existant parmi eux, peuvent-ils accepter les enseignements célestes au niveau de la simple croyance et l'accomplissement purement externe des commandements pratiques de l'Islam, sans nulle compréhension. Ils adorent Dieu dans l'espoir d'une récompense ou par peur d'une punition dans l'autre monde.

Il ya aussi ceux qui, de par la pureté de leur nature, considèrent que leur bien-être ne réside pas dans rattachement aux plaisirs éphémères de ce monde. Les pertes et les gains, les expériences amères et douces de ce monde ne sont pour eux qu'une illusoire tentation. Le souvenir de ceux qui avant eux sont passés dans la caravane de l'existence, qui hier recherchaient les plaisirs et aujourd'hui ne sont plus qu'objets de faibles, constitue un avertissement toujours présent à leurs yeux. Ces hommes aux cœurs purs ont une inclination naturelle vers le monde de l'éternité. Ils voient les différents phénomènes de ce monde fugitif comme des symboles annonciateurs du monde supérieur, et non comme des réalités persistantes et indépendantes.

C'est ainsi qu'à travers les signes terrestres et célestes, à travers les signes dans le monde et dans l'âme humaine (8), ils contemplent, en vision spirituelle, la Lumière Infinie de la Majesté et de la Gloire de Dieu. Leurs cœurs s'emplissent de l'ardent désir de comprendre les symboles secrets de la création.

Au lieu de demeurer captifs du puits étroit et sombre de la recherche des avantages personnels et de l'égoisme, ils prennent leur envol dans l'espace illimité du monde éternel et avancent toujours plus loin vers le zénith du monde spirituel.

Quand ils entendent par la révélation que Dieu a interdit l'adoration des idoles, laquelle extérieurement consiste à s'incliner devant une idole, ils comprennent cet ordre comme une interdiction d'obéir à un autre que Dieu, car obéir signifie s'incliner devant quelqu'un et le servir. Au-delà de cette signification, ils comprennent qu'ils ne doivent éprouver ni espoir ni crainte, sauf par rapport à Dieu. Plus encore, ils ne doivent pas se soumettre à l'appel de leurs appétits égoistes et fïnalement, ne doivent jamais détourner leur attention de Dieu.

De même, quand ils entendent le Coran dire qu'ils doivent prier, le sens extérieur de cet ordre signifiant l'accomplissement des rites particuliers des prières, ils comprennent au moyen du sens intérieur qu'ils doivent adorer Dieu et Lui obéir de tout leur coeur et de toute leur âme. Au-delà de cela, ils comprennent que devant Dieu, ils doivent se considérer comme néant, s'oublier et ne se souvenir que de Dieu.

On peut remarquer que le sens intérieur de ces deux exemples, n'est pas lié à l'ordre et à l'interdiction exprimés dans ces versets. Pourtant la saisie de ce sens est inévitable pour quiconque commence à méditer sur un ordre plus vaste et préfère acquérir une vision de l'univers réel plutôt que de se satisfaire de son propre égo, pour quiconque choisit l'objectivité plutôt qu'un subjectivisme égocentrique.

Grâce à cette explication, on a clarifié la signification des aspects extérieurs et intérieurs du Coran. On a également rendu évident le fait que le sens intérieur du Coran n'abolit ni ne réduit son sens extérieur. Il est plutôt comme l'âme qui donne vie au corps. L'Islam, religion universelle et éternelle, qui met la plus grande insistance sur la «reformation» de l’humanité, ne peut jamais se dispenser de ses lois extérieures conçues pour le bénéfice de la société, ni des doctrines élémentaires qui en sont les gardiennes.

Comment une société, qui prétendrait que la religion n'est qu'une affaire de coeur, que seulement le coeur de l’homme doit être pur et que les actions n'ont aucune valeur, pourrait-elle vivre dans le désordre et quand même atteindre le bonheur? Comment des actions et des paroles impures pounaient-elles causer un coeur pur et comment des paroles impures émaneraient-elles d'un cœur pur? Dieu dit dans son livre: «Les femmes viles sont pour les hommes vils, et les hommes vils pour les femmes viles. Les femmes bonnes sont pour les hommes bons» (Coran XXTV, 26). II dit encore: «Quant à la bonne terce, sa végétation pousse par la permission de son Seigneur; quant à celle qui est mauvaise, seul le mal y pousse» (Coran VII, 58).

Le Saint Coran a donc un aspect extérieur et un aspect intérieur : l’aspect intérieur possède différents niveaux de signification. La littérature du hadith, qui explique le contenu du Coran, contient également ces divers aspects.

5- Les principes de l'interprétation (ta'wil) du Coran

Au début de l'Islam, certains sunnites croyaient communément que si des raisons suffisantes existaient, il était possible d'ignorer le sens apparent des versets coraniques et de leur attribuer un sens opposé ;habituellement le sens qui s'opposait au sens littéral était appelé «ta'wil»; et ce qui est nommé «ta'wil du Coran» est habituellement compris en ce sens.

Dans les livres religieux des érudits sunnites, de même que dans les controverses enregistrées entre les différentes écoles, on observe souvent que si un point de doctrine particulier, établi par consensus des Ulémas d'une école ou par d'autres méthodes, s'oppose au sens littéral d'un verset coranique, ce verset est interprété selon le «ta'wil», en un sens contraire à son sens apparent. Parfois deux groupes adverses présentent deux vues opposées en s'appuyant sur des versets coraniques pour justifier leur opposition. Chaque parti interprète les versets présentés par l'autre parti à l'aide du «ta'wil». Cette méthode s'est aussi plus ou moins infiltrée dans le shi'isme et peut être relevée dans quelques travaux théologiques shi'ites.

Pourtant une réflexion suffisante sur les versets coranique et les hadiths de la famille du Prophète manifeste clairement que le Saint Coran, avec son langage plein de séduction et d'éloquence et son expression lucide, ne recourt jamais à des procédés d'exposition énigmatiques mais au contraire, expose toujours n'importe quel sujet dans un langage clair.

Ce qui a été correctement nommé «ta'wil», ou interprétation herméneutique du Saint Coran, ne se rapporte pas simplement à la signification des mots. II concerne bien plutôt certaines vérités qui transcendent la compréhension du commun des hommes, bien que ce soient de ces vérités et de ces réalités qu'émanent les principes doctrinaux et les injonctions pratiques du Coran.

L'ensemble du Coran possède le sens du «ta'wil», de la signification ésotérique, qui ne peut être comprise directement par la seule pensée humaine. Seuls les Prophètes et les purs parmi les amis de Dieu, qui sont libérés de l'imperfection humaine, peuvent contempler ces significations tout en vivant dans la condition présente de l'existence. Au jour de la Résurrection le «ta'wil» du Coran sera révélé à chacun.

On peut expliquer cela par le fait que ce qui oblige l’homme à utiliser le discours, à créer des mots et à se servir du langage, n'est pas autre chose que ses besoins sociaux et matériels. Dans sa vie sociale l’homme est obligé d'essayer de communiquer ses pensées, ses intentions et ses sentiments à ses semblables. A cette fin, il utilise les sons et l'ouie. Parfois il utilise aussi la vue et le toucher. C'est pourquoi entre le muet et l'aveugle, il ne peut jamais y avoir compréhension mutuelle, car quoi que l'aveugle dise, le sourd ne peut l'entendre et quoi que le sourd exprime par des gestes, l'aveugle ne peut le voir. La création des mots et la dénomination des objets ont été réalisées surtout dans un but matériel. Des expressions ont été créées pour désigner des objets, des états et des conditions matérielles accessibles aux sens, ou proches du monde sensible. Comme on peut le constater dans les cas où un interlocuteur est privé d'un sens physique, si l'on désire lui parler de sujets qui peuvent être appréhendés par l'intermédiaire du sens manquant, on utilisera un genre d'allégorie ou de similitude. Par exemple, si l'on désire décrire la lumière ou la couleur à un aveugle de naissance, ou les plaisirs sexuels à un enfant impubère, on cherchera à s'exprimer par la comparaison et l'allégorie, ou par des exemples appropriés.

Par conséquent, si nous acceptons l’hypothèse que dans l'échelle de l'existence universelle, il existe d'immenses niveaux de réalités indépendant du monde de la matière (ce qui est effectivement le cas) et qu'à chaque génération, il ne se trouve dans l’humanité qu'un petit nombre à posséder la capacité de comprendre et d'avoir une vision de ces réalités, alors les questions relatives à ces monde supérieurs ne peuvent être saisies à travers les expressions verbales et les modes de pensée communs. On ne peut s'y référer que par allusion et à travers des symboles.

Dieu dit dans son livre : «Oui, Nous en avons fait un Coran en langue arabe! Peut être comprendrez-vous! II existe auprès de Nous, sublime et sage, dans la Mère du livre» (Coran XLIII, 34). (La raison ne peut le comprendre ni le pénêtrer). II dit aussi: «En vérité (le Coran) est une noble prédication, (figurant) sur un prototype céleste bien gardé, que seuls les purifiés touchent» (Coran LVI, 77-79). Au sujet du Prophète et de sa famille, il dit : «O, gens de la famille du Prophète! Dieu veut seulement éloigner de vous toute souillure et vous purifier pleinement» (Coran XXXIII, 33).

Comme le prouve ces versets, le Coran émane de sources se situant au-delà de la compréhension de l'homme ordinaire. Nul ne peut avoir une complète compréhension du Coran, sauf ceux des serviteurs de Dieu qu'Il a choisis de purifier. Les membres de la famille du Prophète figurent parmi ces êtres purs.

En un autre endroit, Dieu dit : « Ils traitent au contraire de mensonges ce qu'ils ne comprennent pas et ce dont l'interprétation ne leur est pas encore parvenue» (Coran X, 39) (faisant allusion au Jour de la Résurrection quand la vérité des choses sera connue). II dit encore: « Le jour où ce qu'il prédit arrivera, ceux qui auront auparavant oublié le livre s'écrieront : Les messagers de notre Seigneur nous avaient bien apporté la vérité» (Coran VII, 53).

6-Le Hadith

Le principe selon lequel le Coran atteste la validité du hadith, n'est pas discuté parmi les shi'ites ni, en fait, parmi l'ensemble des musulmans. Mais du fait de l'incapacité des premiers chefs de l’Islam à préserver et conserver le hadith, et des excès d’un groupe de Compagnons du Prophète dans la diffusion de la littérature du hadith, le corpus du hadith en vint à rencontrer certaines difficultés.

D'une part, les califes de l'époque empêchèrent l'enregistrement écrit du hadith et ordonnèrent que toute feuille contenant un texte de hadith soit brûlée. Parfois même tout regain d'activité dans la transmission et l'étude du hadith fut interdit (9). De cette manière, une certaine quantité de hadiths furent oubliés ou perdus et quelques-uns furent même transmis avec un sens différent ou déformé.

D'autre part, une autre tendance prévalut chez un groupe de Compagnons du Prophète qui avaient eu l'honneur de vivre en sa présence et d'entendre ses paroles. Ce goupe, qui était respecté par les califes et la communauté musulmane, déploya un effort intense pour diffuser le hadith. Ils poussèrent cet effort si loin que le hadith surpassa parfois le Coran et que certains versets coraniques furent considérés comme abrogés par un hadith. Les transmetteurs de hadiths parcouraient souvent de grandes distances et supportaient toutes sortes de difficultés pour recueillir une seule parole du Prophète.

Un groupe d'étrangers qui s'étaient déguisés sous les apparences de l'Islam et aussi certains ennemis à l'intérieur des rangs de l’Islam se mirent à modifier et à déformer quelques hadiths, et diminuèrent ainsi la fiabilité et la validité du hadith qui était alors entendu et connu (10). Les savants musulmans se mirent en quête d'une solution à ce problème. C'est ainsi qu'ils créèrent les sciences relatives à la biographie des personnalités et des chaines de transmetteurs du hadith (Ilm ur-rijal wa darayah) afin de discerner les vrais hadiths des faux.

7- La méthode shi'ite pour authentifier un hadith

Le shi'isme, en plus de la recherche d'authenticité d'une chaine de transmetteurs, considère que la corrélation du hadith avec le Coran est une condition nécessaire de sa validité. De source shi'ite, il existe plusieurs hadiths du Prophète et des Imams, pourvus d'une chaine de transmetteurs authentique, qui affirment eux-mêmes qu'un hadith contraire au Coran n'a pas de valeur. Seul, un hadith en accord avec le Coran, peut être considéré comme valide (11).

Se basant sur ces hadiths, le shi'isme ne tient pas compte des hadiths qui sont contraires au texte du Coran. Quand aux hadiths dont l'accord ou le désaccord ne peut être établi, selon les instructions reçues des Imams, ils sont passés sous silence, sans être acceptés ni rejetés (12). II va sans dire qu'on trouve aussi parmi les shi'ites des personnes qui, à l'instar de certains sunnites,agissent d'après n'importe quel hadith puisé à n'importe quelle source.

8- Les phncipes shi'ites concernant l'obéissance au hadith

Un hadith entendu directement de la bouche du Prophète ou d'un des Imams est accepté à l'égal du Coran. Quant aux hadiths reçus par des intermédiaires, la majorité des shi'ites s'y conforme si leurs chaines de transmetteurs sont vérifiées à chaque maillon ou s'il existe une preuve sûre de leur véracité, et au cas où ils se rapportent à des principes doctrinaux exigeant connaissance et certitude, s'ils sont conformes au texte du Coran. A part ces deux genres de hadiths, nul autre hadith n'a de valeur en ce qui concerne les principes doctrinaux; le hadith non valide étant désigné comme «tradition avec un seul transmetteur» (khabar wahid). Toutefois, en ce qui concerne les règles de la «shari'ah», pour des raisons que nous avons dites, les shi'ites se conforment aussi à des hadiths généralement acceptés comme valides. On peut donc dire que pour le shi'isme, un hadith certain et défïnitivement reconnu est péremptoire et doit être suivi, alors qu'un hadith qui n'est pas absolument établi comme certain mais est généralement considéré comme digne de foi, est utilisé seulement dans l'élaboration des règles de la «shari'ah».

9 - Apprendre et enseigner en Islam

Acquérir la connaissance est un devoir religieux en Islam. Le Prophète a dit: «Rechercher la connaissance incombe à chaque musulman » (13). Selon des hadiths parfaitement garantis explicitant le sens de cette parole, la connaissance, ici, signifie les trois principes de l'Islam: l'Unicité ou tawhid, la prophétie ou nubuwat, et l'eschatologie ou Maâd. En plus de ces principes, les musulmans sont supposés acquérir la connaissance des branches subsidiaires et le détail des lois de l'Islam selon leurs besoins personnels et les circonstances dans lesquelles ils se trouvent.

Acquérir la connaissance des principes de la religion, ne serait-ce que d'une manière sommaire, est possible, jusqu'à un certain point, pour chacun. Mais acquérii une connaissance détaillée des commandements de la religion en utilisant les documents de base du Livre et de la Sunnah et le raisonnement technique s'appuyant sur ces sources (c'est-à-dire la jurisprudence démonstrative - figh-i-istidlâli), n'est pas à la portée de chacun. Seules quelques personnes sont capables de pratiquer la jurisprudence démonstrative; aussi l'acquisition d'une telle connaissance détaillée n'est pas requise de chacun, car il n'existe aucun commandement en Islam exigeant que quelqu'un accomplisse ce qui dépasse ses capacités (14).

Par conséquent, l'étude des commandements et des lois islamiques par le raisonnement a été limitée, par le principe de la «nécessité suffisante» (wajib kafâi) à ceux qui ont la compétence requise et qui sont dignes d'une telle étude.

Les autres hommes, selon le principe général qui veut que l'ignorant apprenne du savant, doivent s'adresser aux hommes de science capables et dignes, appelés «mudjtahid» et «faqih». L'action qui consiste à suivre les mujtahids se nomme imitation ou taqlid. Naturellement, cette imitation diffère de l’imitation des principes de la connaissance religieuse, laquelle est interdite selon le texte même du Coran «(Oh homme) ne suis pas ce dont tu n'as pas connaissance» (Coran XVII, 36). Précisons que le shi'isme ne permet pas l'imitation d'un «mudjtahid» décédé. C'est-à-dire qu'un individu qui ne connait pas la réponse à un problème par «idjtihad», doit imiter un «mudjtahid» vivant et ne peut se réferer au point de vue d'un «mudjtahid», décédé, à moins d'avoir reçu cette indication du vivant du «mudjtahid». Cette pratique est l'un des facteurs qui ont contribué à garder vivante la jurisprudence shi'ite à travers les âges. II existe toujours des personnes qui poursuivent continuellement la voie du jugement indépendant, l'idjtihad, et s'occupent d'une génération à l'autre de problèmes de jurisprudence.

En sunnisme, à la suite d'un consensus d'opinion (idjma) qui eut lieu au 4ème/10ème siècle, on décida que la soumission à l'une desquatre écoles (celle de Abou Hanifa, Ibn Mâlik, al Shâfii et Ahmad Ibn Hanbal) serait obligatoire. Le libre «idjtihad» ou l'imitation d'une école autre que ces quatre dernières (une ou deux écoles mineures qui s'éteignirent par la suite) fut interdite. II en est résulté que la jurisprudence sunnite s'est figée dans les conditions où elle se trouvait il y a environ 1100 ans. Récemment, certains sunnites se sont désolidarisés de ce consensus et se sont mis à exercer le libre «idjtihad».

10- Le shi'isme et les sciences traditionnelles

Les sciences islamiques, dont l'existence est due aux «ulamâ» qui les organisèrent et les formulèrent, sont divisées en deux catégories: les sciences rationnelles ('aqli) et les sciences traditionnelles (naqli). Les sciences rationnelles comprennent des sciences telles que la philosophie et les mathématiques. Les sciences traditionnelles sont celles qui dépendent de la transmission d'une donnée à partir d'une source, telles que les sciences du langage, du hadith, de l'histoire. Sans aucun doute, la cause essentielle de l'apparition des sciences traditionnelles en Islam réside dans le Coran. A l'exception de quelques disciplines comme l"histoire, la généalogie et la prosodie, les autres sciences traditionnelles sont toutes venues à l'existence sous l'influence du Livre Sacré. Guidés par la recherche et les discussions religieuses, les musulmans commencèrent à cultiver ces sciences, dont les plus importantes sont la littérature arabe (grammaire, rhétorique, sciences des métaphores) et les sciences faisant partie de la forme extérieure de la religion (récitation du Coran, commentaire coranique (tafsir), hadith, biographie des savants, chaines de transmetteurs des hadiths et principes de jurisprudence).

Les shi'ites jouèrent un rôle essentiel dans la fondation et l'établissement de ces sciences. En fait, les fondateurs et créateur de plusieurs de ces sciences étaient shi'ites. La grammaire arabe fut systématisée par Abu-1-Aswad al Duali, l'un des Compagnons du Prophète, et par Ali. Ali dicta un plan d'organisation de la grammaire arabe (15). L'un des fondateurs de la rhétorique fut Sahib Ibn Abbad, un shi'ite, qui fut vizir des Buyides (16). Le premier dictionnaire arabe est le Kitab al Ayn, composé par le célèbre savant, Khalil Ibn Ahmad al Basri, le shi'ite qui fonda la science de la prosodie. Le grand maitre de grammaire, Sibuwayh, fut son élève.

La récitation coranique de Asim remonte à Ali par Abdallah Ibn Abbass, qui fut le meilleur d'entre les Compagnons en ce qui concerne le hadith, et est un élève d'Ali. La contribution de la famille du Prophète et de leurs associés dans le domaine du hadith et de la jurisprudence est bien connue. Les fondateurs des quatre écoles juridiques sunnites sont connus pour avoir eu des relations avec les cinquième et sixième Imams shi'ites. Les remarquables progrès accomplis dans les principes de la jurisprudence par le savant shi'ite Wahid Bihbahâni et suivis par Cheik Murtaza Ansari n'ont de toute évidence, jamais été égalés en jurisprudence sunnite.

Notes du chapitre III :

1)- Les documents de ce récit ont été donnés dans le premier chapitre.

2)- Nahj al-balâghah, sermon 231.

3)- Al-Durr al-manthûr, vol.II, p. 6.

4)- Tafsir al-sâfi, p. 8; Bihâr al-anwâr, vol.XIX, p. 28.

5)- Note de l'éditeur: il doit être ajouté que c'est la méthode utilisée par l'auteur dans son monumental commentaire du Coran, al-Mizân qui comporte 41 volumes.

6)-Tafsir al-sâfi, p. 4.

7)- Tafsir al-sâfi, p. 15; dans le Kâfi, Tafsir 'ayâshi et Ma'âni al-akhbâr, des récits en ce sens ont été rapportés.

8)- Note de l'éditeur: c'est une référence à un verset du Coran: «Nous leur ferons.voir Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes jusqu'à ce que leur apparaisse que ceci est la Vérité» (Coran XLI, 53).

9)-Bihâr al-anwâr, vol.I, p. 117.

10)- La preuve de cette question se trouve dans les nombreux ouvrages écrits par les ulémas sur les hadiths, de même dans les livres des gens faisant autorité, un groupe de narrateurs sont qualifiés de «menteurs» ou de « faussaires ».

11)- Bihâr al-anwâr, vol.I, p. 139.

12)-Bihâr al-anwâr, vol.I, p. 117.

13)- Bihâr al-anwâr, vol.I, p. 55.

14)- A ce sujet, on se reférera aux discussions concernant l'ijtihad et le taqlid dans les ouvrages traitant de la science des principes de jurisprudence.

15)- Wafayât al-a'yân d'Ibn Khallikân, Téhéran, 1284, p. 78; A'yân al-shiah de Muhsin 'Amili, Damas, 1935 et après, vol.XI, p. 231.

16)- Wafayât al-a'yân, p. 190; A'yân al-shiah et les autres ouvrages sur la biographie des savants.

CHAPITRE IV

SECONDE MÉTHODE

LE RAISONNEMENT INTELLECTUEL

1— La pensée philosophique et théologique dans le shi'isme

On a déjà dit que le Coran tient pour légitime et approuve la pensée rationelle, qu'il considère comme une partie de la pensée religieuse. La pensée rationnelle, dans son acception islamique, après avoir confirmé la prophétie de Mohammad fournit des démonstrations intellectuelles de la validité de l'aspect extérieur du Coran, comme de la validité des paroles du Prophète et de sa noble famille.

Les preuves intellectuelles qui aident l’homme à trouver des solutions à ses problèmes à travers la nature que Dieu lui a donnée, sont de deux sortes : démonstratives (burhan) et dialectiques (djadal). La démonstration est une preuve dont les prémisses sont vraies (en accord avec la réalité), même si elles ne sont pas observables ou évidentes. En d'autres termes, c'est une proposition que l'homme comprend et confirme nécessairement par l'intelligence que Dieu lui a donné, comme par exemple lorsqu'il sait que « le chiffre trois est inférieur au chiffre quatre ». Ce type de pensée est appelé pensée rationnelle; et lorsqu'elle se préoccupe des problèmes universels de l'existence, tels que l'origine et la fin du monde et de l’homme, on la nomme pensée philosophique.

La dialectique est une preuve dont les prémisses sont basées, en totalité ou en partie, sur des données observables: par exemple, le cas des fidèles d'une religion dont l'attitude consiste communément à prouver leurs vues religieuses à l'intérieur de cette religion en avançant les principes certains et évidents de cette dernière.

Le Coran a utilisé les deux méthodes, et plusieurs vérsets du Livre Sacré relèvent de ces deux sortes de preuve. Premièrement,le Coran ordonne la recherche libre et la méditation sur les principes généraux de l'ordre cosmique, ainsi que sur des ordres particuliers tels que les cieux, les étoiles, le jour et la nuit, la terre, les plantes, les animaux, les hommes, etc... II loue, dans un langage des plus éloquents, l'investigation rationelle de ces sujets. Deuxièmement, il invite l’homme à mettre en œuvre la pensée dialectique qui habituellement est appelée discussion théologique (Kalâmi) (1), pourvu qu'elle soit menée de la meilleure manière possible, c'est-à-dire dans le but de manifester la vérité sans querelle, et par des hommes qui possèdent les vertus morales nécessaires. II est dit dans le Coran: «Appelle (les hommes) dans le chemin de ton Seigneur par la sagesse et une belle exhortation. Discute avec eux de la meilleure manière» (Coran XVI, 125).

2- L 'initiative shi'ite dans la philosophie et le kalam en Islam

Quand à la théologie, Kalâm, il est clair que dès le début, quand les shi'ites se séparèrent de la majorité sunnite, ils se mirent à débattre avec leurs opposants au sujet de leur point de vue particulier. II est vrai qu'un débat a deux côtés et que les deux partis y prennent part. Toutefois, les shi'ites prenant l'initiative, passèrent continuellement à l'offensive, alors que l'autre parti se tint sur la défensive. Dans le développement graduel du «Kalâm»,qui atteignit son apogée au 2ème/8ème siècle, avec l'expansion de l'école mu'ta-zilite, des savants shi'ites et des hommes de science, disciples de l'école de la famille du Prophète furent au nombre des maitres les plus célèbres du Kalâm (2). Qui plus est, la chaine des théologiens du monde sunnite, qu'ils soient Asharites, Mutazilites, ou autres, remonte au premier Imam des shi'ites, Ali.

Quant à la philosophie (3), ceux qui connaissent les dits et les œuvres des Compagnons du Prophète (parmi lesquels 12.000 furent enregistrés) savent qu'on n'y trouve pratiquement aucune discussion sérieuse de questions philosophiques. Seules les admirables paroles métaphysiques d'Ali contiennent la pensée philosophique la plus profonde.

Les Compagnons et les savants qui les suivirent, et en fait les Arabes de cette époque en général, n'étaient pas habitués à la libre discussion philosophique. Il n'y a aucun exemple de pensée philosophique dans les ceuvres des savants des deux premiers siècles. Seules les paroles profondes des Imams shi'ites, du premier et du huitième en particulier, contiennent un trésor inépuisable de méditations philosophiques. Ce sont eux qui familiarisèrent quelques-uns de leurs élèves avec cette forme de pensée.

Les Arabes ignoraient la pensée philosophique, jusqu'à ce qu'ils en connurent des exemples au 2ème/8ème siècle, par la traduction de certaines œuvres philosophiques en Arabe. Plus tard, pendant le 3ème/9ème siècle, de nombreux écrits philosophiques furent traduits en Axabe à partir du grec, du syriaque et d'autres langues et à travers ces écrits, la pensée philosophique atteignit un vaste public. Pourtant, la plupart des juristes et des théologiens ne considérèrent pas la philosophie et les autres sciences intellectuelles nouvelles venues favorablement. Au début, grâce à l'intérêt que les autorités portaient aux sciences, leur opposition n'eut pas d'effet considérable. Mais les conditions se modifièrent rapidement et des ordres très stricts conduisirent à la destruction de nombreuses œuvres philosophiques. Les Epitres des ((Frères de la Pureté», œuvre d'un groupe d'auteurs inconnus, constituent un rappel de ces jours et attestent des conditions défavorables de cette époque. Après cet période difficile, la philosophie fut revivifiée au début du 4ème/10ème siècle par le célèbre philosophe, Abu Nasr al Farabi. Au 5ème/11ème siècle grâce à l'œuvre du très célèbre philosophe Ibn Sina (Avicenne), la philosophie péripatéticienne atteignait son plein épanouissement. Au 6ème/12ème siècle le cheikh Shihab al Din Sohrawardi systématisa la philosophie de l'Illumination (Hikmat ul ishiaq), ce qui lui valut d'être exécuté sur l'ordre de Salah-el Din Ayyubi. Par la suite, la philosophie cessa d'exister dans la majorité musulmane sunnite. II n'y eut plus de philosophe de marque, sauf en Andalousie, aux confins du monde islamique où, à la fin du 6ème/12ème siècle, Ibn Rushd (Averroês) chercha à faire revivre l'étude de la philosophie (4).

3- Les contributions shi'ites à la philosophie et aux sciences rationnelles

De même qu'il joua dès le début un rôle effectif dans la formation de la pensée philosophique islamique, de même le shi'isme fut un facteur essentiel dans le développement ultérieur et la diffusion de la philosophie et des sciences islamiques. Si la philosophie s'éteignit dans le monde sunnite, après Ibn Rushd, par contre elle survécut dans le shi'isme. A la suite d'Ibn Rushd, apparurent de brillants philosophes tels Khadjah Nasir al Din Tussi, Mir Damad et Sadr al Din Shirazi, qui étudièrent, développèrent et exposèrent la pensée philosophique.

De même, dans les autres sciences rationnelles apparurent plusieurs figures remarquables dont Nasir al Din Tussi (qui fut à la fois philosophe et mathématicien) et Birdjandi qui fut également un mathématicien hors pair.

Toutes les sciences et en particulier la métaphysique ou théosophie (falsafah-yé ilahi ou hikmate-ilahi) firent des progrès notables grâce aux efforts infatigables des savants shi'ites. On le constate en comparant les œuvre de Nasir al Din Tussi, Shams al Din Turkah, Mir Damad et Sadr al Din Shirazi aux écrits de leurs prédécesseurs (5).

4 - Pourquoi la philosophie continua-t-elle à vivre dans le shi'isme

On sait que le facteur décisif dans l'apparition de la pensée philosophique et métaphysique au sein du shi'isme, et à travers le shi'isme, dans d'autres milieux islamiques, fut l’heritage de connaissances laissées par les Imams. La persistance et la continuité de la pensée philosophique est due à la vénération et au respect des shi'ites pour l'héritage des Imams. Pour attester cela, il suffit de confronter le trésor de connaissance laissée par la famille du Prophète avec les œuvres philosophiques écrites au cours des siècles. Dans cette comparaison. on constate clairement que la philosophie islamique n'a cessé de se rapprocher toujours plus, au fil des années, de cette source de connaissance jusqu'à ce qu'au 11ème/17ème siècle la philosophie islamique et l’héritage des Imams convergèrent plus ou moins parfaitement. Ils ne se distinguèrent plus que par certaines différences d'interprétation relatives à quelques principes de philosophie.

5- Certaines figures intellectuelles remarquables du shi'isme

a) Thiqat al islam Mohammad ibn Yaqub Kulayni (m. 329/940) est la première personne au sein du shi'isme, à avoir séparé les hadiths shi'ites des livres appelés «Principes» (Usul) et à les avoir classés et organisés selon les chapitres de la jurisprudence et les articles de foi (chacun des savants shi'ites du hadith avait rassemblé les paroles qu'il avait recueillies des Imams en un livre appelé Asl ou «principe»). Le livre de Kulayni, connu sous le titre de «Kafi», se divise en trois parties: Principes, Branches et articles divers, et contient 16.199 hadiths. II constitue le livre de hadiths le plus célèbre et le plus digne de fois connu dans le monde shi'ite.

Trois autres ceuvres complètent le Kafï. Ce sont le livre du juriste cheikh Saduq Mohammad Ibn Babeviyh Qommi,(m. 381/991) et les livres «Kitab el Tahdhib» et «Kitab al Istibsar», tous deux du cheikh Mohammad Tussi (m. 460/1068).

b) Abul qasim Jafar Ibn Hassan Ibn Yahya Hilli (m. 676/1277),

connu comme le Mohaqqiq, fut un génie remarquable en jurisprudence. II

est considéré corrune le plus éminent juriste shi'ite. Parmi ses chefs-d'ceuvies,

Il y a le «Kitab-i-mukhtasar-i-nafi» et le «Kitab Sharayi» qui depuis sept cents ans n'ont cessé d'être considérés avec grand intérêt et émerveillement par les juristes shi'ites.

A la suite de Mohaqqiq, nous devons mentionner Shahid-i-Awwal Shams al Din Mohammed Ibn Makki, qui fut tué à Damas en 786/1384, aprês avoir été accusé de professer le shi'isme. Parmi ses chefs-d'oeuvres juridiques figure le Lumah-i-Dimashqiyah qu'il écrivit en prison en sept jours. Nous devons également mentionner le cheikh jafar Kashif al Ghita Nadjafi (m. 1227/1809) auteur, parmi d'autres ouvrages juridiques remarquables, du «Kitab Kachf al Ghita».

c) Le Cheikh Mortada Ansari Shushtari (m. 1281/1864) réorganisa la science des principes de jurisprudence sur de nouveaux fondements et formula les principes pratiques de cette science. Pendant plus d'un siècle, son école a été suivie diligemment par les savants shi'ites.

d) Khadjah Nasir al Din Tussi (m. 672/1274) est le premier à avoir fait du Kalam une science complète et précise. Parmi ses chefs-d'oeuvres dans ce domaine, figure le Tadjrid al Kalâm qui a conservé son autorité parmi les maitres de cette discipline pendant plus de sept siècles. De nombreux commentaires en ont été écrits aussi bien par les shi'ites que par les sunnites.

Outre son génie dans la science du Kalâm, il fut une des figures les plus remarquables de son époque en philosophie et en mathématiques, comme en témoigne son apport précieux aux sciences intellectuelles. De plus, l'observatoire de Maragheh lui doit son existence.

e) Sadr al Din Mohammad Shirazi (m. 1050/1640) connu sous le nom de Mollah Sadra ou encore Sadr al Motaallihin, fut le philosophe qui, pour la première fois, après des siècles de développement philosophique en Islam, introduisit un ordre rigoureux et une complète harmonie dans la discussion des problèmes philosophiques. II organisa et systématisa ces derniers à la

manière de problèmes mathématiques, en même temps qu'il concilia philosophie et gnose, provoquant ainsi plusieurs développements importants. II donna à la philosophie de nouvelles méthodes pour aborder et répondre à beaucoup de problèmes qui ne pouvaient être résolus par la philosophie péripatéticienne. Il rendit possibles l'analyse et la solution de certains problèmes relatifs à la mystique considérée jusqu'alors comme ressortant d'un domaine supérieur à celui de la raison, dépassant la compréhension de la pensée rationnelle. II clarifia et élucida le sens de beaucoup de trésors de sagesse contenus dans les sources exotériques de la religion et dans les profondes expressions métaphysiques des Imams de la famille du Prophète, qui durant des siècles avaient été considérés comme des énigmes insolubles et courammant prises pour des allégories ou même pour des expressions symboliques. De cette manière, la gnose, la philosophie et l'aspect exotérique de la religion furent parfaitement harmonisés...

En suivant les méthodes qu'il avait instaurées, Molla Sadra réussit à prouver «un mouvement transsubstantiel» (6) et à découvrir parmi d'autres principes remarquables la relation ultime du temps avec les trois dimensions spatiales, d'une manière proche du sens donné en physique moderne à la «quatrième dimension», et qui ressemble aux principes généraux de la théorie de la relativité (relativité dans le monde corporel), bien sûr, hors de l'esprit «zihn», et non dans la pensée «fikr»). II écrivit près de cinquante livres et traités . Parmi ses grands chefs-d'œuvres il y a les quatre volumes de l'Asfar.

II faut noter qu'avant Molla Sadra certains penseurs comme Sohrwardi, le philosophe du 6/12ème siècle, auteur de la «hikmat-al ishraq», et Shams al Din Turkah, un philosophe du 8ème/14ème siècle, s'étaient efforcés d'harmoniser, gnose, philosophie et religion exotérique; mais c'est à Molla Sadra que l'on doit le parfait succès de cette entreprise.

Notes du chapitre IV :

1)- Note de l'éditeur : Le Kalâm est une discipline spéciale en Islam; le mot est habituellement rendu dans les langues européennes comme la théologie, bien que le rôle et l'étendue du Kalâm et de la théologie ne sont pas les mêmes. Désormais, le mot Kalâm lui-même, qui petit à petit s'utilise en français, sera utilisé sous sa forme originale arabe et ne sera pas traduit.

2)- Ibn Abi'l-Hadid, début du vol.I.

3)- Note de l'éditeur: comme noté précédemment, la philosophie dans ce contexte signifie la philosophie traditionnelle qui est basée sur la certitude et non la philosophie spécifiquement moderne qui commence avec le doute et limite l'intellect à la raison.

4)- Ces questions sont amplement traitées dans l'Akhbâr al-hukamâ' d'Ibn al-Qifti, Leipzig, 1903 ; le Wafayât al-a'yân et les autres biographies de savants.

5)- Note de l'éditeur: ce sont tous des philosophes éminents de la dernière période (du 7e13e au 11e/17siècle), presque inconnus en Europe excepté Tusi qui est toutefois plus connu pour ses ouvrages de mathématiques que pour sa contribution à la philosophie.

6)- Note de l'éditeur : les premiers philosophes musulmans croyaient, comme Aristote, que le mouvement est possible seulement dans les accidents des choses, et non dans leur substance. Mulla Sadra affirme, au contraire, que chaque fois que quelque chose participe à un mouvement (dans le sens de la philosophie médiévale), sa substance subit un mouvement et pas seulement les accidents. II y a donc un devenir à l'inténeur des choses par lequel elles montent jusqu'aux plus hauts ordres de l'existence universelle. Cette conception ne doit toutefois pas être confondue avec la théorie moderne de l'évolution.

CHAPITRE V

LA TROISIEME METHODE :

L'INTUITION INTELLECTUELLE OU LE DÉVOILEMENT MYSTIQUE

1 - L 'Homme et la connaissance gnostique

Bien que la plupart des hommes ne se préoccupent que de gagner leur vie et de satisfaire leurs besoins quotidiens, dans un oubli total des choses spirituelles, il reste cependant dand le fond de la nature humaine un besoin inné de recherche de la Réalité ultime.Chez certains,cette force,qui habituellement sommeille, se réveille et se manifeste ouvertement, sous la forme de perceptions spirituelles.

Tout homme croit en une réalité permanente, en dépit des prétentions des sophistes et des sceptiques qui donnent à toute vérité et à toute réalité, le nom d'illusion et de superstition. Parfois lorsqu'avec une âme et un esprit purs, I’homme perçoit la réalité permanente imprégnant l'univers et l'ordre créé, et simultanément, perçoit l‘impermanence et le caractère éphémère des diverses parties et éléments du monde, il se rend apte à contempler le monde et ses phénomènes comme des miroirs qui reflètent la beauté d'une réalité permanente. La joie de saisir cette réalité efface toute autre joie aux yeux de celui qui l'éprouve et fait apparaitre toutes les autres choses comme insignifiantes.

Cette vision est d'attirance divine» (djadhibeh) de la gnose, qui attire l'attention de l'homme centré sur Dieu, vers le monde transcendant et éveille l'amour de Dieu en son cœur. Par cette attraction, il oublie toutes les autres choses. Ses multiples désirs et souhaits sont effacés de son esprit. Cette attirance conduit l’homme à l'adoration et à la louange de la divinité invisible, qui en réalité est plus évidente et plus manifeste que tout le visible et l'audible. En fait, c'est la même attraction intérieure qui a amené à l'existence les différentes religions du monde, fondées sur l'adoration de Dieu. Le gnostique (Arif) est celui qui adore Dieu par amour pour Lui, et non pas dans l'espoir d'une récompense ni par peur d'une punition (1).

De ce qui précède, il ressort clairement que nous ne devons pas considérer la gnose comme une religion parmi d'autres. La gnose est une des voies de l'adoration, une voie fondée sur la connaissance mêlée d'amour, plutôt que sur l'espérance et la peur. C'est la voie qui permet de réaliser la vérité intérieure de la religion plutôt que de se contenter de sa forme extérieure et de la pensée rationnelle. Toute religjon révélée et même celles qui apparaissent sous la forme d'une adoration d'idoles, comptent des croyants qui empruntent le sentier de la gnose. Les religions polythéistes, ainsi que le judaisme, le christianisme, le mazdéisme et l’islam, toutes comptent des croyants qui sont des gnostiques.

2- Apparition de la gnose en Islam

Parmi les Compagnons du Prophète (les livres de Ridjâl en ont mentionné environ 12.000), Ali est tout particulièrement connu pour son éloquence dans l'exposition des vérités gnostiques et des étapes de la vie spirituelle. Ses paroles, recèlent un inépuisable trésor de sagesse. Parmi les œuvres qui nous sont parvenues d'autres Compagnons, on a trouvé peu de choses en rapport avec ces questions. Parmi les proches et les disciples d'Ali. Salman al Farsi. Oways Qarani", Kuinayl Ibn Ziyad, Rashid Hadjari", Maytham Tammâr, sont cités par tous les gnostiqucs, aprés Ali.

Après ce groupe, d'autres apparurent, tels que Tâwus Yamani, Malik Ibn Dinar, Ibrahim Adham et Shaqiq Balkhi, considérés par le peuple comme des saints et des hommes de Dieu. Ces hommes, sans parler explicitement de la gnose et du soufisme, se présentèrent cependant comme des ascètes et ne dissimulèrent pas qu'ils avaient été initiés par le groupe précédent et qu'ils avaient suivi une discipline spirituelle sous sa conduite.

Après eux, apparurent à la fin du 2ème/8ème siècle et au début du 3ème/ 9ème siècle, des hommes tels que Bâyazid Bastâmi, Marûf Karkhi, Djunayd Baghdâdi et d'autres qui suivirent la voie gnostique et déclarèrent ouvertement leurs liens avec la gnose et le soufisme. Ils divulguèrent certains enseignements

ésotériques fondés sur la vision spirituelle, lesquels, à cause de leur forme extérieure étrange, appelèrent sur eux la condamnation de quelques juristes et théologiens. Certains d'entre eux furent emprisonnés, torturés et même parfois tués et pendus. Malgré cela, et en dépit de ses adversaires, ce groupe se maintint et poursuivit ses activités. La «voie» (tariqah) continua à se propager jusqu'aux 7ème/13ème et 8ème/14ème siècles où elle atteignit l'apogée de son expansion et de sa puissance. Depuis lors, plus ou moins forte selon les moments, elle a poursuivi son existence dans le monde islamique jusqu'à nos jours.

Il semble que les cheikhs de la gnose, tels que nous les connaissons aujourd'hui, soient d'abord apparus dans le monde sunnite et ensuite parmi les shi'ites. Il faut remarquer que même dans les traités sunnites classiques, on dit parfois que la méthode spirituelle de la «voie» ou que les «techniques» par lesquelles l'on parvient à se connaitre et se réaliser, ne peuvent être expliquées au moyen des formes extérieures et des enseignements de la shari'ah. Ces sources affirment plutôt que certains musulmans ont eux-mêmes découvert plusieurs de ces méthodes et de ces pratiques, lesquelles ont ensuite été acceptées par Dieu, exactement comme c'est le fait dans le monarchisme chrétien (2). Par conséquent, chaque maitre a établi certaines pratiques qu'il a jugées nécessaires à la voie spirituelle,comme par exemple la forme particulière de célébrer la cérémome d'initiation, les détails de la manière selon laquelle une appellation est donnée au nouvel adepte en même temps qu'une robe, l'utilisation de la musique, du chant et d'autres méthodes pour provoquer l'extase pendant l'invocation du Nom divin. Dans certains cas, les pratiques de la Tariqah diffèrent de celles de la shari'ah. Mais, si l'on considère les principes du shi'isme et les sources fondamentales de l'Islam, c'est-à-dire le Coran et la sunnah, on réalise rapidement qu'il est impossible de dire que l'Islam négligerait certains aspects de l'éducation de l'homme ou qu'il exempterait certains de la pratique des obligations et léverait les interdits pour quelques uns.

3- Instructions du Coran et de la Sunnah concernant la connaissance gnostique

Le Dieu Très-Haut, à plusieurs endroits dans le Coran a ordonné à l'homme de réflechir sur le Livre Sacré et de persévérer dans cet effort sans se contenter d'une compréhension superficielle et élémentaire du Livre. Dans plusieurs versets, le monde de la création et tout ce qui s'y trouve, sans nulle exception, est nommé signes (Ayât-s) et symboles du Divin. Un certain degré de réflexion sur le sens de ces signes et de ces merveilles et l'intelligence de leur signification réelle feront comprendre qu'ils sont le signe de quelque chose d'autre qu'eux-même. Par exemple, la vue du feu rouge placé en signe de danger rappelle l'idée du danger de sorte que si l'on commence à penser à la forme et à la qualité ou à la couleur du feu rouge,il n'y aura dans l'esprit que la forme de la lampe, du miroir ou de la couleur, et non le concept de danger. De même si le monde et ses phénomènes sont tous,et sous tous les rapports des signcs et des merveilles de Dieu, Créateur de l'Univers, ils ne possédent aucune indépendance ontologique par eux-mêmes. De quelque manière que nous les regardions, ils ne manifestent rien d'autre que Dieu. Celui qui, grâce à l'enseignement et la direction du Coran, se rend capable de voir le monde et ses habitants avec de tels yeux, ne verra nul autre que Dieu. Au lieu de voir seulement cette beauté empruntée que les autres voient dans l'apparence attrayante du monde,il verra une Beauté Infinie. C'est au moment de la réalisation de cette vérité que l’homme est purifié de son existence separée et que d'un unique élan il place son cœur entre les mains de l'Amour Divin. Il est clair que cette réalisation ne s'accomplit pas à l'aide de l'œil , de l'oreille ou d'un autre sens externe, ni par la puissance de l'imagination ou de la raison, car tous ces instruments sont eux-mêmes des signes et ils sont de peu de signification en ce qui conceme la voie spirituelle ici recherchée (3).

Celui qui a atteint la vision de Dieu et qui n'a d'autre intention que de se souvenir de Dieu et d'oublier tout le reste, lorsqu'il entend Dieu dire dans le Coran: «0 vous qui croyez ! Vous avez la charge de vos propres âmes; celui qui s'égare ne saurait vous nuire si vous restez dans le bon chemin...»(Coran V, 105), comprend que le seul chemin royal qui le guidera parfaitement et complètement est le chemin de la «réalisation de soi». Son véritable guide, qui est Dieu Lui-même, lui enjoint de se connaitre, d'oublier toutes les autres voies et de ne rechercher que la voie de la connaissance de soi, de voir Dieu par la fenêtre de son âme, pour atteindre ainsi l'objet réel de sa recherche. Voilà pourquoi le Prophète a dit: «Celui qui se connait vraiment connait son Seigneur» (4) et il a dit aussi: «Ceux qui parmi vous se connaissent le mieux possèdent la meilleure connaissance de Dieux (5).

Quant à la méthode pour suivre cette voie, il y a plusieurs versets du Coran qui commandent à l’homme de se rappeler de Dieu, comme par exemple quand il dit: «Souvenez-vous de Moi, Je Me souviendrai de vous!» (Coran 11,152).

II est également ordonné à l’homme d'accomplir des actions justes.décrites en détail dans le Coran et les hadiths. En conclusion de cette dcscription des actions justes, Dieu dit: «Vous avez dans l'envoyé de Dieu un beau modèle pour vcms» (Coran XXXIII, 21)

Comment imaginer que l'lslam puisse révéler que la meilleure voie est la voie qui mène à Dieu, sans recommander cette voie à tout le monde ? Ou comment pourrait-il faire savoir qu'une telle voie existe sans expliquer la méthode pour la suivre ? Dieu dit dans le Coran : «Nous t'avons révélé le Coran

comme une explication claire de toute chose» (Coran XVI, 89).

Notes du chapitre V :

1)- Le 6ème Imam a dit: « il y a trois types d'adoration : un groupe adore Dieu par crainte et c'est l'adoration des esclaves; un groupe adore Dieu pour être récompensé et c'est l'adoration des commerçants et un groupe adore Dieu a cause de leur amour et dévotion envers Lui, c'est l'adoration des hommes libres. C'est la meilleure forme d'adoration*, Bihâr al-anwâr, vol.XV, p. 208.

2)- Dieu a dit: «... et le monachisme qu'ils ont instauré - nous ne le leur avons pas prescrit - uniquement dans la quête de l'agrément d'Allah; ils ne l'ont pas observé comme il se devait » (Coran LVII, 27).

3)- Ali a dit: « Dieu n'est pas celui qui peut entrer dans une des catégories de la connaissance. Dieu est Celui qui guide la raison vers Lui», Bihâr al-anwâr, vol.II.p. 186.

4)- Un hadith célèbre repris spécialement dans les œuvres des Soufis et gnostiques connus, shi'ites et sunnites ensemble.

5)- Ce hadith est également trouvé dans beaucoup d'œuvres gnostiques, aussi bien shi'ites que sunnites.

TROISIEME PARTIE

LES CROYANCES ISLAMIQUES DU POINT DE VUE SHITTE

CHAPITRE VI

DE LA CONNAISSANCE DE DIEU

l)- Le monde vu du point de vue de l'être et de la réalité; la nécessité de l'existence de Dieu.

La conscience et la perception, qui sont inséparables de l'être même de l'homme, rendent évidente l'existence de Dieu aussi bien que celle du monde. Contrairement à ce qui expriment des doutes sur leur propre existence et celle des autres choses, considérant le monde comme une illusion, nous savons qu'un être humain quand il vient à l'existence, prend conscience de lui-même et du monde. Il ne doute pas «qu'il existe et que d'autres choses que lui existent». Tant que l’homme sera homme, cette conscience existra chez lui et ne pourra être mise en doute, ni subir la moindre variation.

La perception de cette réalité que l’homme affirme est immuable et ne peut être niée, malgré les sophistes et les sceptiques. Les prétentions du sophiste et du sceptique qui nient la réalité, ne pourront jamais être vraies. de par l'existence même de l'homme. L'immense monde de l'existence possède donc une réalite permanente qui demeure en lui et le pénètre.et qui se révèle a l'intelligence. Pourtant, chaque phénomène de ce monde qui possède la réalité ménie, en tant qu'êtres humains conscients et doués de perception, nous lui découvrons, perd tôt ou tard cette réalité et devient inexistant. De cc fait même, il est évident que le monde visible et ses parties ne sont pas l'cssence de la réalité, laquelle ne peut jamais être détruite. Mais ils reposent sur une réalité permanente par laquelle ils acquièrent réalité et passent à l'existence. Tant qu'ils lui sont reliés et rattachés, ils possèdent l'existence et dès qu'ils en sont séparés, ils sont anéantis (1). Nous appelons cette Réalité immuable et impérissable, l'Etre Nécessaire, Dieu.

2)- Un autre point de vue concernant la relation entre l'homme et l'univers.

La méthode choisie dans le paragraphe précédent pour prouver l'existence de Dieu est une méthode très simple et évidente que l’homme applique spontanément avec son intelligence et la nature que Dieu lui a données. Pourtant, pour la majorité des hommes, de par leurs préoccupations continuelles pour les choses matérielles et leur immersion dans les plaisirs terrestres, il leur est devenu très difficile de retourner à leur nature originelle, simple, primordiale et virginale. C'est pourquoi l'Islam, qui est universel et considère tous les hommes égaux en religion, a rendu possible pour de tels individus la découverte d'une autre voie pour prouver l'existence de Dieu. II cherche à leur parler et à leur faire connaitre Dieu au moyen du chemin même par lequel ils se sont détournés de leur nature simple et primordiale.

Le Coran instruit la multitude des hommes dans la connaissance de Dieu par des voies différentes. Surtout, il attire leur attention vers la création du monde et l'ordre qui y règne. II invite les hommes à contempler les «horizons» et «leur propre âme» (2). Car l’homme dans son bref séjour terrestre, quel que soit le chemin qu'il choisisse ou l'état dans lequel il se perde ne sort jamais du monde de la création et de l'ordre qui y règne. Son intelligence et sa faculté de compréhension ne peuvent pas dominer les scènes merveilleuses du Ciel et de la Terre qu'il observe.

Ce vaste monde de l'existence qui s'étend devant nos yeux, est, comme nous le savons, pris continuellement, dans ses parties comme dans son ensemble, dans un processus de changement et de transformation.(3) A chaque moment, il se manifeste sous une forme nouvelle et inédite. II est actualisé sous l'influence de lois qui ne souffrent aucune exception. Des plus lointaines galaxies aux plus minuscules particules qui composent ce monde, chaque partie de la création possède un ordre interne et suit sa course de la manière la plus étonnante qui soit, selon des lois qui n'admettent aucune exception. Le monde, pour atteindre sa propre fin parfaite, étend son domaine d'activité des états de perfection les plus bas aux plus élevés.

Au dessus des ordres particuliers, se trouvent des ordres plus universels et, finalement, l'ordre cosmique total qui relie les innombrables parties de l'univers et rattache les ordres particuliers les uns aux autres, et qui, dans son cours continu, n'accepte aucune exception et ne tolère aucune faille.

L'ordre de la création est tel que, s'il place par exemple un homme sur terre, il le constitue de telle sorte qu'il puisse vivre en harmonie avec son environnement de telle manière que celui-ci, comme une nourrice affectueuse, puisse le faire grandir. Le soleil, la lune, les étoiles, l'eau et la terre, la nuit et le jour, les saisons de l'année, les nuages, le vent et la pluie, les trésors sous terre ou en surface, en d'autres mots, toutes les forces de la nature, utilisent leurs énergies et leurs ressources afin de pourvoir à son bien-être et à la paix de son esprit. Une telle relation harmonieuse se retrouve dans les phénomènes matériels aussi bien que chez l’homme, dans ses rapports avec les autres, proches ou lointains, de même que dans le propre habitat de l"homme.

Cette continuité et cette liaison peuvent également être observées dans la structure interne de chaque phénomène. Si la création a donné du pain à l'homme, elle a également pourvu ce dernier de pieds pour aller chercher le pain, de mains pour le saisir, d'une bouche pour le manger, et de dents pour le mâcher. Elle a relié l’homme une série d'intermédiaires, unis les uns aux autres comme les maillons d'une chaine, au but final assigné à cette créature, à savoir sa subsistance et sa perfection.

Nombre d’hommes de science ne doutent pas que les innombrables relations entre les choses.-découvertes par eux à la suite de plusieurs milliers d'années d'efforts, ne sont que d'humbles échantillons et comme un avant-goût des secrets de la création et de leurs myriades de ramifications. Chaque nouvelle découverte annonce à l’homme l'existence d'un nombre infini d'éléments inconnus.

Quelqu'un peut-il dire que ce vaste monde de l'existence, dont toutes les parties, que ce soit séparément, ou dans leurs intercommunications, portent témoignage d'une connaissance et d'une puissance infinies, n'a nul besoin d'un créateur et aurait pu venir à l'existence sans raison ni cause? Ou encore peut-on dire que ces ordres et systèmes, particuliers et universels, et finalement, que l'ordre cosmique total qui, grâce à l'innombrables relations, a fait du monde une seule unité fonctionnant selon des lois invariables, que tout cela est arrivé à l'existence sans intention mais seulement par accident et par hasard? Ou bien quelqu'un peut-il soutenir que chaque phénomène ou que chaque ordre, dans le cosmos, s'est choisi, avant même de venir à l'existence, un ordre et une loi qu'il actualisa après être venu à l'existance, ou encore quelqu'un peut-il prétendre que ce monde, qui constitue une unité parfaite dont les parties sont harmonieusement reliées entre elles, pourrait être le résultat de diverses volontés émanant de sources différentes?

Evidemment, tout homme sensé qui rattache chaque phénomène à une cause, et qui parfois passe de longues périodes en recherches et en efforts pour découvrir une cause inconnue de lui, n'acceptera jamais la possibilité d'un univers existant sans un Etre qui en soit la cause. L'homme qui, observant quelques briques agencées selon un ordre précis, les considère comme l'effet d'un agent doué de connaissance et de pouvoir, et rejette la possibilité d'un accident ou du hasard intervenant dans l'agencement de ces briques, concluant par là même qu'un but et un plan lui ont préexisté, un tel homme ne concevra point l'ordre cosmique comme le résultat d'un accident ou d'un jeu de hasard.

Une conscience plus profonde de Fordre régnant dans l'univers suffit à montrer que le monde, ainsi que l'ordre qui y règne, est la création d'un Créateur omnipotent qui l'amena à l'existence par sa connaissance et son pouvoir illimités et le dirige vers une fin. Toutes les causes partielles qui provoquent les événements individuels dans le monde remontent finalement à Lui. Elles dépendent, sous tous leurs rapports, de Son Pouvoir et sont guidées par Sa Sagesse. Tout ce qui existe dépend de Lui, alors que Lui ne dépend de nul autre, de nulle cause ni d'aucune condition.

3)-L 'unicité de Dieu

Chaque réalité de ce monde que nous pouvons imaginer est une réalité limitée, c'est-à-dire une réalité dont l'actualisation dépend de certaines causes et de certaines conditions nécessaires. Si ces conditions ne sont pas réunies, cette réalité ne peut exister dans le monde. Chaque réalité connait des limites au delà desquelles elle ne peut étendre son existence. Seul Dieu est tel qu'Il ne connait aucune limite, car Sa Réalité est absolue et II existe dans Son Infinité d'une manière que nous ne pouvons concevoir. Son«Etre» n'est pas dépendant et n'a besoin d'aucune cause ni condition.

Il est clair que dans le cas de l’infîni nous ne pouvons envisager la multiplicité, car toute seconde réalité supposée serait autre que la première; il en résulterait que chacune de ces réalités serait limitée par l'autre. Par exemple, si nous considérons un volume illimité, nous ne pouvons concevoir un autre volume illimité prés de lui. Et si nous supposons quand même un autre volume, il serait tout simplement le même que le premier. Par conséquent, Dieu est Un et n'a pas de partenaire.

Nous avons déjà mentionné l’histoire de ce Bédouin qui s'approcha d'Ali, lors de la «bataille du Chameau», et lui demanda s'il affirmait que Dieu était Un. La réponse d'Ali fut la suivante: «Dire que Dieu est Un, comporte quatre sens, deux qui sont faux et deux qui sont corrects.

Quant aux sens faux, l'un consiste à dire: «Dieu est Un» tout en pensant au nombre et calcul. Ce sens est faux car ce qui n'a pas de seconde ne peut entrer dans la catégorie du nombre. Ne voyez-vous pas que ceux qui disent que Dieu est le troisième d'une trinité - c'est-à-dire les Chrétiens- tombent dans l'infidélité? Un autre sens consiste à dire que telle chose est une de son genre, c'est-à-dire une espèce de son genre ou un membre de cette espèce. Ce sens n'est pas correct non plus quand il est appliqué à Dieu, car il implique le rapprochement de quelque chose à Dieu, or Dieu est au-dessus de toute ressemblance.

Quant aux deux significations exactes, lorsqu'on les applique à Dieu,l'une consiste à dire que Dieu est unique, en ce sens que rien ne Lui ressemble parmi les choses; Dieu possède une telle unicité. Et l'autre consiste à dire que Dieu est un en ces sens qu'aucune multiplicité ou division n'est concevable en Lui, ni à l'extérieur, dans l'esprit ou dans l'imagination. Dieu possède une telle unité». (Bihar al anwâr II, 65)

Ali a dit aussi: «Connaitre Dieu, c'est connaitre Son Unité» (Bihar al anwâr II, 186). Cela signifie que prouver que l'être de Dieu est illimité et infini suffit à démontrer Son Unicité, car concevoir un second pour l'infini est impossible. II n'y a donc pas lieu de recourir à d'autres preuves, bien que celles-ci existent en grand nombre.

4)- L 'essence divine et.ses qualités (Sifat)

Si nous considérons la nature de l'être humain, nous voyons qu'il a une essence qui est l'humanité individuelle (Insaniyat-e Chakhsi) et également des qualités par lesquelles son essence est connue, telles que la qualité d'être né à tel endroit, d'être le fils d'un tel, d'être savant et compétent,grand et bien fait, ou le contraire. Certaines de ces qualités, comme la première et la seconde, ne peuvent être séparées de l'essence; d'autres, comme être savant et compétent, peuvent en être séparées. Pourtant toutes sont différentes de l'essence et également différentes entre elles.

Ce dernier point, à savoir la différence entre l'essence et les qualités, et entre les qualités elles-mêmes, constitue la meilleure preuve qu'une essence possédant les qualités et qu'une qualité manifestant une essence, sont toutes deux limitées et finies. Car si l'essence était sans limite et infinie. elle incluerait la qualité, de même que les qualités seraient inclues l'une dans l'autre, et le tout serait un. Par exemple, l'essence de l’homme serait la même chose que son pouvoir et son pouvoir la même chose que son savoir; la hauteur et la beauté seraient une seule chose, et tout ceci aurait la même signification.

De cet exemple, il appert que l'Essence divine ne peut se concevoir comme ayant des qualités au sens où un être humain en a. Une qualité n'apparait que lorsqu'il y a des limites et l'Essence divine transcende toute limitation (même la limitation de cette transcendance qui en réalité est une qualité).

5) La signification des qualités divines

Dans le monde de la création, nous sommes conscients de plusieurs perfectoins qui se manifestent sous forme de qualités. Ce sont des qualités positives qui, où qu'elles apparaissent, rendent l'objet qu'elles qualifient plus parfait et élèvent sa valeur ontologique, comme on peut le constater clairement dans la comparaison entre un être vivant tel que l'homme et un être sans vie, tel que la pierre.

Sans aucun doute, Dieu a créé ces perfections, et en a fait don à ses créatures. S'Il ne les avait Lui-même possédées dans leur plénitude, II n'aurait pu en investir d'autres, ni perfectionner les autres par ces qualités. Par conséquent, si nous nous sommettons au jugement d'un raisonnement correct nous devons conclure que Dieu, le Créateur,possède Connaissance,Puissance et toute autre perfection réelle. De plus,comme nous l'avons dit,les marques de Sa connaissance et de Sa puissance et, par conséquent, les marques de la vie, se laissent percevoir dans l'ordre du cosmos. Mais puisque l'Essence divine est illimitée et infinie, ces perfections qui se manifestent conune Ses qualités, ne sont en réalité autres que son Essence et une entre elles. La différence entre l'Essence et les qualités et entre les qualités elles-mêmes n'existe qu'au niveau des concepts. Essentiellement, il n'y a qu'une Réalité, unique et indivisible.

Afin d'éviter l'erreur inadmissible qui consiste à limiter l'Essence en lui attribuant des qualités ou en niant le principe de perfection en elle, l'Islam a commandé à ses fidèles de préserver un juste équilibre entre l'affîrmation et la négation. Il leur ordonne de croire que Dieu a la connaissance mais non pas une connaissance comme celle des autres êtres. Qu'Il a la puissance,mais non pas une puissance comme celles des autres êtres. Qu'Il entend, mais non pas au moyen d'oreilles; qu'Il voit, mais pas avec des yeux, et ainsi de suite.

6)- Autres explications concernant les qualités

Les qualités en général sont de deux types : les qualités de perfection et les qualités d'imperfection. Les qualités de perfection sont d'une nature positive et donnent à l'objet qu'elles qualifient, une valeur et un effet ontologiques plus élevés. Cela apparart évident si l'on compare un être vivant, doué de connaissance et de puissance avec un être mort, privé de connaissance et de puissance. Les qualités d'imperfection sont l'inverse des premières. Quand nous analysons ces qualités nous voyons qu'elles sont négatives et dénoncent un manque de perfection, telles l'ignorance, l'incapacité, la laideur, la maladie et autres inperfections du même genre. Ou peut affirmer que la négation de la qualité d'imperfection est la qualité de perfection. Par exemple, la négation de l'ignorance est la connaissance, et la négation de l'impuissance est la puissance.

Pour cette raison, le Coran a rattaché toute qualité positive directement à Dieu, et a rejeté toute qualité négative hors de Lui, Lui attribuant seulement la négation de telles imperfections, comme lorsqu'il affirme «Lui est le Connnaissant, l'Omnipotent» ou «Lui est le Vivant» ou bien «Il ne s'assoupit, ni ne dort...» ou encore «Sachez que vous ne pouvez frustrer Allah».

Ce qu'il ne faut jamais oublier, c'est que Dieu est la réalité absolue sans aucune limite ni frontière. Par conséquent (4), une qualité positive attribuée à Dieu ne connaitra aucune limite. II n'est pas matériel ou corporel, ni limité par l'espace et le temps. Tout en possédant toutes les qualités positives, II est au-delà de toute qualité et de tout état appartenant aux créatures. Chaque qualité qui Lui appartient réellement est purifiée de la notion de limite, comme II raffïrme Lui-même: «Nul n'est à sa ressemblance» (Coran XLII, 11).

7)— Les qualités d 'action

Par ailleurs, les qualités sont également divisées en qualités de l'essence et en qualités d'action. Une qualité dépend parfois seulement du qualifié lui-même, telle la vie, la science et la puissance, qui dépendent de la personne, d'un être humain vivant, doué de connaissance et de puissance. Nous pouvons concevoir l'homme doué de ces qualités sans prendre en considération d'autres facteurs. Parfois, une qualité ne dépend pas seulement du qualifié en lui-même, mais requiert aussi, pour pouvoir qualifier, l'existence de quelque chose d'extérieur, comme dans le cas de l'écriture, de la conversation, du désir, etc... Une personne ne peut écrire que si elle possède de l'encre, une plume et du papier, et elle ne peut converser que lorsqu'il y a quelqu'un à qui elle puisse parler. De même, elle ne peut désirer que lorsqu'il y a un objet de désir. La seule existence de l’homme ne suffit pas pour amener ces qualités à l'existance.

Cette analyse manifeste clairement que les qualités divines qui ne sont autres que l'Essence de Dieu, n'appartiennent qu'au premier genre. Quant à celles du second genre, dont l'actualisation dépend d'un facteur extérieur, elles ne peuvent être considérées comme des qualités de l'Essence et identiques à l'Essence, car tout autres que Dieu est créé par Lui, et se trouve ainsi dans l'ordre créé, venant après Dieu.

Les qualités appartenant à Dieu après l'acte de création, en tant que créateur, tout-puissant, donneur de vie, donneur de mort, nourricier, etc... ne sont pas identiques à son Essence, mais s'y ajoutent, ce sont des qualités d'action. Par ce terme, il est signifié qu'après l'actualisation d'un acte, le sens d'une qualité est compris à partir de cet acte, et non pas à partir de l'essence.

Ainsi Créateur est conçu après que l'acte de Création ait eu lieu. A partir de la création, la qualité de Dieu en tant que Créateur devient intelligible. Cette qualité vient après la Création et non pas de l'Essence Sacrée de Dieu Lui-même, de sorte que l’Essence ne subit aucune modification avec l'apparition de cette qualité. Le shi'isme considère les deux qualités de volonté (iradah) et de parole (kalam) dans leur sens littéral comme des qualités d'action («volonté» signifiant vouloir quelque chose et «parole» signifiant acheminer une signification par l'expression). La plupart des théologiens sunnites les considèrent comme impliquant le savoir et par conséquent les classent dans les qualités de l'Essence. (4)

8)— La Destinée et la Providence

La Loi de causalité règne dans le monde de l'existence, sans faille ni exception. (5) Selon cette loi, chaque phénomène dans ce monde dépend, pour sa manifestation, de causes et de conditions qui rendent son actualisation possibles. Si toutes ces causes, qui sont désignées par «la cause parfaite» (la cause première), sont actualisées, la manifestation du phénomène, ou l'effet assumé, devient déterminé et nécessaire. Et si l'on suppose l'absence de toutes les causes, ou de quelques unes d'entre elles, l'actualisation du phénomène est impossible. L'analyse de cette thèse clarifiera les deux points suivants:

a- Si nous comparons un phénomène (ou effet) avec la cause parfaite (ou première) et également avec les parties de la cause parfaite, sa relation à la cause parfaite est fondée sur une nécessité et sur une relation entièrement déterminée, alors que sa relation à chacune des parties de la cause parfaite (nommées causes imparfaites ou secondes) est une relation de possibilité et dépourvue de déterminisme complet. Ces dernières causes apportent seulement la possibilité d'existence à l'effet, non pas sa nécessité.

Le monde de l'existence, dans sa totalité, est donc régi par la nécessité, parce que chacune de ses parties, par le fait même de sa venue à l'existence, est en relation nécessaire avec sa cause parfaite. Sa structure est formée de séries d'événements nécessaires et certains. Pourtant la contingence est sauvegardée dans ses parties si nous considérons chaque partie séparément et en elle-même dans les phénomènes reliés à des causes secondes distinctes de leur cause parfaite.

Le Coran désigne ce règne de la nécessité par le terme de «divine Destinée» (Qadà), car cette nécessité découle de cette source qui donne l'existence au monde et constitue donc un ordre (hukm) et un «Décret divin» certain et impossible à modifier. II est fondé sur la justice et n'admet aucune exception ni discrimination. Dieu Très puissant a dit: «La création et l'ordre ne Lui appartiennent-ils pas? » (Coran VII, 54) et : « Quand il décrète (qadâ) une chose, II lui dit: «Sois!» et elle est» (Coran II, 117) et encore: «Dieu décrète, nul ne peut faire obstacle à son jugement» (Coran XIII, 41).

b- Chaque partie de la cause fournit la mesure appropriée et le «modèle» pour l'efet, et la manifestation de l'effet est en accord avec l'ensemble des mesures déterminées pour lui par la cause parfaite. Par exemple, les causes qui rendent la respiration possible pour l’homme ne causent pas la respiration dans un sens absolu et inconditionné, mais envoient une certaine quantité d'air dans la bouche et le nez et, par les voies respiratoires, jusqu'aux poumons, en un temps déterminé et selon un mode particulier. De même, les causes de la vision de l’homme ( incluant l'homme lui-même ) ne provoquent pas la vision en tant que telle, sans limites ni conditions, mais bien une vision au moyens d'organes et de conditions, limitée et mesurée sous tous les rapports. Cette vérité se retrouve sans exception dans tous les phénomènes de l'univers et dans tous les événements qui s'y déroulent.

Le Coran désigne cet aspect de la vérité par le terme de «Providence» (Qadar) et le relie à Dieu, origine de la création : « Nous avons créé toute chose d'après un décretn » (Coran LIV, 49) et: « 11 n'est rien dont Nous n'ayons des réserves. Nous ne les faisons descendre que d'après une mesure déterminée »(CoranXV,21).(6)

De même que, selon la destinée divine, l'existence de chaque phénomène et événement dans l'ordre cosmique est nécessaire et ne peut être évitée, de même, selon la Providence, chaque phénomène et événement ne franchira ni ne désobéira jamais à la mesure que Dieu lui a assignée.

9)- L 'homme et le libre arbitre (ikhtiyâr)

L'action que niomme accomplit constitue un des phénomènes du monde de la création et sa manifestation dépend entièrement, comme tout autre phénomène, de sa cause. Et puisque l’homme est une partie du monde de la création et possède une relation ontologique avec d'autre parties du cosmos, nous ne pouvons accepter les prémisses selon lesquelles ces autres parties du cosmos ne devraient pas influer sur ses actions.

Par exemple, quand un homme mange un morceau de pain, il a besoin non seulement d'instruments tels que ses mains, ses pieds, sa bouche, son savoir, sa puissance et son vouloir, mais également de l'existence du pain dans le monde extérieur, de sa disponiblité, de l'absence d'obstacles et d'autres conditions spatio-temporelles. Si une seule de ses causes faisait défaut, l'action ne serait pas possible. Par contre, avec l'actualisation de toutes les causes (la cause parfaite) la manifestation de l'action devient totalement nécessaire. La nécessité de l'action par rapport à toutes les parties de la cause parfaite, n'est pas en contradiction avec sa contingence par rapport à l'homme qui ne constitue lui-même qu'une partie de la cause parfaite. L'homme dispose du libre arbitre (ikhtiyâr) pour accomplir l'acte. La nécessité existant dans la relation entre Faction et toutes les parttes de la cause ne signifie point que la relation entre l'action et quelques-unes des parties de la cause, dont l’homme est du nombre doive également être nécessaire et déterminée.

La compréhension spontanée et sincère de l'homme confirme par ailleurs ce point de vue, car nous voyons que les gens, de par la nature et l'intelligence que Dieu leur a données, font la distinction entre des choses comme manger, boire, aller et venir d'une part, et d'autre part, entre des choses comme la santé et la maladie, la vieillesse et la jeunesse ou la taille du corps. Le premier groupe de choses est rapporté directement à la volonté de l'homme, et considéré comme accompli selon le libre choix de l'individu, de sorte que les gens ordonnent ou interdisent, blâment ou condamnent ces choses. Par rapport au second groupe, l'homme n'a aucune devoir et ne se trouve sous aucun Ordre Divin parce qu'il ne peut exercer un libre choix sur des choses.

Au début de l'Islam, il y avait deux écoles parmi les sunnites qui se préoccupajent de l'action humaine. Un groupe soutenait que l'action humaine est le résultat de la volonté inviolable de Dieu considérant l'homme comme déterminé dans ses actions et le libre vouloir humain comme un non sens. L'autre groupe soutenait que l'homme était indépendant dans ses actions, lesquelles étaient indépendantes du Vouloir Divin, et se trouvait en dehors de la Providence (Qadar).

Mais selon l'enseignement de la famille du Prophète, en conformité avec les instructions littérales du Coran, l’hiomme est libre (mukhtâr) dans ses actions mais non indépendant (mustaqil). Bien plutôt, Dieu tout-puissant à travers le don du libre arbitre, a voulu l'acte.

Selon notre précédente analyse. Dieu a voulu l'acte et l'a rendu nécessaire à travers toutes les parties de la cause parfaite, dont l'une est la volonté et le libre choix de l'homme. A la suite de cette sorte de vouloir Divin, l'action est nécessaire bien que l'homme y jouisse de son libre arbitre; c'est-à-dire que l'action est nécessaire par rapport à toutes les parties de sa cause, mais contingente et libre par rapport à une de ses parties qui est l’homme. Le sixième Imam a dit: «Ce n'est ni la détermination, ni le libre arbitre, mais quelque chose entre les deux ».

Les cinquième et sixième Imams ont dit : « Dieu aime tant sa création qu'Il ne la contraint pas à commettre le péché pour ensuite la punir. Et Dieu esl si puissant que tout ce qu'Il ordonne vient l'êtres.

De même le sixième Imam a dit : « Dieu est si généreux qu'Il n'exige pas des hommes qu'ils fassent ce qui n'est pas en leur pouvoir. II est si puissant que rien ne vient à l'être en son Royaume qu'Il n'ait voulu ». (ceci est une allusion aux deux écoles de la prédestination et du libre arbitre). (Bihar-al Anwâr, vol. III.. pp. 5,6, 15).

Notes du chapitre VI :

1)- Dans le Coran, référence est faite à ce raisonnement dans le verset «Est-il un doute à l'égard d'Allah, Créateur des cieux et de la terre» (CoranXIV, 10).

2)- Note de l'éditeur: c'est à nouveau en référence au verset : Nous leur ferons voir des signes... Les phénomènes de la nature et les réalités dans l'âme humaine sont tous deux des signes de Dieu.

3)- « I1 y a vraiment, pour les croyants, des signes dans les cieux et sur la terre. Dans votre propre création et dans les animaux que Dieu multiplie, il y a des signes pour un peuple qui croit fermement. Dans la succession de la nuit et du jour, dans l'eau nourricière que Dieu fait tomber du ciel, et grâce à laquelle II fait revivre la terre après sa mort; dans le déchafnement des vents, il y a des signes pour un peuple qui comprend.

Voici les versets de Dieu que Nous te communiquons en toute vénté. Après les versets de Dieu en quel discours et en quels signes croient-ils donc?» (CoranXLV, 3,4,5,6).

4)- Le sixième Imam a dit: « Dieu savait depuis toujours dans son Essence quand il n'y avait rien à connaitre et II était puissant alors qu'il n'y avait rien où II pouvait exercer son pouvoir ». Le rapporteur de la Tradition raconte : « Je demandais : et II avait la parole ». II répondit: « Le Verbe (Kalâm) a été créé. Dieu était et n'avait pas de parole. Alors II créa et fit apparaitre le verbe (K.alâm) ». Bihâr al-anwâr, vol.II, p. 147.

Le huitième Imam a dit: « La volonté provient de l'existence interne des gens, et après elle, vient l'action. Dans le cas de Dieu, il n'existe seulement que Son acte de faire naitre, car contrairement à nous, Dieu ne possède ni intention, ni but ni pensée déductive ». Bihâr al-awâr, vol.II, p. 114.

5)- Note de l'éditeur: II n'est pas besoin de dire que cette assertion est vraie qu'il y ait ou non stricte causalité au niveau microphysique parce que, sur le plan macro-physique, la stricte causalité est observée et est de la plus grande importance pour la compréhension de la nature à ce niveau d'existence. La causalité domine également de plus hauts niveaux d'existence que le corporel.

6)- Le sixième Imam a dit: « Quand Dieu, l'Exalté, veut une chose, II l'a prédestine, et quand cela est fait, il l'a décrète et quand II l'a décrétée, il l'exécute et la réalise ». Bihâr al-anwâr, vol.III, p. 34.

CHAPITRE VII

DE LA PROPHÉTOLOGIE

1- Vers le but : La direction générale (Le gouvernement divin)

Un grain de blé mis en terre dans des conditions appropriées, commence à pousser et à se développer en prenant à chaque instant des formes et des états nouveaux. II suit cette voie selon un processu particulier, jusqu'à devenir une plante mûre portant des épis. Si de nouveau l'un des grains tombe à terre, il recommence le cycle précédent jusqu'au terme. De mêmet si la graine est celle d'un fruit jeté en terre, elle commencera aussitôt sa transformation, brisant son écorce, de laquelle jaillira une tige verte. Elle poursuit une course précise jusqu'à devenir un arbre, vert reeouvert de fruits. S'il s'agit du sperme d'un animal, il commence à se développer dans l'œuf ou dans la matrice de la mère, selon la ligne de développement particulière à cet animal,jusqu'à devenirun individu parfait de cette espèce animale.

Ce développement particulier et ordonné peut être observé dans chaque espèce de créature de ce monde et il est déterminé par la nature interne de cette espèce. L'épi de blé qui a poussé à partir du grain ne donnera jamais de l’avoine ni ne deviendra un mouton, une chèvre ou un éléphant, et un animal fécondé par un mâle ne donnera jamais des épis de blé ou un arbre. Même si une imperfection survenait dans les organes ou les fonctionsnaturelles d'un nouveauné, ou si un agneau venait à naitre sans yeux, ou encore si une pousse de blé se développait sans épi, nous ne douterions pas que cet accident est dû à quelque maladie ou incident ou à des causes non naturelles. L'ordre et la régularité continus dans le développement et la génération des êtres, et l'appartenance de chaque espèce à un ordre et à une loi particulière pour sa génération constitue un fait indéniable.

De cette thèse évidente, deux conclusions peuvent être tirées:

1- Dans les différentes étapes que chaque espèce de créature traverse depuis le début jusqu'à la fin de son existence, il y a continuité et enchainement; comme si cette espèce était à chaque étape de son développement poussée et attirée par l'étape suivante.

2- Du fait de la continuité et de l'enchainement signalés plus haut, la dernière étape du développement de chaque espèce est dès le début de sa génération le but et le terme de la « tension existentielle » de cette espèce.

Par exemple, la noix qui fait surgir une pousse verte de dessous la terre, est dès ce moment-là tendue vers un noyer adulte. De même un sperme tozoide dans un œuf ou une matrice est dès le moment de sa génération en marche vers l'état de l'animal accompli.

Le Coran, qui enseigne que la création et la préservation des choses appartiennent absolument à Dieu, considère que ce mouvement et cette attraction, dont le développement de chaque espèce créé est porteur, émane du gouvernement divin. Comme Dieu le dit : « Notre Seigneur est celui qui a donné forme à chaque chose et l'a ensuite dirigée » (Coran XX, 50). Ou encore : « Qui a créé et agencé; qui a mesuré puis guidé ? » (Coran LXXXVII, 2 - 3). Et Dieu se réfère au résultat de ces paroles en ces mots : « A chacun une direction vers laquelle il se tourne », (Coran II, 148). Ou encore : « Ce n'est pas pour nous divertir que nous avons créé les cieux, la terre et ce qui est entre les deux. C'est en toute Vérité que nous les avons créés, mais la plupart des hommes ne savent pas » (Coran XLFV, 38 -39).

2- La direction particulière

Evidement, l'espèce humaine ne fait pas exception à cette règle générale. La même loi qui s'applique à toutes les espèces de créatures régit également l'homme. De même que chaque espèce, par sa nature particulirèe tend vers sa perfection et est dirigée vers elle, de même l'homme doit être guidé à l'aide de cette direction vers ce qui constitue sa perfection réelle.

Bien que l'homme partage plusieurs éléments avec d'autres espèces d'animaux et de plantes, la caractéristique spéciale qui le distingue est l'intellect (1). C'est à l'aide de l'intellect et de sa raison que l’homme est en mesure de penser et d'utiliser tous les moyens possibles pour son propre bénéfice, de

voler dans les espaces illimités du ciel, de se mouvoir dans les profondeurs de la mer, ou de mettre à son service toutes sortes de choses créées, qu'elles soient minérales, végétales ou animales, et même de tirer bénéfice autant que possible des membres de sa propre espèce.

De par sa nature primordiale, l'homme voit son bonheur et sa perfection dans l'acquisition de la liberté complète. Pourtant, il doit nécessairement sacrifier une partie de sa liberté car il est créé en tant qu'être social et rencontre de nombreuses sollicitations auxquelles il ne peut jamais satisfaire par lui-même, et aussi parce qu'il se trouve en relation avec d'autres membres de son espèce qui possédent eux-mêmes le même instinct d'égocentrisme et d'amour de la liberté. Puisqu'il tire bénéfice des autres, il doit à son tour leur être utile. II doit donner par son propre travail l'équivalent de ce qu'il récolte du labeur des autres. Ou, en bref, il doit nécessairement accepter une société basée sur la coopération mutuelle. Ceci est clair dans les cas des nouveaux-nés et des enfants. Au début, lorsqu'ils désirent quelque chose, ils n'ont recours qu'à la force et aux pleurs, refusant toute contrainte et toute discipline. Mais progressivement, à la suite de leur développement mental, ils réalisent que l'on ne peut résoudre les problèmes de la vie seulement par la rebellion et la force; par conséquent, ils approchent lentement de la condition d'être social. Finalement ils atteignent l'âge où ils deviennt des individus sociaux pourvus de pouvoirs mentaux développés et sont prèts à obéir aux règles sociales de leur environnement.

Quand l’homme en vient à accepter la nécessité de la coopération mutuelle parmi les membres de la société, il reconnait de même la nécessité des lois pour gouverner la société, clarifiant la tâche de chaque individu et spécifiant le châtiment de chaque transgresseur. II accepte les lois par lesquelles chaque individu dans la société peut réaliser son véritable bonheur, à la mesure de la valeur sociale de ses efforts. Ces lois sont les mêmes lois universelles que l’homme, depuis son apparition jusqu'à ce jour, a constamment cherchées et vers lesquelles il a toujours été attiré comme vers le premier de tous ses désirs. Si ce but n'était pas possible à atteindre et n'était pas écrit sur la tablette de la destinée humaine, cela n'aurait pu être le désir permanent de l'homme (2).

Dieu, exalté soit-Il, a fait référence à cette réalité de la société humaine, en disant : « C'est nous qui avons réparti entre eux leur subsistance, dans la vie présente, et les avons élevés en degré les uns au-dessus des autres, afin que les uns prennent les autres à leur service » (Coran XLIII, 32) (3). Au sujet de l'égoisme de l’homme et de son désir de monopoliser les choses pour lui-même, II dit : « L’homme a été créé versatile; pusillanime quand le malheur le touche, et violent quand il est dans la prospérité » (Coran LXX, 19 -20) (9).

3- La raison (l’intellect) et la loi

Si nous abservons les choses avec attention, nous découvrirons que l’homme recherche constamment ces lois qui peuvent lui assurer le bonheur dans le monde, et que les gens, tant individuellement que collectivement, et conformèment à leur nature reçue de Dieu, reconnaissent la nécessité de lois qui leur procurent la félicité, sans discrimination ni exception, lois qui établissent une norme générale de perfection dans l’humanité. Manifestement, durant les différentes périodes de l'histoire humaine.jusqu'à ce jour on n'a pas vu apparaitre de telles lois promulguées par la raison humaine. Si les lois de l'existence avaient placé le fardeau de la création de telles lois humaines sur les épaules de la raison humaine, il est certain qu'au cours de la longue période de l’histoire de telles lois auraient vue le jour. Dans ce cas chaque individu doué de raison comprendrait dans le détail cette loi humaine, de la même qu'il réalise la nécessité de telles lois dans la société.

En d'autres termes, s'il avait été dans la nautre même des choses que la raison humaine dût créer une loi commune parfaite procurant le bonheur de la société humaine, et que l’homme fût guidé vers cette loi parfaite au moyen du processus de création et, de génération du monde lui-même, alors de telles lois auraient été appréhendées par chaque être humain au moyen de sa raison, de la même manière qu'il sait ce qui, dans la vie quotidienne, est à son avantage ou à son détriment. II n'existe cependant aucun signe de la présence de telles lois. Les lois qui sont apparues d'elles-mêmes ou ont été promulguées par une unique autorité, par des individualités ou des nations, et qui ont prévalu en différentes sociétés, sont considérées par quelques-uns comme certaines, par d'autres comme douteuses. Certains sont conscients de ces lois, d'autres les ignorent. II n'est jamais arrivé que tous les hommes, identiques dans leur structure fondamentale, en ce qu'ils sont pourvus par Dieu de raison, aient eu une conscience commune des détails des lois qui peuvent procurer le bonheur dans le monde humaine.

4- Cette conscience et cette mystérieuse sagesse nommées « Révélation »

A la lumière de la discussion précédente, il apparait clairement que les lois pouvant garantir le bonheur de la société humaine ne peuvent être perçues par la raison. Puisque selon la thèse du gouvernement général (hidâyat-e oumurru) de la création, l'existence d'une conscience de ces lois dans l'espèce humaine s'avère nécessaire, il doit y avoir une autre faculté dans l'espèce humaine permettant à l’homme de comprendre les véritables devoirs de la vie et mettant cette connaissance à la portée de chacun. Cette connaissance et cette puissance de perception, différente de la raison et des sens, est appelée «conscience prophétique» ou «conscience de la révélation».

Certes, la présence d'un tel pouvoir dans l’humanité ne signifie pas qu'il doive nécessairement apparaitre chez tous les individus, de la même manière que le pouvoir de procréer, bien que donné à tous les êtres humains, n'est possible que pour ceux qui ont atteint l'âge de la puberté.

La «conscience de la révélation» est une forme de conscience mystérieuse et inconnue pour ceux qui ne la possèdent pas, de la même manière que la sensation de la joie de l'union sexuelle est une sensation mystérieuse et inconnue pour ceux qui n'ont pas atteint l'âge de la puberté.

Dieu, exalte soit-Il, se réfère à la révélation de Sa Loi Divine (Shari'ah) et à l'inaptitude de la raison humaine à comprendre cette matière dans les versets suivants :

« Nous t'avons fait une révélation comme nous avons fait une révélation à Noé et aux Prophètes venus après lui... à des Prophètes annonciateurs et avertisseurs afin qu'après la vennue des Prophètes, les hommes n'aient aucun argument à opposer à Dieu » (Coran IV, 163-165).

5- Les Prophètes et l'infaillibilité de la prophétie

L'apparition des Prophètes confirme la conception de la révélation esquissée plus haut. Les Prophètes de Dieu furent des hommes qui propagèrent l'appel de la révélation et de la prophétie et fournissent des preuves définitves de leur appel. Ils répandirent parmi les hommes les éléments de la religion de Dieu (qui est la même loi divine garantissant le bonheur) et la rendirent accessible à tous les hommes.

Depuis toujours le nombre de personnes douées du pouvoir de prophétie et de révélation a été limité à quelques uns, Dieu ayant mené à sa perfection la conduite du reste de l'humanité en plaçant la mission de la diffusion de la religion sur les épaules de ses Prophètes. C'est pourquoi un Prophète de Dieu doit posséder la qualité d'infaillibilité (ismah). En recevant la révélation de Dieu, en la gardant, puis en la rendant accessible aux hommes, il doit être préservé de l'erreur. II ne doit commettre aucun péché (masyah). La réception de la révélation, la préservation et sa propagation constituent trois principes du gouvernement ontologique; or l'erreur, au plan ontologique n'a aucun sens. De plus, le péché et l'opposition aux contenus de l'appel religieux et à sa propagation sont impossibles pour un Prophète, car ils seraient contraire à la mission religieuse originelle; ils détruiraient la confïance des gens, leur confiance dans la vérité et la validité de l'appel. II en résulterait la destruction du but même de l'appel religieux.

Dieu confirme l'infaillibilité des prophètes en disant : « Nous les avons choisis et nous les avons guidés sur une voie droite » (Coran VI, 87) et encore : « (Dieu) connait parfaitement le mystère; mais IL ne dévoile à personne le secret de son mystère, sauf à celui qu'Il agrée comme Prophète, II le fait précéder et suivre d'une garde vigilante, pour savoir si les Prophètes transmettent les messages de leur Seigneur » (Coran LXXII, 26 - 28).

6- Les Prophètes et la religion révélée

Ce que les Prophètes de Dieu reçurent par révélation comme un message de Dieu et transmirent à l'humanité, était la religion (DIN) (4), c'est-à-dire la manière de vivre et les devoirs humains qui garantissent le bonheur réel de l'homme.

La religion révélée consiste de manière générale en deux parties : la doctrine et la pratique (ou méthode), l.a partie doctrinale de la religion révélée consiste en une série de principes fondamentaux relatifs à la nature réelle des choses sur lesquelles l’homme doit établir les fondements de sa vie. Elle se compose des trois principes généraux de l'Unicité (tawhid), de la Prophétie (nubuwat) et de l'Eschatologie (maâd). S'il y a quelque désordre ou confusion dans la conception de l’un de ces principes, la religion ne peut plus être pratiquée.

La partie pratique de la religion révélée consiste en une série de commandements éthiques et pratiques concernant d'une part les devoirs de l’homme vis-à-vis de Dieu, et d'autre part, ses devoirs vis-à-vis de la société. C'est pourquoi les devoirs secondaires ordonnés à l’homme dans diverses lois divines sont de deux sortes : les devoirs moraux (Akhlâq) et les devoirs pratiques (aamâl). La morale et les actions relatives au Divin sont de deux types, telles que : premiérement la qualité de la foi, la sincérité, l'abandon à Dieu, l'acceptation de la volonté divine et l'humilité devant Dieu, et deuxièmement les prières quotidiennes, le jeûne et le sacrifice (nommés actes d'adoration -ibâdât- symbolisent l’humilité et le service de l’homme devant le Trône Divin).

La morale et les actions reliées à la société sont également de deux types, tels que premièrement la qualité de l'amour pour autrui, la recherche du bien pour les autres, la justice et la générosité, et deuxièmement le devoir d'établir des relations sociales, de faire du commerce, d'établir des échanges, etc... (nommés transactions). II faut encore prendre en considération le point suivant: puisque l'espèce humaine atteint graduellement sa perfection, et que la société humaine au cours du temps se perfeetionne, un développement parallèle doit également être observé dans l'appantion des lois révélées (5). Le Coran affirme ce développement progressif, que la raison a découvert par ailleurs. On peut conclure de ses versets que chaque Loi divine (shan'ah) est en réalité plus complète que la shari'ah précédente. Par exemple dans ce verset où il dit : « Nous t'avons révélé le Livre et la Vérité, pour confirmer ce qui existait du Livre, avant lui, en le préservant de toute altération» (Coran V,48). Certes, comme le confirment les connaissances scientifiques et les données coraniques, la vie de la société humaine dans ce monde n'est pas éternelle et le développement de l'homme n'est donc pas sans fin. II en résulte que les principes généraux qui gouvernent les devoirs de l’homme du point de vue doctrinal et pratique doivent nécessairement prendre fin à un moment donné. Par conséquent, la prophétie et la shari'ah prennent fin le jour où ils parviennent à l'étape finale de leur développement, en parachevant la doctrine et l'établissement des règles pratiques. C'est pourquoi le Coran, pour manifester que l'Islam est la dernière et la plus complète des religions révélées, se présente comme un livre sacré qui ne peut être abrogé, nomme le Prophète « Le Sceau des Prophètes » et regarde la religion islamique comme englobant tous les devoirs religieux. Comme Dieu le dit : « Voici, cependant, un livre précieux. L'erreur ne s'y glisse de nulle part » (Coran XLI,41 -42). « Mohammad n'est le père d'aucun homme parmi vous, mais il est le Prophète de Dieu » (Coran XXXIII, 40). Et encore : « Nous avons fait descendre le Livre sur toi, comme un éclaircissement de toute chose » (Coran XVI, 89).

7- Les Prophètes et la Preuve de la Révélation et de la Prophétie

Plusieurs érudits modernes, réfléchissant sur le problème de la révélation et de la prophétie, ont essayé d'expliquer la révélation, la prophétie et les questions s'y rapportant par les principes de la psychologie sociale. Ils prétendent que les Prophètes de Dieu avaient une nature pure et une forte volonté, et étaient doués d'un grand amour pour I’humanité. Afin de faire progresser l’humanité, spirituellement et matériellement, et afin de réformer les sociétés décadentes, ils établirent des lois et des règles, et invitèrent l'humanité à s'y soumettre. Comme les gens de ces époques n'admettaient pas la logique de la raison humaine, pour les faire obéir, les Prophètes prétendirent, - toujours selon ces érudits mqdernes - qu'eux-mêmes et leurs idées venaient du monde transcendant. Chaque prophète appela sa propre âme, qui était pure, le Saint-Esprit; les enseignements qu'ils prétendaient tenix du monde transcendant furent nommés « révélation et prophétie ». Les devoirs qui découlaient de ces enseignements furent dénommés «loi révélée » (shari'ah) et le texte écrit de ces enseignements et de ces devoirs fut désigné par l'expression « Livre révélé ».

Quiconque examine avec sérieux et impartialité les livres révélés, et surtout le Coran. de même que les vies des Prophètes, ne doutera pas de l'erreur de cette opinion. Les Prophètes de Dieu n'étaient pas des hommes politiques. Ils étaient plutôt des « hommes de Dieu », remplis de Véracité et de Pureté. Ce qn'ils percevaient, ils le proclamaient sans y ajouter ni retrancher quoique ce soit. Ils agissaient en conséquence de ce qu'ils proclamaient. Mais ils prétendaient bien posséder une conscience mystérieuse dont le monde invisible les avait investis. En conséquence de quoi ils apprirent de Dieu même en quoi consistaient les devoirs des hommes, aussi bien sur le plan doctrinal que pratique, et ils répandirent cette connaissance parmi les hommes.

II est clair que pour affirmer et confirmer l'appel prophétique, il faut des preuves. Le simple fait que la «shari'ah» apportée par un Prophète soit conforme à la raison n'est pas suffisant pour déterminer la véracité de l'appel prophétique.

Un homme, qui prétend être Prophète, revendique, outre la vérité de sa Loi (shari'ah), l'authenticité de sa relation avec le monde transcendant par la révélation et la prophétie, et prétend par conséquent avoir été envoyé en mission par Dieu pour propager la foi. Cette prétention requiert une preuve. C'est pourquoi (comme nous le dit le Coran) le commun du peuple, avec sa mentalité simple, demande toujours des miracles aux Prophètes de Dieu afin que l'authenticité de leur appel puisse être confirmée. Le sens de cette logique simple et exacte est que la révélation dont le Prophète se prétend détenteur, ne peut se retrouver chez d'autres êtres humains. C'est nécessairement un pouvoir invisible dont Dieu investit miraculeusement ses Prophètes, par lequel ils entendent Sa parole et sont envoyés en mission pour transmettre celle-ci à l’humanité. Si cela est vrai, alors le Prophète doit demander à Dieu un autre miracle pour que les gens acceptent l'authenticité de son appel prophétique. La demande de miracles adressée aux Prophètes est donc légitime et il revient au Prophète de Dieu d'accomplir un miracle au début de sa vocation, ou, à la demande du peuple, pour prouver sa prophétie.

Le Coran a confiritié cette logique, relatant des miracles de plusieurs Prophètes, au début de leur mission, ou après que leurs fïdèles les leur aient demandés.

Bien sûr, beaucoup de savants modernes ont nié les miracles, mais leurs opinions n'ont pas de fondement satisfaisant. II n'y a aucune raison de croire que les causes des événements découvertes jusqu'à ce jour par la science soient permanentes et immuables, ni qu'aucun événement ne se réalise pour des raisons autres que celles qui habituellement en sont à l'origine. Les miracles rapportés au sujet des Prophètes de Dieu ne sont pas impossibles ni contraires à la raison (comme l'est par exemple, l’affirmation selon laquelle le chiffre trois serait pair). Ils constituent plutôt une « rupture de l'habitude », (kharq-i âdat) (6) un événement qui, de fait, a souvent été observé à un degré moindre chez les ascètes.

8- Le nombre des prophétes de Dieu

On sait par la tradition que de noinbreux Prophètes apparurent dans le passé, et le Coran confirme leur grand nombre. II en a mentionné certains par leur nom et leurs caractéristiques, mais il n'a pas donné lcur nombre exact. On n'a pas pu déterminer leur nombre au moyen des « hadiths » fermement établis, sauf dans le célèbre hadith du Prophéte Mohammad rapporté par Abu Dharr Ghifâri selon lequel leur nombre est de 124.000.

9- Les Prophètes qui ont reçu la révélation d 'une Loi divine (shari'ah)

On peut déduire du Coran que tous les Prophètes de Dieu ne révélèrent pas une Loi divine. Mais cinq d'entre eux : Noé, Abraham, Moise, Jésus et le Prophète Mohammad, « doués de ferme résolution » (üluerazm), ont apporté une Loi (shari'ah). D'autres prophétes suivent la Loi de ceux qui sont « doués de ferme résolution ». Dieu dit dans le Coran : « II a établi pour vous, en fait d'obligations religieuses, ce qu'Il avait prescrit à Noé;ce que Nous te révèlons et ce que Nous avions prescrit à Abraham, à Moise et à Jésus» (Coran XLII, 13). « Lorsque Nous avons conclu l'alliance avec les Prophètes, - et avec toi -avec Noé, Abraham, Moise et Jésus, fils de Marie; Nous avons conciu avec eux une alliance solennelle » (Coran, XXXIII, 7)

10- La prophétie de Mohammad

Le dernier Prophète de Dieu est Mohammad - sur lui la paix et le salut -qui posséde un Livre et une Loi en qui les musulmans ont placé leur foi. Le Prophète est né cinquante-trois ans avant le début du calendrier de l'Hégire, (7) à la Mecque dans le Hidjâz au sein de la famille des Bani-Hashim de la tribu de Quraych, considérée comme la plus honorable des familles arabes.

Son père s'appelait Abdallâh et sa mére Aminah. II perdit ses parents encore enfant et fut placé sous la tutelle de son grand père paternel) Abd al Muttalib, qui ne tarda pas à mourir lui aussi. Alors, l'oncle du Prophète, Abu Tâlib, le prit en charge et devint son tuteur. Le Prophète grandit dans la maison de son oncle et, avant même son adolescence, avait l'habitude de l'accompagner dans les voyages en caravane.

Le Prophète n'avait reçu aucune instruction et ne savait ni lire ni écrire. Pourtant, après avoir atteint la maturité, il devint célèbre pour sa sagesse. sa courtoisie et sa loyauté. A cause de sa sagacité et son honéteté une des femmes de la tribu de Qoraych; bien connue pour sa richesse, l'engagea comme gérant de ses biens et lui confia la tâche de mener ses affaires commerciales.

Le Prophète fit un voyage à Damas pour vendre les marchandises de cette femme et, grâce a l'habileté dont il fit preuvc. réalisa un grand profit. Peu après, la femme demanda à devenir son épouse et le Prophète accepta sa proposition. Après le mariage, qui eut lieu dans sa vingt-cinquième année, le Prophète géra les biens de sa femme, jusqu'à l'âge de quarante ans, consolidant sa réputation de sagesse et d'homme de confiance. Toutefois,il refusa d'adorer les idoles, pratique courante des Arabes du Hidjâz. II faisait parfois des retraites spirituelles (khalwah) pendant lesquelles il priait et s'entretenait secrètement avec Dieu.

A l'âge de quarante ans, alors qu'il se trouvait en retraite spirituelle au creux de la grotte de Hirâ dans les montagnes de la région de Tihâmah, près de la Mecque, il fut choisi par Dieu comme Prophète et reçut la mission de propager la nouvelle religion. A ce moment-là, le premier chapitre du Coran «Le caillot de sang» (Surat-ul Alaq XCVI) lui fut révélé.

Ce même jour, il retourna chez lui, et, en chemin, rencontra son cousin, Ali Ibn Abi Talib, lequel, après avoir entendu le récit du Mohammad eut foi en lui. Quand le Prophète rentra chez lui et parla de la révélation à sa femme, celle-ci accepta également l'Islam.

La première fois que le Prophète invita les gens à accepter son message, il eut à faire face à des réactions décourageantes et douloureuses. II fut obligé de propager son message en secret pendant quelque temps jusqu'à ce qu'il reçoive l'ordre de Dieu d'inviter ses proches parents à accepter le message. Mais cet appel resta également sans effet et nul n'y prêta attention, sauf Ali Ibn Abi Tâlib. Mais selon des documents transmis par la famille du Prophète et de longs poêmes composés par Abu Tâlib les shi'ites croient que celui-ci avait également embrassé l'Islam. Toutefois, étant le seul protecteur du Prophète, il cacha sa foi au peuple afin de préserver l'autorité publique dont il jouissait auprès des qoraychites.

Après cette période, et sur ordre divin, le Prophète commença à prêcher ouvertement. Avec le début de la propagation publique les gens de la Mecque réagirent plus sévèrement et infligèrent les plus grandes vexations et tortures au Prophète et aux personnes nouvellement converties à l'Islam. Le traitement sévère infligé par les qoraychites atteignit un tel degré qu'un groupe de musulmans dut quitter leurs maisons et leurs biens et émigrer en Abyssinie. Le Prophète et son oncle Abu Tâlib, ainsi que leurs proches parents des Bani Hâchim, prirent refuge pendant trois ans dans « le passage montagneux de Abu Tâlib », un fortin dans une des vallées de la Mecque. Personne n'avait de contact avec eux et ils n'osèrent pas quitter leur refuge.

Les idolâtres de la Mecque, après avoir infligé au Prophète toutes sortes de pressions et de torutures, telles que des coups,des blessures,des insultes,des moqueries et de diffamations, manifestèrent à Poccasion de la courtoisie envers lui, dans le but de le détourner de sa mission. Ils lui promirent de grandes sommes d'argent ou le pouvoir et le gouvernement de la tribu. Mais

leurs promesses et lenrs menaces eurent pour effet d'intensifier la volonté du Prophète et sa détermination dans accomplissement de sa mission.

Alors qu'ils vinrent un jour voir le Prophète, lui promettant richesse et puissance, ce dernier, utilisant le langage métaphorique, leur répondit, que, quand bien même ils placeraient le soleil dans la paume de sa main droite et la lune dans la paume de sa main gauche, lui-même ne se détoumerait pas de l'obéissance au Dieu unique ni ne renoncerait à accomplir sa mission.

Vers la dixième année de sa prophétie, quand le Prophète eut quitté « le passage montagneux de Abu Tâlib » son oncle Abu Tâlib qui était aussi son seul protecteur, mourut. II perdit aussi la même année sa femme dévouée. A ce moment-là il n'eut plus ni protection ni lieu de refuge. Finalement les paièns de la Mecque mirent sur pied un plan secret pour le tuer. La nuit tombée, ils encerclèrent sa maison dans le but d'y pénêtrer à l'aube et de le tuer dans son lit.

Mais Dieu Tout-puissant l'informa du plan et lui ordonna de partir pour Yathrib. Le Prophète coucha Ali à sa place, dans son lit, et quitta le demeure pendant la nuit sous la protection divine. Il passa entre ses ennemis et se réfugia dans une grotte près de la Mecque. Après trois jours, quand ses ennemis, l'ayant cherché partout, abandonnèrent l'espoir de la capturer et retounnèrent à la Mecque, il quitta la grotte et se mit en route pour Yathrib.

Les gens de Yathrib, dont les chefs avaient déjà accepté le message du Prophète et prêté serment d'allégeance, l'acceuillirent à bras ouverts et mirent leurs vies et leurs biens à sa disposition.

A Yathrib, pour la première fois, le Prophète forma une petite communauté islamique. II signa des traités avec les tribus juives qui se trouvaient dans la cité et aux alentours, ainsi qu'avec les puissantes tribus arabes de la région. II entreprit la tâche de propager le message islamique et Yathrib devint célèbre en tant que «Madinat-al-rasoul» (la cité du Prophète), appelée Médine par abréviation.

L'Islam commença à grandir et à se répandre de jour en jour. Les musulmans qui, à la Mecque, étaient injustement traités par l'oligarchie qoraychite, quittèrent progressivement la Mecque et émigrèrent à Médine, pour être près du Prophète. Ce groupe fut connu sous le nom d'« Emigrès » (muhâdjirûn), alors que ceux qui avaient aidé le Prophète à Yathrib prirent le nom d'«Auxi-liaires » (ansâr).

L'Islam avangait rapidement, bien que les paièns qoraychites et les tribus juives du Hidjâz fissent tout pour retarder sa progression. A l'aide des «Hypocrites» (munâfiqûn) de Médine qui s'étaient infiltrés dans les rangsde la communauté musulmane, sans qu'ils eussent une position précise, ils harcelérent sans cesse les musulmans jusqu'à ce que, finalement, on en vint à la guerre.

Plusieurs batailles eurent lieu entre les musulmans d'une part. les polythéistes arabes et les juifs d'autre part, d'où les musulmans sortirent souvent vainqueurs. II y eut en tout plus de quatre-vingt batailles grandes ou petites. Dans tous les conflits majeurs tels que ceux de Badr, Ohod, Khandaq. Khaybar. Hunayn. etc... le Prophète était présent en personne sur le champ de bataille. De même que dans toutes les batailles importantes et dans plusieurr conflits mineurs, la victoire fut tout particulièrement due aux efforts d'Ali. Il fut la seule personne à ne jamais reculer devant aucune de ces batailles. Dans tous les combats qui eurent lieu durant les dix années ayant suivi l'émigration de la Mecque à Médine, moins de deux cents musulmans et moins d'un millier d'infidèles furent tués.

Grace a l’activité intense du Prophète et à l’abnégation des muhâdjirûn et des ansâr pendant cette période de dix années, l'Islam se répandit rapidement dans la péninsule arabe. On écrivit également des lettres aux rois d'autres contrées telles que la Perse, Byzance et l'Abyssinie. les invjtant à embrasser l'Islam. Pendant ce temps, le Prophète vécut humblement et en était fier (8). Jamais il n'avait passé un moment de son temps en futilités. Bien plutot il divisait son activité en trois parties : une partie était consacrée à Dieu, pour l'adorer en se souvenir de Lui; une seconde partie était réservee à lui-meme à sa famille et à ses besoins domestiques, et une troisième était consacrée au peuple. II employait cette dernière partie de son temps à la propagation et à l'enseignement de l’islam et de ses sciences. II administrait la société musulmane, éliminant les maux existants, répondant aux besoins des musulmans et renforçant les liens intérieurs et extérieurs.

Après dix années passées à Médine, le Prophète tomba malade et mourut après quelques jours de maladie. Selon les traditions qui nous sont parvenues, les derniers mots sortis de ses lévres furent des conseilsau sujet des esclaves et des femmes

11 - Le Prophète et le Coran

On demanda au Prophète, comme on l'avait fait pour les autres Prophètes, qu'il accomplit des miracles. Le Prophète lui-même, ainsi que cela est clairement affirmé dans le Coran, attesta le pouvoir des Prophètes d'accomplir des miracles. Plusieurs de ces miracles ont été rapportés ; la chaine de transmetteurs de certaines de ces traditions est sûre et elles peuvent être acceptées avec confiance. Mais le miracle permanent du Prophète, encore manifeste, est le livre sacré de l'Islam, le Coran. Le Coran est un texte sacré se composant de plus de six mille de versets (ayat) répartis en cent-quatorze chapitres de longueur inégale. Les versets du Coran furent révélés progressivement durant les vingt-trois années de la mission du Prophète. De plus petit verset aux chapitres intégraux, le Coran fut révélé en différentes circonstances, de jour comme nuit, en voyage comme à la maison, en temps de guerre comme en temps de paix, aux jours difficiles aussi bien qu'en temps de repos. Le Coran, en plusieurs de ses versets, se déclare sans ambiguité conune un miracle. II invite les Arabes de l'époque à rivaliser avec lui en composant des écrits d'une véracité et d'une beauté comparables. Les Arabes, selon le témoignage de l'histoire, avaient atteint le plus haut degré d'éloquence et d'élégance du langage, se rangeant, en cette matière, parmi les premiers des peuples de l'époque. Le Coran affirme que si l'on devait le considérer comme une parole humaine, créée par le Prophète lui-même ou apprise de quelqu'un d'autre, alors les Arabes (9) devraient être capables de produire la même chose en dix chapitres semblables, (10) ou seulement un seul de ces chapitres (11) en utilisant tous les moyens possibles dont ils disposaient. Les célèbres orateurs arabes prétendirent, en réponse à ce défi, que le Coran était de la magie et qu'il etait donc impossible pour eux de produire quelque chose de semblable (12).

Non seulement le Coran invite les hommes à rivaliser avec son éloquence, mais il les incite encore à rivaliser avec lui du point de vue du sens et du contenu, défiant ainsi tous les pouvoirs mentaux des hommes et des jinns (13) Car le Coran est un livre contenant un programme total pour la vie humaine (14). Si nous prètons attention à ce point, nous constatons que Dieu a fait en sorte que ce vaste programme, qui embrasse tous les aspects des innombrables croyances, conceptions morales et pratiques de l’humanité, et tient compte de tous leurs détails et particularités, soit la «vérité» (Haq) et soit appelé la «religion du vrai» (din-al Haq). L'lslam est une religion dont les commandements sont fondés sur la vérité et le véritable bonheur d « I’humanité, non sur les désirs ou les inclinations de la majorité des hommes, ou sur les fantaisies d'un seul puissant ou d'un unique gouvernant.

A la base de ce vaste programme se situe la plus chère des paroles divine, qui est la croyance en Son Unicité. Tous les principes et toutes les connaissances sont déduites du principe de l’Unicité (tawn/d). Après cela, les plus religieuses et inelues dans le programme de vie. Puis, les innombrables principes et détails de faction humaine et des conditions individuelles et sociales de l’homme ont passées en revue et les devoirs s'y repportent, qui prennent leur ongine dans l'adoration de l'Unique, sont déterminés et organisés. En lslam, la relation et la continuité entre les principes et leurs applications sont telles que chaque application particulière à quelque matière que ce soit, si elle est ramenée à sa source, renvoie au principe de l'Unicité ou Tawhid, et celle-ci. appliquée et analysée. devient le fondement de la règle particulière en question.

Certes, l'élaboration finale d'une religion si complète et douée d'une telle unité dépasse les pouvoirs ordinaires des meilleures autorités législatrices du monde. Mais, de plus, il s'agit ici d'un homme qui, en un laps de temps très court fut immergé dans d'innombrables difficultés humaines et economiques, aussi bien individuelles que collectives puis engagé dans des batailles sanglantes et confronté à des obstacles intérieurs et extérieurs, seul face au monde entier. Par ailleurs le Prophète n'avait jamais reçu d'instruction ni appris à lire et à écrire (15). Il avait passé les deux tiers de sa vie, avant de devenir Prophète, parmi un peuple qui ne possédait ni culture ni civilisation. Il passa sa vie dans une terre privée d'eau et de végétation, dans un air brûlant au milieu d'un peuple vivant dans des conditions sociales inférieures et dominé par les puissances politiques voisines.

Outre ce qui précède, le Coran défie encore les hommes d'une autre manière (16). Ce livre fut révélé progressivement, pendant une période de vingt-trois ans, dans des conditions totalement différentes les unes des autres. S'il ne venait pas de Dieu mais avait été composé par l’homme, on y remarquerait diverses contradictions et certains contrastes. Sa fin aurait nécessairement été plus parfaite que son début, selon la loi du perfectionnement progressif de l'individu humain. Mais au contraire, les premiers versets mecquois sont de même qualité que les versets médinois et il n'y a aucune différence de style entre le début et la fin du Coran. Le Coran est un livre dont les parties se ressemblent et dont l'imposante puissance d'expression et d'inspiration reste, tout au long du texte, de même style et de même qualité.

Notes du Chapitre VII :

1)- Note de l'éditeur : l'auteur utilise le mot persan «Khirad» qui signifie, comme 'aql, et l'intellect et la raison selon son emploi. Mais il ne signifie certainement pas seulement la raison ou l'acception moderne de l'intellect en tant que synonyme de raison. La signification traditionnelle de l'intellect en tant que faculté d'immédiate perception transcendant la raison, et malgré tout non irrationnel, est inhérente en elle.

2)- Même les plus naifs et les plus irréfléchis des hommes veulent par leur nature d'êtres humains que la société humaine soit telle que tous vivent dans le confort, la paix et la sérénité. Du point de vue philosophique, le besoin, l'amour, l'attirance, l'appétit et choses semblables sont des qualités relatives joignant deux côtés comme celui qui désire et ce qui est désiré, ou bien l'amoureux et l'aimée; II est claire que s'il n'y avait personne à aimer, l'amour n'aurait aucun sens. En fin de compte, tout revient à la compréhension de la signification de l'imperfection. S'il n'y avait pas de perfection, l'imperfection n'aurait aucun sens.

3)- Cela signifie que tout individu est responsable pour une part de vie et qu'il reçoit une partie désignée de vie. Les hommes sont de rangs différents en ce sens que le directeur dirige les ouvriers; le directeur, ses subordonnés; le propriétaire, le locataire ou l'acheteur et le vendeur.

4)- Comme nous l'avons déjà dit, «din» est un mot plus universel en arabe et en persan et pourrait être traduit «religion» seulement si nous l'entendons dans son sens le plus large possible, non comme une chose parmi d'autres, mais comme une manière total de vivre basée sur des principes transcendants ou sur une tradition au vrai sens du mot.

5)- Note de l'éditeur : l'Islam base son argument sur le développement graduel de l’homme et, en conséquence, «perfection» des révélations successives bien que d'un autre point de vue, il considère tous les Prophètes comme égaux. En aucun cas, cet argument ne peut être confondu avec l'évolutionnisme moderne et la croyance en un progrès historique illimité qui est l'exacte antithèse des conceptions islamiques du temps et de l'histoire.

6)- Note de l'éditeur : Le miracle en persan comme en arabe est en fait appelé « Khâriq al-'âdat », c'est-à-dire, ce qui brise la relation habituelle entre les causes et les effets dans ce monde qui, par sa récurrence et sa persistance, nous apparaît comme un réseau fermé inaltérable de causalité. Le miracle représente l'intrusion dans ce monde habituel d'une cause d'un autre monde ou état d'être avec naturellement des effets différents de ceux auxquels nous sommes accoutumés dans notre expérience quotidienne. C'est donc une «cassure des habitudes» ou de ce qui est devenu habituel.

7)- Note de l'éditeur : le calendrier islamique commence avec l'émigration du Prophète de la Mecque à Médine et est pour cela appelé «hégire» du mot arabe hijrah, signifïant émigration.

8)- Dans un célèbre hadith, le Prophète a dit : « La pauvreté (faqr) est ma gloire ». Au sujet de la matière de cette section, voir le Sirah d'Ibn Hishâm, Le Caire, 1355-56; le Sirah d'Halabi, Le Caire, 1320; Bihâr al-anwâr, vol.VI et les autres sources traditionnelles sur la vie du Prophète.

9)- Comme il l'a dit : « Qu'ils produisent un discours semblable, s'ils sont sincéres! » (Coran LII, 34).

10)- Comme II l'a dit : « Diront-ils: il (le Prophète) a forgé cela. Réponds-leur; apportez dix sourates semblables à ceci, forgées (par vous) et appelez (pour cela) qui vous pourrez, en dehors d'Allah, si vous êtes véridiques!» (Coran XI, 13).

11)- Comme II l'a dit : « Diront-ils : « cet homme l'a forgée! Réponds (-leur): apportez une sourate semblable et...» (Coran X, 38).

12)- « Et il a dit : cela n'est que magie apprise! Cela n'est que paroles de mortels! » (Coran LXXIV, 24-25).

13)- Note de l'éditeur : les «jinn» (djinns) dont il est fait allusion dans le Coran, sont traditionnellement interprètés comme des forces consciente, psychiques qui peuplaient le monde avant la Chute d'Adam et qui existent encore sur un plan échappant à la connaissance. Les mots «djinns» et «ins» (genre humain) sont donc utilisés souvent ensemble dans les sources islamiques pour faire allusion à la totalité des créatures conscientes possédant des facultés mentales dans cet Univers.

14)- Et IL a dit: «Dis : certes, si les Humains et les Djinns s'unissaient pour produire une (Révélation) pareille à cette Prédication, ils ne sauraient produire (rien de pareil), fussent-ils les uns pour les autres des auxiliaires » (Coran XVII, 88).

15)- Et Il fait dire par la bouche du Prophète : « Je suis demeuré une vie parmi vous, avant cette Prédication. Eh quoi! ne raisonnerez-vous pas? (Coran X, 16). II dit encore : « Tu ne récitais, avant celle-ci, aucune Ecriture ni n'en tracçais de la main droite» (Coran XXIX, 48) et aussi «Sivous êtes en un doute à l'égard de ce que Nous avons fait descendre sur Notre serviteur, apportez une sourate semblable à ceci et appelez (pour cela) vos témoins en dehors d'Allah, si vous êtes véridiques!» (Coran II, 23).

16)- Et Il a dit : « Eh quoi! n'examinent-ils pas la Prédilection? Si celle-ci venait d'un autre qu'Allah, ils y trouveraient des contradictions nombreuses» (Coran IV, 82).

CHAPITRE VIII

ESCHATOLOGIE

1- L 'homme est esprit et corps.

Ceux qui sont plus ou moins familiarisés avec les sciences islamiques savent que dans les enseignements du livre sacré et des hadiths du Prophète, existent plusieurs références à l'esprit et à la chair, à l'âme et au corps. S'il est rélativement aisé de concevoir ce qui est corporel et ce qui peut être connu par les sens, par contre concevoir l’esprit et l'âme s'avère difficile et compliqué.

Les spécialistes des questions intellectuelles, tels que les théologiens et les philosophes, aussi bien shi'ites que sunnites, ont considéré l'esprit (ruh) selon différents points de vue. Ce qui semble jusqu'à un certain point sûr, c'est que l'Islam considère l'esprit et le corps comme deux réalités opposées. Le corps perd, dans la mort, les caractères de la vie et se désintègre graduellement mais il n'en est pas de même pour l'esprit. Car la vie, dans son origine et son principe, appartient à l'esprit. Quand l'esprit est uni au corps le prend vie; quand l'esprit se sépare du corps et rompt son lien avec lui, le corps cesse de fonctionner alors que l'esprit continue à vivre.

Les versets du Coran et les paroles des Imâms de la famille du Prophète nous ensiegnent que l'esprit de l’homme est quelque chose d'immatériel doué d'une sorte de relaiton et de lien avec le corps matériel. Dieu très Haut dit : « Nous avons créé l'homme d'argile fine, puis Nous en avons fait une goutte de spenne contenue dans un réceptacle solide; puis, de cette goutte, Nous avons fait un caillot de sang; puis, de cette masse Nous avons créé des os; Nous avons revêtu les os de chair, produisant ainsi une autre création» (Coran XXIII, 12-14).

De l'ordre même de ces versets, il apparait clairement qu'au début c'est la création progressive de la matière qui est décrite et qu'ensuite, quand il est fait référence à l'apparition de l'esprit, de la conscience et de la volonté, c'est un autre genre de création qui est mentionné, différent de la première forme de création.

En un autre endroit, il est dit, en réponse à ceux qui doutent du jour de la résurrection et qui demandent comment il est possible au corps humain, qui se désintègre après la mort et dont les éléments sont dispersés et perdus, de passer par une nouvelle création et de redevenir l’homme originel : « L'Ange de la mort auqeul vous êtes confiés vous recueillera; puis vous serez ramenés vers votre Seigneur » (Coran XXXII, 11). Cela signifie que « votre corps se désintègre après la mort et est perdu parmi les particules terrestres, mais vous-mêmes, c'est-à-dire votre esprit, a été enlevé à votre corps par l'Ange de la mort et demeure protégé près de Nous ».

A côté de tels versets, le Coran, dans une explication claire, exprime l'immatérialité de l'esprit en lui-même quand il affume : « Ils te questionneront au sujet de l'esprit. Dis : l'esprit procède du commandement de mon Seigneur » (Coran XVII, 85). Ailleurs, expliquant Son Ordre (amr) Il dit: «Tel est, en vérité, Son Ordre : quand il veut une chose, il lui dit : Sois! et elle est. Gloire à celui qui détient en sa main la royauté de toute chose!» (Coran XXXVI, 82-83). Le sens de ces versets est que l'Ordre de Dieu dans la création des choses n'est pas graduel ni limité aux conditions spatiotemporelles. II en résulte que l'esprit qui n'a d'autre réalité que l'Ordre de Dieu n'est pas matériel et ne possède, en soi, aucune des caractéristiques matérielles : il n'est doué ni de divisibilité, ni de changement et ni de situation dans le temps et l'espace.

2- Discussion sur l 'esprit à partir d 'une autre perspective

La réflexion spéculative confirme l'opinion du Coran au sujet de l'esprit. Chacun de nous est conscient d'une réalité en lui-même, qu'il interprète comme étant son «moi», et cette conscience existe continuellement en l'homme. L’homme oublie parfois sa tête, ses mains, ses pieds, ses autres membres ou même son corps entier; mais tant que son «moi» existe, la conscience du «moi» ne le quitte pas. Cette perception ne peut être divisée ou analysée. Bien que le corps de l'homme subisse continuellement des changements et des transformations, se déplate dans l'espace et traverse divers instants temporels, la réalité du «moi» demeure fixe. Elle ne connait aucun changement ni transformation. II est clair que si le «moi» était matériel il posséderait les caractéristiques de la matière : divisibilité, changement et situation dans l'espace et le temps.

Le corps possède toutes les caractéristiques de la matière, et de par la relation entre l'esprit et le corps, ces caractéristiques sont considérées comme appartenant à l'esprit. Mais pour peu que nous réfléchissions, il devient évident que tel instant du temps, tel point de l'espace, telle forme, telle direction, tel mouvement, tout cela sont des caractéristiques du corps. L'esprit en est affranchi, chacune de ces déterminations n'atteignant l'esprit que par la médiation du corps. Le même raisonnement peut être appliqué, en sens inverse, à la conscience et à la connaissance, qui sont des caractéristiques de l'esprit. II est clair que si la connaissance était une qualité matérielle, elle comporterait la divisibilité, supporterait l'analyse selon les conditions matérielles, et serait déteiminée par l'espace et le temps.

II va sans dire que ce débat intellectuel pourrait se prolonger et que plusieurs questions s'y rapportant ne peuvent être examinées dans le présent contexte. La brève discussion présentée ici n'est qu'un résumé de la croyance islamique au sujet du corps et de l'esprit. On trouvera une discussion complète dans d'autres ouvrages de philosophie musulmane.

3- La mort, du point de vue islamique

Bien qu'une vue superficielle considère la mort comme une annihilation de l'homme et voit la vie humaine comme consistant en quelques jours situés entre la naissance et la mort, l'Islam interprète la mort comme le transfert de l’homme d'un stade de vie à un autre. Selon l’islam, la vie de l’homme est éternelle. La mort, qui est la séparation de l'esprit et du corps, introduit l'homme dans un autre état de vie, dans lequel la félicité ou le malheur dépendent des actions bonnes ou mauvaises accomplies durant la vie d'ici-bas. Le Prophète a dit: «Vous avez été créés pour subsister, non pour être anéantis. Ce qui arrivera, c'est que vous serez transportés d'une demeure à une autre». (1)

4- Le Purgatoire

On peut déduire du livre sacré et des hadiths du Prophète qu'entre la mort et la résurrection générale, l'homme jouit d'une vie limitée et ,temporaire, qui constitue un état intermédiaire (barzakh) et un lien entre la vie de ce monde et la vie éternelle. Après la mort, l’homme subit un interrogatoire individuel au sujet des croyances qu'il a adoptées, ainsi que des bonnes et mauvaises actions qu'il a accomplies durant cette vie.

Après une récapitulation et un jugement, il est appelé soit à une vie de félicité, soit à une vie de souffrance qui dure le temps déterminé par le jugement. II continue durant cette nouvelle vie à attendre le jour de la résurrection générale. La condition de l'homme dans la vie de l'état intermédiaire (le purgatoire) est très semblable à la condition d'une personne ayant été appelée devant une institution judiciaire pour répondre des actes qu'elle a commis. Elle est interrogée jusqu'à ce que son dossier soit complet. Ensuite elle attend que le jugement final et décisif soit proclamé.

L'esprit de l’homme, dans l'état intermédiaire, possède la même forme qu'il avait pendant sa vie dans ce monde (2). S'il s'agit d'un homme de vertu, il vit dans le bonheur et la bonté, à proximité de ceux qui sont purs et proches de la Présence divine. S'il s'agit d'un homme mauvais, il vit dans l'afflictiori et la souffrance et en compagnie des forces démoniaques et des «guides de ceux qui errent».

Dieu Très-Haut a dit au sujet de la condition d'un groupe faisant partie de ceux qui sont dans la félicité : « Ne crois surtout pas que ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu sont morts. Ils sont vivants! Ils seront pourvus de biens auprès de leur Seigneur; ils seront heureux de la grâce que Dieu leur a accordée. Ils se réjouissent parce qu'ils savent que ceux qui viendront après eux et qui ne les ont pas encore rejoints n'éprouveront plus aucune crainte, et qu'ils ne seront pas affligés. Ils se réjouissent d'un bienfait et d'une grâce de Dieu; Dieu ne laisse pas perdre la récompense des croyants» (Coran III, 169-171).

Et décrivant la condition de ceux qui, dans la vie de ce monde, ne font pas un usage légitime de leurs richesses et de leurs possessions, il dit : « Lorsque la mort approche de l'un d'eux, il dit : mon Seigneur! Qu'on me renvoie sur la terre, peut-être, alors, accomplirais-je une œuvre bonne parmi les choses que j'ai délaissées»; Non!... C'est là, seulement une parole qu'il a prononcée; une barrière se trouve derrière les hommes jusqu'au jour où ils seront ressuscités» (Coran XXIII, 99-100).

5- Le Jour du Jugement - La Résurrection

Parmi les textes sacrés, le Coran est seul à traiter en détail du Jour du Jugement. Alors que la Torah le passe sous silence et que les Evangiles n'y font qu'allusion, le Coran mentionne le Jour du Jugementen des centaines d'endroits, sous des noms différents. II décrit la fatalité de ce jour pour l’humanité, parfois brièvement, parfois en détail. II rappele en plusieurs endroits à l'humanité que la croyance au Jour de la Rétribution (Jour du Jugement) est d'égale importance que la foi en Dieu et constitue un des trois principes de l'Islam. II rappele que celui qui n'a pas cette foi, c'est-à-dire celui qui nie la Résurrection, est au ban de l'Islam et n'a d'autre destinée que la perdition éternelle.

Et ceci constitue le cœur du sujet, car s'il n'y avait pas de rétribution divine, s'il n'y avait aucune récompense ni punition, le message religieux, qui tient en un ensemble de décrets divins, de commandements et d'interdits, serait sans effet. Ainsi l'existence ou la non existence de la prophétie et de la mission religieuse reviendrait au même, En fait, sa non existence serait préférable à son existence, car accepter une religion et suivre les règles de la Loi divine n'est possible qu'en admettant des restrictions et la perte de ce qui apparait comme « liberté ». Si s'y soumette devait rester sans effet, les hommes ne l'accepteraient jamais et n'abandonneraient jamais leur liberté naturelle d'action. II en résulte que le rappel du Jour du Jugement équivaut au principe même de l'appel religjeux.

De cette conclusion, il appert que la foi au Jour de la Rétribution est le facteur principal qui pousse l'homme à accepter la nécessité de la vertu et de l'abstention des péchés graves et des vices, de même qu'oublier ou manquer d'avoir foi au Jour du Jugement est la racine essentielle de tout acte mauvais et de tout péché.

Dieu Très-Haut dit dans son Livre : «Ceux qui s'égaient loin du chemin de Dieu subiront un terrible châtiment pour avoir oublié le Jour du Jugement» (Coran XXXVIII, 26). Comme le montre ce verset sacré, l'oubli du Jour du Jugement est considéré comme la racine de toute déviation. La réflexion sur le but de la création de l’homme et de l'univers, ou sur le but et la fin des lois divines, rend évident le fait qu'il y aura un Jour du Jugement.

Quand nous réfléchissons sur la création, nous voyons qu'il n'y a pas d'action (qui nécessairement est aussi une sorte de mouvement) sans une fin et un but déterminés. Jamais l'action, considérée indépendamment et en elle-même, ne constitue une fin. Même dans les actions qui, a-priori, semblent dépourvues de toute intention, telles les actions instinctives ou le jeu des enfants, etc... si nous les regardons de près, nous y découvrirons des intentions conformes aux types d'action en question. Dans les actions instinctives, qui sont généralement une forme de mouvement, la fin vers laquelle tend le mouvement est l'intention et le but de l'action. Dans le jeu des enfants, il y a une fin imaginaire qui constitue le but du jeu. La création de l'homme et du monde est l’action de Dieu. Et Dieu ne peut pas réaliser un acte insensé et sans but tel que créer, nourrir, reprendre la vie, et en suite recommencer, c'est-à-dire créer et détruire sans qu'existe une fin immuable et un but permanent poursuivi dans ces actes. II doit nécessairement y avoir un but permanent dans la création du monde de l'homme. Bien sûr, le bénéfïce n'ajoute rien à Dieu qui est au-dessus de tout besoin, mais plutôt aux créatures elles-mêmes. On doit donc dire que le monde et l’homme sont dirigés vers une réalité permanente et un degré d'être plus parfait qui ne connait ni annihilation ni corruption.

De même, si nous considérons la condition des hommes du point de vue religieux, nous constatons qu'en conséquence du gouvernement divin et de la pratique religieuse, les gens se divisent en deux catégories, les vertueux et les mauvais. Pourtant, ici-bas, il n'y a pas de distinction faite entre eux. Au contraire, le succès revient souvent aux méchants et aux injustes. Faire le bien est lié à la difficulté, aux épreuves et à toutes sortes de privations et d'oppressions. Puisqu'il en est ainsi, la Justice divine requiert l'existence d'un autre monde dans lequel chaque individu des deux catégories reçoive la juste récompense que méritent ses actions et vive une vie conforme à ses mérites.

Ainsi, la considération du but de la création et des Lois divines conduit à la conclusion que le Jour du Jugement adviendra pour chaque individu. Dieu Très-Haut dit clairement : « Nous n'avons pas créé par jeu les cieux, la terre et ce qui est entre les deux. Nous les avons créés en toute Vérité, mais la plupart des hommes ne savent pas » (Coran XLIV, 38-39) et aussi : « Nous n'avons pas créé en vain le ciel, la terre et ce qui se trouve entre les deux, contrairement à ce que pensent les incrédules.Malheur aux incrédules, à cause du Feu! Traiterons-Nous ceux qui croient et qui font des œuvres bonnes comme ceux qui corrompent la terre? ou bien, traiterons-Nous ceux qui croient fermement de la même façon que les libertins?» (Coran, XXXVIII, 27-28). Et encore : « Est-ce que ceux qui font le mal pensent que Nous les traiterons comme ceux qui croient et qui accomplissent des œuvres bonnes puisque tous sont égaux dans la vie et dans la mort? II ont le jugement faux. Dieu a créé, en toute vérité, les cieux et la terre, afin que chaque homme soit rétribué pour ce qu'il aura fait. Personne ne sera lésée» (Coran, XLV, 21-22).

6- Une autre explication

En traitant du sens exotérique et ésotérique du Coran, nous avons montré que les sciences islamiques étaient exposées dans le Coran selon différentes voies. D'une manière générale, ces voies se partageaient les deux dimensions de l'exotérique et de Pésotérique. L'explication exotérique est celle qui s'adapte à la structure de la pensée simple et de la compréhension de la majorité des gens. Au contraire de l'explication ésotérique qui appartient à la seule élite et qui ne peut être comprise qu'au moyen de la vision qui elle-même résulte de la pratique de la vie spirituelle.

L'explication exotérique présente Dieu comme le Roi absolu du monde de la création, qui est son Royaume. Dieu a créé beaucoup d'anges, dont le nombre est légion, pour porter et exécuter ses ordres concernat les différents aspects de la création. Chaque partie de la création et son organisation, est liée à un gioupe spécial d'anges qui sont les protecteurs de ce domaine. L'espèce humaine est la création de Dieu et les êtres humains sont Ses serviteurs qui doivent obéir à Ses ordres et à Ses interdits. Les Prophètes sont les porteurs de Ses messages, les messagers des lois et des règles qu'Il a destinées à l’humanité pour qu'elle s'y soumette. Dieu a promis récompense pour la foi et l'obéissance, punition et souffrance pour l'infidélité et le péché; et comme Dieu l'a dit, II tiendra Sa promesse. Aussi, puisqu'Il est juste, Sa Justice demande que dans un autre état d'existence, les deux groupes d'hommes, les vertueux et les mauvais, qui dans ce monde ne jouissent pas d'un mode de vie conforme à leur bonne ou mauvaise nature, soient séparés. Les vertueux, pour jouir d'une existence bonne et heureuse, les mauvais pour subir d'une existence mauvaise et malheureuse.

Ainsi Dieu, selon Sa justice et Sa promesse, ressuscitera après leur mort tous les hommes, sans exception, ayant vécu ici-bas et examinera en détail leurs croyances et leurs ceuvres. Il rendra justice à tous ceux qui auront été opprimés. II rendra à chacun la rétribution de ses propres actions. Un groupe sera assigné éternellement au Paradis et un autre en Enfer.

Ceci est l'explication exotérique du Coran. Certes, elle est vraie et exacte. Mais son langage est fait de termes et d'images issus de la vie et de la pensée sociales de l’homme, pour que son bénéfice soit plus général et que son rayonnement plus grand.

Toutefois, ceux qui ont pénétré le sens spirituel des choses et sont dans une certaine mesure familiarisés avec le langage ésotérique du Coran, saisissent dans ces paroles des significations qui résident au-delà du simple niveau de la compréhension commune.

Le Coran, au milieu de ses exposés simples et directs, fait parfois allusion au but ésotérique de son message. Par de nombreuses allusions, le Coran affirme que le monde de la création avec toutes ses parties, dont l’homme, se meut toujours dans son «devenir existentieh »,en direction de la perfection, vers Dieu. Un jour viendra où ce mouvement touchera à sa fin et perdra complètement son existence séparée et indépendante devant la Majesté et la Grandeur divines.

L’homme, qui est une partie de l'univers et dont la perfection particulière passe par la conscience et la connaissance, se hâte également vers Dieu. Au terme de ce devenir, il contemplera parfaitement la Vérité et l'Unicité du Dieu Unique. II verra que la puissance,,la domination et toute autre perfection appartiennent exclusivement à l'Essence divine. La réalité de chaque chose Telle Qu'Elle Est lui sera révélée. Ceci est la première étape dans le monde de l'éternité. Si, par sa foi et ses bonnes œuvres dans ce monde, l’homme s'est rendu capable de communiquer avec Dieu, d'avoir des relations de familiarité et d'amitié avec Lui et les êtres qui vivent en Sa proximité, alors, dans une joie et une félicité indescriptibles par le langage humain, il vivra près de Dieu et dans la compagnie des êtres purs du monde supérieur. Mais si du fait de l'attachement à la vie de ce monde et à ces plaisirs éphémères et futiles, il s'est coupé du monde supérieur, de toute familiarité et de tout amour envers Dieu et envers les êtres purs qui vivent en Sa présence, alors l'affligeront des tourments douloureux et une adversité étemelle. Il est vrai que les actes bons et mauvais accomplis par l'homme dans ce monde sont éphémères et voués à le disparition. Mais les formes de ces actes bons et mauvais s'établissent dans l'âme de l'homme et l'accompagnent partout. Elles sont le capital de la vie future, que celle-ci soit douce ou amère.

Ces affirmations peuvent être tirées des versets suivants : « Oui, le retour se fera vers ton Seigneur» (Coran XCVI, 8); «Toutes les choses ne s'acheminent-elles pas vers Dieu? » (Coran XLII, 53); «Ce jour là, la Décision appartiendra à Dieu» (Coran LXXXII, 19). Dieu dit aussi, s'adressant à certains membres du genre humain, à propos du Jour du Jugement: «Tu restais indifférent à cela; Nous avons ôté ton voile; ta vue est perijante aujourd’hui!» (Coran L, 22).

Au sujet de l’herméneutique ésotérique du Coran (Ta'wil), Dieu dit : «Qu'at-tendent-ils sinon son accomplissement? Le Jour où viendra son accomplissement ceux qui avaient auparavant oublié le Livre diront : Les Prophètes de notre Seigneur nous ont déjà apporté la vérité. Existe-t-il pour nous des intercesseurs qui intercéderont en notre faveur? Ou bien, pourrons-nous revenir sur la terre? Nous agirions autrement. Ils se sont eux-mêmes perdus et ce qu'ils ont inventé les a abandonnés» (Coran VII, 53). «Dieu leur versera, ce Jour-là, la juste rétribution qui leur est due. Ils sauront alors, avec certitude, que Dieu est la Vérité évidente» (Coran XXIV, 25). «Alors, toi,l’homme qui te tournes vers ton Seingeur, tu le rencontreras» (Coran LXXXIV, 6). «Pour celui qui espère la rencontre de Dieu, le terme fixé par Dieu approche. Dieu est celui qui entend et qui sait» (Coran XXIX, 5). «Celui qui espère la rencontre de son Seigneur doit accomplir de bonnes actions et n'associer personne dans l'adoration de son Seigneur» (Coran XVIII, 111). « 0 toi !... Ame apaisée!... Retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée; entre donc avec Mes serviteurs; entre dans Mon Paradis!» (Coran LXXXIX, 27-30). «Lorsque le cataclysme se produira; le Jour où l’homme se souviendra de ce qu'il s'est efforcé de faire, la Fournaise apparaîtra à quiconque possède la faculté de voir. Pour celui qui est révolté, pour celui qui aura préféré la vie de ce monde, la Fournaise sera un refuge. Quant à celui qui aura rédouté de comparaitre devant son Seigneur et qui aura préservé son âme des passions, le Paradis sera son refuge» (Coran LXXIX, 3442).

Au sujet de la nature de la rétribution des actes, II dit : « 0 vous les incrédules! Ne vous excusez pas aujourd’hui! Vous ne serez rétribués que pour ce que vous avez fait» (Coran LXVI, 7).

7- La continuité et la succession de la création

Le monde de la création que nous voyons n'est pas doué d'une vie perpétuelle et sans limite. Un jour viendra où la vie de ce monde et de ses habitants connaitra un terme, comme l'affirme le Coran: «Nous n'avons créé les cieux, la terre et ce qui se trouve entre les deux, qu'en toute vérité et pour un temps déterminé; mais les incrédules se détournent de ce dont ils ont été avertis» (CoranXLVÏ,3).

On pourrait se demander si avant la création de ce monde et de l'humanité actuelle il y a eu un autre monde et une autre humanité. Ou encore si après la vie de ce monde et de ses habitants, un autre monde et une autre humanité seront créés. On ne peut pas trouver la réponse directe à ces questions dans le Coran. On n'y trouve que des allusions à la continuité et à la succession de la création. Mais dans les traditions (riwâyât) des Imams de la famille du Prophète qui nous ont été transmises, la réponse aux questions posées est positive. Plusieurs mondes ont existé dans le passé et existeront dans le futur. Le sixième Imam a dit : «Peut-être croyez-vous que Dieu n'a pas créé une humanité autre que la vôtre. Non! j'en jure par Dieu qu'il a créé des milliers et des milliers d’humanités et que vous êtes la dernière d'entre elles » (3).

Et le cinquième Imam a dit : « Dieu Tout-Puissant, depuis la création du monde, a créé sept espèces différentes dont aucune n'était de la race d'Adam. II les créa de la surface de la terre et établit l'une après l'autre chaque être sur la terre, selon son espèce. Ensuite, II créa Adam, le père de l’humanité, et en tira ses enfants» (4). De même le sixième Imam a dit : «Ne pensez pas qu'après la fin de ce monde, après le Jour du Jugement et l'établissement des vertueux au ciel et des mauvais en enfer, il n'y aura plus personne pour adorer Dieu. Non! Jamais, Dieu créera de nouveau des serviteurs, sans le mariage de l'homme et de la femme pour qu'ils connaissent son Unicité et qu'ils L'adorent».(5)

Notes du chapitre VI :

1)- Bihâr al-anwâr, vol.III, p. 161, tiré du I'tiqâdât de Sadûq.

2)- Bihâr al-anwâr, vol.1V, Bâb al-barzakh.

3)- Bihâr al-anwâr, vol.XIV, p. 79.

4)-lbid

5)-lbid.

CHAPITRE IX

DE LA CONNAISSANCE DE L'IMAM (IMAMOLOGIE)

1)- La signification du mot Imam

L'Imam, ou le guide, est le titre donné à une personne qui prend la tête d'une communauté dans un mouvement social particulier, une idéologie politique ou une forme de pensée scientifique ou religieuse. Naturellement, du fait de sa relation aux hommes qu'il dirige, l’Imam doit adapter son action à leurs capacités, dans les affaires importantes comme dans les choses secondaires.

II ressort clairement des chapitres précédents que la religion sacrée de l'Islam prend en considération et donne des directives concernant tous les aspects de la vie des hommes. Elle considère la vie humaine du point de vue spirituel et guide l’homme en conséquence, de même qu'elle intervient au plan de l'existence formelle et matérielle de l'individu. Elle intervient encore au niveau de la vie sociale et de sa réglementation (c'est-à-dire au niveau du gouvernement).

L'Imamat et le commandement religieux en Islam peuvent donc être étudiés selon trois perspectives différentes: dans la perspective du gouvernement islamique, dans la perspective des sciences et des commandements islamiques, et dans la perspective de la direction rénovatrice de la vie spirituelle. Le shi'isme pense que la société islamique ayant un besoin impérieux de direction dans chacun de ces trois domaines, la personne chargée de donner cette direction et qui dirige la communauté dans ces domaines qui ont une importance religieuse, doit être désignée par Dieu et le Prophète. Naturellement le Prophète lui-même fut aussi désigné par ordre divin.

2)— L 'lmamat, la succession du Prophète et le gouvernement islamique

Par sa nature innée, l’homme comprend sans hésiter, qu'aucune société organisée, telle qu'un pays, une ville, un village, une tribu ou même un foyer composé de quelques êtres humains, ne peut subsister sans un chef ou une autorité qui meuve cette société, et dont la volonté gouverne chaque volonté individuelle et pousse les membres de cette société à accomplir leur devoir social. Sans une telle autorité, les parties de la société ont tôt fait de se disperser, et le désordre et la confusion de régner. Par conséquent, celui qui dirige une société, grande ou petite, s'il prend soin de sa propre position et de la permanence de sa société, désignera un successeur pour le cas où il quitterait, temporairement ou définitivement, sa fonction. II n'abandonnera jamais son poste de direction, ni ne sera indifférent à son existence ou à son inexistence. Le chef d'un foyer qui avant un voyage de quelques jours ou de quelques mois, fait ses adieux à sa maisonnée, désignera un des membres de la maison ou quelqu'un d'autre comme successeur et lui confiera les affaires de la maison. Le chef d'une institution, le directeur d'une école, ou le propriétaire d'un magasin, s'il doit s'absenter même pour quelques heures, choisira quelqu'un pour le remplacer.

De la même manière, l’islam est une religion fondée, selon le texte du Livre sacré et de la Sunnah, sur la nature primordiale des choses. Comme tout observateur peut le remarquer, c'est une religion qui prend en considération la vie sociale. L'attention spéciale accordée par Dieu et le Prophète à la nature sociale de cette religion ne peut être niée ni négligée. C'est un trait incomparable de l'Islam. Jamais le Prophète ne négligeait de former des groupements sociaux là où l'influence de l'Islam pénétrait. Chaque fois qu'une ville ou un village tombait entre les mains musulmanes, il nommait, dans les plus brefs délais, un gouverneur aux mains duquel il confiait les affaires des musulmans (1)- Dans chaque expédition militaire importante ordonnée dans le cadre de la guerre sainte, il nommait plusieurs chefs, selon un ordre hiérarchique. Dans la guerre de Mou'tah il alla jusqu'à nommer quatre commandants, de sorte que si le premier venait à mourir, le second prendrait la tête et assumerait l'autorité, et ainsi de suite (2).

Le Prophète montra également un grand intérêt pour les problèmes de succession, et ne manqua jamais de désigner un successeur chaque fois que cela était nécessaire. Chaque fois qu'il quittait Médine, il désignait un gouverneur à sa place (3). Même quand il émigra de la Mecque à Médine et qu'il ne pouvait avoir aucune idée sur ce qui adviendrait, il nomma Ali - sur lui la paix - comme successeur (4) pour s'occuper de ses affaires personnelles (5) et pour remettre aux gens les affaires que ceux-ci lui avaient confiées. De même, après sa mort, Ali lui succèda pour régler ses dettes et ses affaires personnelles. Pour cette raison, les shi'ites soutiennent qu'il est inconcevable que le Prophète soit mort sans avoir nommé au préalable quelqu'un comme successeur, sans avoir choisi un guide pour diriger les affaires des musulmans et gouverner la société islamique.

La nature première de l’homme ne doute pas que la création d'une société dépende d'un ensemble de règles et de coutumes communes, acceptées en pratique par la majorité des groupes dans cette société; et que l'existence et la continuation de cette société dépendent d'un gouvernement juste qui promette d'appliquer complètement ces règles. Quiconque réfléchit ne peut qu'admettre ce fait. En même temps, on ne peut douter ni de l'étendue ni de la nature détaillée de la shari'ah islamique, ni de l’importance et de la valeur que le Prophète lui accordait, au point qu'il fit beaucoup de sacrifices pour la faire appliquer et la préserver. On ne peut non plus discuter le génie, la perfection d'intelligence, la perspicacité d'intuition et le pouvoir de délibération du Prophète (en dehors du fait que la révélation et la prophétie confirment ce point).

Selon les hadiths établis à la fois par les corpus sunnites et shi'ites (dans les chapitres sur les tentations, séditions et autres), le Prophète prédit les séditions et les tribulations qui devaient menacer la socièté islamique après sa mort, les formes de corruption qui avaient pénêtrer l'Islam, et comment des gouverneurs mondains allaient sacrifier cette pure religion à leurs intérêts personnels impurs. Comment concevoir que le Prophète, qui n'omit pas de prédire le détail des évènements et des épreuves qui devaient survenir des années, voir des milliers d'années après lui, eût pu négliger les questions concernant sa succession immédiate? Ou bien qu'il eùt pu négliger et considérer comme sans importance un devoir d'une part si simple et clair, et d'autre part revètant une signification aussi importante'.' Se serait-il occupé des actes les plus naturels et communs tels que manger, boire et dormir, aurait-il donné des centaines de corrunandements à leur sujet, pour ensuite demeurer muet sur la question capitale de sa succession?

Même en acceptant l'hypothèse - que le shiisme rejette - selon laquelle la nomination d'un chef de la société islamique a été laissée par la shari'ah au peuple lui-même, il aurait quand même fallu que le Prophète s'expliquât à ce sujet. II aurait du avoir laissé les instructions nécessaires à la communauté afin que celle-ci soit consciente du problème dont dépendent l'existence et la croissance de la société islamique ainsi que l'observance des rites religieux. Or, il n'y a pas trace d'une telle explication prophétique ou d'une telle instruction religieuse. Si une telle chose avait existé, ceux qui succédèrent au Prophète et tinrent les rénes du pouvoir entre leurs mains, ne s'y seraient pas opposés. En fait, le premier calife transféra le califat au second par legs. Le seconde calife choisit le troisième grâce à un conseil de six hommes dont le futur calife faisait lui-même partie et dont l'ordre de procédure avait été déterminé et ordonné par lui-même. Mu'awiyah fonça l’Imam Hassan a faire la paix et, de cette manière, continua d'être calife. A la suite de cet événement, le califat fut converti en une monarchie héréditaire.

Progressivement plusieurs observances religieuses des premières années de l'Islam (telles que la guerre sainte, la commanderie du bien et l'interdiction du mal, l'application des peines légales pour l'actes inhumains) perdirent de leur importance et disparurent même de la vie politique de la communauté, annulant dans ce domaine les efforts du Prophète de l'Islam.

Le shi'isme a étudié la nature primordiale de l’homme et la tradition de sagesse qui a toujours survécu parmi les hommes. II a saisi le but principal de l’islam qui consiste à revivifier la nature primordiale de l’homme, et a étudié certaines choses telles que les méthodes utilisées par le Prophète pour diriger la communauté. II a aussi étudié les troubles qui frappèrent l'Islam et les musulmans après la mort du Prophète et qui menèrent à la division et à la séparation, ainsi que la vie éphémère des gouvernements islamiques des premiers siècles, qui furent caractérisés par la négligence et le manque de principes religieux stricts. En conclusion de ces études, le shi'isme affirme qu'il y a assez de textes traditionnels laissés par le Prophète pour indiquer la procédure de désignation de l'Imam ou successeur du Prophète. Cette conclusion est appuyée par des versets coraniques et des hadiths que le shi'isme considère comme authentiques, tels que le verset sur la wailyat et les hadiths de Ghadir, Safînah, Thaqalayn, Haqq, Manzilah, Dawat-i-achirah-i-aqrabin et d'autres (6). Mais bien sûr, ces hadiths, dont beaucoup sont acceptés par le sunnisme, n'ont pas été compris de la même manière par le shi'isme et par le sunnisme. Sinon la question même de la succession n'aurait pas été soulevée. Alors que ces hadiths apparaissaient aux shi'ites comme une claire indication des intentions du Prophète concernant la question de la succession. Ils ont été interprétés par les sunnites d'une toute autre manière, laissant la question ouverte et sans réponse.

Pour prouver le califat d'Ali Ibn Abi Tâlib, les shi'ites ont eu recours à des versets coraniques, parmi lesquels, le suivant : « Non, vous n'avez d'autre ami que Dieu et son Messager et les croyants qui établissent l'office et acquittent l'impôt cependant qu'ils s'inclinent» (Coran V, 55).

Les commentateurs shi'ites et sunnites s'accordent à dire que ce verset fut révélé au sujet d'Ali Ibn Abi Tâlib, et plusieurs hadiths shi'ites et sunnites confirment cette opinion. Abu Dharr Ghiffâri a dit : « Un jour, nous faisions les prières de midi avec le Prophète; une indigente demanda de Paide, mais personne ne lui fit l'aumône. Le malheureux leva les mains au ciel en disant : 0 mon Dieu! sois témoin que dans la mosquée du Prophète personne ne me donne quelque chose. Ali Ibn Abi Tâlib était en prière, à genoux. II pointa son doigt vers la femme, qui prit sa bague et partit. Le Prophète, qui observait la scène, leva les yeux vers le ciel et dit :«O mon Dieu! Mon frère Moise t'a dit : Elargis ma poitrine, aplanis mes diffîcultés et rends ma langue éloquente afin qu'ils comprennent mes paroles et fais de mon frère Aron mon aide et mon ministre (Coran XXVIII, 35) ô mon Dieu! Je suis aussi ton Prophète élargis ma poitrine, facilite ma tâche et fais d'Ali mon ministre et mon aide ». Abu Dharr dit : « Le Prophète n'avait pas fini de parler que le verset cité ci-dessus fut révélé» (7).

Un autre verset que les shi'ites considèrent comme preuve du califat d'Ali est le suivant : «Les incrédules désespèrent aujourd’hui de vous éloigner de votre religion. Ne les craignez pas! Craignez-Moi! Aujourd'hui, J'ai rendu votre religion parfaite; J'ai parachevé Ma grâce sur vous; J'agrée l'Islam comme étant votre religion» (Coran V, 3). Le sens évident de ce verset est qu'avant ce jour les infïdèles nourrissaient l'espoir qu'un jour viendrait où l'Islam s'éteindrait. Mais Dieu, par cet événement, leur fit perdre à jamais l'espoir de voir l'Islam détruit. Cet événement fut la cause de la force et de la perfection de l'Islam; de toute évidence ce ne pouvait être une occasion mineure telle que la promulgation d'un commandement de la religion. II s'agissait plutôt, d’une question d'une importance telle que la continuité de l'Islam en dépendait.

Ce verset semble se rattacher à un autre qui vient vers la fin de la même sourate : « 0 Prophète! Fais connaitre ce qui t'a été révélé par ton Seigneur. Si tu ne le fais pas, tu n'auras pas fait connaitre Son message. Dieu te protegera contre les hommes» (Coran V, 67).

Ce verset indique que Dieu a ordonné au Prophète une mission d'une importance telle que, si elle devait ne pas être accomplie, les fondements de l'Islam et de la prophétie seraient mis en danger. Le sujet était si important que le Prophète craignit une opposition et l'intervention d'adversaires. Attendant des circonstances favorables, il temporisa jusqu'à ce que vint un ordre définitif et urgent de Dieu lui inspirant l'exécution immédiate de ce commandement sans qu'il ait à craindre personne. Cela ne concernait pas non plus un commandement religieux particulier, au sens ordinaire du mot, car un commandement religieux non préché, n'aurait pas causé la destruction de l'Islam. De plus, jamais le Prophète n'avait craint quelqu'un lorsqu'il prêchait les commandements et les lois religieuses.

Ces indications ajoutent du poids aux traditions shi'ites qui affirment que ces versets furent révélés à Ghadir Khumm et concernent l'investiture d'Ali Ibn Abi Tâlib, à la succession. De plus, plusieurs commentateurs shi'ites et sunnites ont confirmé ce point.

Abu Said Khidri dit : « Le Prophète, à Ghadir Khumm, invita les gens à s'approcher d'Ali. II prit le bras de ce dernier et le leva si haut que le blanc de l'aisselle du Prophète de Dieu pouvait être vu. Alors ce verset fut révélé: «Ce jour, J'ai parachevé votre religion et complété ma faveur pour vous, Je vous ai choisi l'Islam pour religion». Puis le Prophète dit: Allahu Akbar, cette religion est devenue parfaite, la bonté de Dieu a été parachevée, Sa satisfaction atteinte et la walayat d'Ali réalisée. Alors il ajouta: Ceux pour qui je suis l'autorité et le guide, Ali également est leur guide et leur autorité. Oh! Dieu sois ami des amis d'Ali et rennemi de ses ennemis. Quiconque l'aide, aide-le et quiconque le quitte, quitte-le» (8).

En résumé, nous pouvons dire que les ennemis de l'Islam qui firent tout ce qui leur était possible pour le détruire, n'eurent plus, à un moment donné, qu'un seul espoir, Ils pensèrent que le protecteur de l'Islam étant le Prophète, après sa mort, l'Islam resterait sans guide ni chef et finirait ainsi par périr. Mais, à Ghadir Khumm, leurs désirs furent réduits à néant et le Prophète présenta Ali au peuple comme le guide et le chef de l'Islam. Après Ali ce devoir, lourd et nécessaire, de guide et de chef fut confié à sa famille (9).

Nous citons ici quelques uns des hadiths se rapportant à Ghadir Khumm, à l'investiture d'Ali et à la valeur de la Famille du Prophète. Le hadith de Ghadir: Le Prophète de l'Islam, lors de son retour du pèlerinage d'adieu, s'arréta à Ghdir Khumm, réunit les musulmans et, après leur avoir adressé un sermon, choisit Ali comme chef et guide des musulmans.

Barâ dit :« J'étais en compagnie du Prophète lors du pèlerinage d'adieu. Quand nous arrivâmes à Ghadir Khumm, il ordonna que la place fût nettoyée. Ensuite il prit Ali par la main et le plaça à sa droite. Puis il s'exclama: Suis-je l'autorité à laquelle vous obéissez? Ils répondirent: Nous obéissons à tes directives. Alors il dit : De quiconque je suis le maitre (mawla) et l'autorité à laquelle il obéit, Ali sera son maitre. Oh Dieu! Sois ami des amis d'Ali et ennemi des ennemis d'Ali. Alors Omar Ibn el Khattâb déclara à Ali: Puisse cette situation t'être agréable, car maintenant tu es mon maitre et le maitre de tous les croyants» (10).

Le hadith de Safïhah: Ibn Abbas dit: «Le Prophète a dit: Ma famille est comme l'arche de Noé; quiconque y prend place sera sauvé et quiconque s'en détourne sera noyé» (11).

Le hadith de Thaqalayn: Zayd Ibn Arqam raconte que le Prophète a dit : «Il semble que Dieu m'ait appelé à Lui et que je doive obéir à Son appel. Mais je laisse parmi vous deux choses grandes et précieuses: le Livre de Dieu et ma Famille. Soyez attentifs à votre comportement à leur égard. Ces deux ne seront jamais séparés l'un de l'autre jusqu'à ce qu'ils me rencontrent à Kowthar (au paradis)» (12).

Le hadith de Thaqalayn est l'un des hadiths les plus solidement établis, et a été transmis par plusieurs chaines de transmission et sous différentes versions. Les shi'ites et les sunnites s'accordent sur son authenticité. Plusieurs points importants peuvent être déduits de ce hadith et d'autres semblables.

1- De la même manière que le Coran demeurera jusqu'au Jour du Jugement, ainsi demeurera la descendance du Saint Prophète. Aucune période du temps ne sera privée de l'existence de l’Imam, le chef réel et le guide des hommes.

2- Par ces deux grands dépôts (amanat), le Prophète a répondu à tous les besoins religieux et intellectuels des musulmans. II a présenté sa Famille aux musulmans comme l'autorité en matière de connaissance et a déclaré les paroles et les actes de sa Famille comme dignes de foi et faisant autorité.

3- On ne doit pas séparer le Coran de la Famille du Prophète. Aucun musulman n'a le droit de rejeter les «sciences» de la Famille du Prophète et de se soustraire à sa direction et sa conduite.

4- Si les hommes obéissent aux Imams de la Famille du Prophète et suivent leurs paroles, ils n'erreront jamais. Dieu sera toujours avec eux.

5- Les réponses aux besoins religieux et intellectuels des hommes doivent être trouvées auprès de la Famille du Prophète. Quiconque la suit ne tombera pas dans l'erreur et atteindra le vrai bonheur, et cela parce que la Famille du Prophète est libre de l'erreur et du péché et elle est infaillible. II ressort de ceci que par «Famille du Prophète» et «descendants», tous les descendants et parents du Prophète ne sont pas désignés mais seulement les descendants directs, ceux qui sont accomplis dans les sciences religieuses et protégés contre l'erreur et le péché en sorte qu'ils sont qualifiés pour guider

et diriger les hommes. Pour le shi'isme ces personnes sont Ali Ibn Abi Tâlib et ses onzes descendants qui furent choisis l'un après l'autre pour assumer l'imamat. Cette interprétation est également confirmée par les traditions du Prophéte. Par exemple, Ibn Abbas a dit: «j'ai demandé au Prophète : Quels sont vos descendants dont l'amour est obligatoire (pour les musulmans)? II répondit : Ali, Fâtimah, Hassan et Hossein» (13). Djâbir a transmis cette parole du Prophète: «Dieu plaça les enfants de tous les prophètes dans leur épine dorsale,mais II plaça mes enfants dans l'épine dorsale d'Ali» (14).

Le hadith authentique de Umm Salmah dit: «J'ai entendu le Prophète de Dieu dire: Ali est avec la Vérité et le Coran, et la Vérité et le Coran sont avec Ali; ils seront inséaprables jusqu'à ce qu'ils me rejoignent à Kawlharw (15).

Le hadith de Manzilah: Saad Ibn Abi Waqqâs a dit: «Le Prophète de Dieu a dit à Ali: N'es-tu pas satisfait d'être par rapport à moi ce que Aron était à Moise, bien qu'après moi il n'y aura pas d'autre Prophète» (16)

Le hadith de da'wat-i'ashirah: «Le Prophète invita ses parents pour un diher et après le repas leur déclara: Je ne connais personne qui eût apporté à son peuple meilleure chose que ce que je vous apporte. Dieu m'a commandé de vous inviter à Lui. Qui d'entre vous m'assistera dans cette tâche, il sera mon frère, mon héritier (wazîr) et mon représentant (Kalife) parmi vous?» Tous demeurèrent silencieux, sauf Ali, le plus jeune de tous, qui s'exclama: «Je serai ton délégué et ton aide». Alors le Prophète mit sa main sur ses épaules et dit: «Il est mon frère, mon héritier et mon représentant, vous devez lui obéir». Le groupe commença à se disperser en riant et en disant à Abû Tâlib: «Mohammad t'ordonne d'obéir à ton fils!» (17).

Hodhayfah a dit: «Le Prophète de Dieu a dit: Si vous faites d'Ali mon représentant et mon successeur - ce que je ne pense pas que vous ferez - vous trouverez en lui un guide perspicace qui vous dirigera sur le droit chemin!» (18).

Ibn Marduyah rapporte que le Prophète a dit: «Quiconque désire que sa vie et sa mort soient comme les miennes et veut entrer au paradis, doit après moi aimer Ali et suivre ma Famille, car ils sont mes descendants et ont été créés de la même argile que moi. Ils partagent ma connaissance et mon intelligence. Donc malheur à qui renie leurs vertus. Mon intercession (au Jour du Jugement) n'ira jamais jusqu'à eux» (19).

3- Confirmation de la section précédente

De nombreux arguments du shi'isme relatifs à la succession du Prophète reposent sur la croyance selon laquelle, pendant les derniers jours de sa maladie, le Prophète, en présence de certains de ses Compagnons, demanda du papier et de l'encre (20) afin d'écrire quelque chose qui éviterait aux musulmans, s'ils s'y conformaient, de tomber dans l'erreur. L'une des personnes présentes estima le Prophète trop malade pour pouvoir dicter quoi que ce soi et dit : « Le Livre de Dieu nous suffit». Une telle clameur s'éleva que le Prophète demanda aux personnes présentes de se retirer, «car en présence d"un prophète il ne doit y avoir ni bruit ni clameur».

En raison de ce qu'on a dit plus haut des hadiths relatifs à la succession et des événements qui suivirent la mort du Prophète, et surtout du fait qu'Ali et ses proches ne furent pas consultés pour le choix du successeur du Prophète, les shi'ites conclurent que le Prophète avait voulu dicter ses intentions définitives concernant la personne qui devait lui succéder, mais qu'il ne fut pas en mesure de le faire.

Le but des propos de certains de ceux qui étaient présents semble avoir été de créer la confusion et d'empécher que cette décision finale fût clairement énoncée. Le fait qu'ils aient interrompu le discoure du Prophète ne semble pas avoir été dû à ce qu'on pourrait croire: La crainte que le Prophète prononce des paroles aberrantes du fait de la gravité de sa maladie. II faut d'abord souligner que tout au long de sa maladie, on n'a pas entendu le Prophète prononcer de paroles insensées et que rien de ce genre n'a été transmis à son sujet. De plus, selon les principes de l'Islam, le Prophète est préservé par Dieu de la profération de paroles insensées ou délirantes, et il est infaillible.

Ensuite, si les paroles prononcées en cette occasion devant le Prophète par certaines des personnes présentes, avaient été sérieuses, la phrase suivante n'aurait pas eu de sens: «Le Iivre de Dieu est suffisant pour nous». Afin de ustifier le fait que le Prophète puisse prononcer des paroles absurdes dans des circonstances inhabituelles, on aurait invoqué sa maladie grave plutôt que la prétention selon laquelle le Coran rendait superflues les paroles du Prophète. Car on ne peut cacher à aucun musulman que le texte même du Coran considère l'obéissance au Prophète comme obligatoire, et affirme que ;ses paroles sont en un sens les paroles de Dieu. Selon le texte du Coran, les musulmans doivent absolument obéir à la fois aux commandements de Dieu et à ceux du Prophète. Enfin, un incident lié à la maladie du premier calife survint pendant les derniers jours de ce dernier. Par testament, il avait choisi Omar Ibn el Khattâb, comme successeur. Or pendant qu'Othmân écrivait le testament sur ordre du premier calife,celui-ci s'évanouit.Pourtant le second calife ne répéta pas les paroles qui avaient été prononcées dans le cas du Prophète selon le hadith «de la plume et du papier» (21).Ce fait a été confirmé par un hadith rapporté par Ibn Abbas (22). et il a été rapporté à propos du second calife qui a dit: «11 (Ali) méritait le califat mais le clan de Quraych n'aurait pu le supporter, car s'il avait été calife, il aurait forcé les gens à accepter la pure vérité et à suivre le droit chemin. Sous son califat, ils n'auraient pas eu la latitude de transgresser les limites de la justice et ainsi auraient cherché à se mettre en guerre contre lui» (23).

II est évident que selon les principes religieux, on doit forcer celui qui a dévié de la vérité à suivre celle-ci; on ne doit pas abandonner la vérité par amour de celui qui l’a abandonnée. Quand le premier calife fut informé (24) que certaines tribus musulmanes avaient refusé de s'acquitter de la taxe religieuse, il ordonna la guerre et dit: «S'ils ne me livrent pas la dïme qu'ils donnaient au Prophète, je me battrai contre eux». Par cette parole,il voulait évidemment dire que la justice et la vérité devaient être revivifiées à tout prix. Le problème du califat légitime était certainement plus important et plus significatif que la dûne, et le sh'isme pense que le même principe appliqué par le premier calife en cette matière aurait dû être appliqué par l'ensemble de la communauté au problème-de la succession du Prophète.

4- L 'Imamat et son rôle dans l'interprétation des connaissances divines

Dans le chapitre sur la prophétie, on a dit que, selon les lois immuables et nécessaires du gouvernement divin général, chaque espèce créée est orientée, par voie de genèse et de génération, vers sa perfection et son bonheur spécifique. L'espèce humaine ne fait pas exception à cette loi générale. L'homme doit être guidé par un même «instinct» de recherche de la vérité et par une réflexion sur sa vie en société, de sorte que son bien-être ici-bas et dans l'au-delà soit assuré. En d'autres termes, afin d'atteindre le bonheur humain et la perfection, l’homme doit accepter certaines doctrines et certaines obligations pratiques et fonder sa vie sur elles.

On a déjà dit que l'intelligence de ce programme de vie intégrale qu'est la religion ne relève pas de la raison,mais de la révélation et de la prophétie, qui se manifestent en certains êtres purs, appelés Prophètes. Ce sont les Prophètes qui reçoivent de Dieu, par révélation, la connaissance des devoirs et des obligations qu’ils doivent transmettre aux hommes, afin qu'en les accomplissant, ceux-ci parviennent au bonheur.

II est évident que, tout comme ce raisonnement implique la nécessité de la connaissance pour guider les hommes vers le bonheur et la perfection, il prouve aussi la nécessité de l'existence de certaines personnes qui conservent intacte la totalité de cette connaissance et qui instruisent les gens chaque fois que cela est nécessaire. De même que la compassion divine exige l'existence de personnes connaissant les devoirs de l’humanité par révélation, de même exige-t-elle que ces devoirs humains et ces actions d'origine céleste soient à jamais conservés dans le monde et, au besoin, présentés et expliqués à l'humanité. En d'autres termes, il doit toujours y avoir des hommes pour conserver la religion de Dieu et l'expliquer chaque fois que cela est nécessaire.

La personne chargée de garder et de préserver le message divin après sa révélation, et choisie par Dieu pour cette fonction, est appelée Imam, tout comme la personne qui porte l'espirt prophétique et a pour fonction de recevoir les ordres divins et les Lois de Dieu est appelée Prophète. L'imamat (25) et la prophétie peuvent être réunis en une seule personne.comme ils peuvent être séparés.

L'arguement avancé plus haut pour prouver l'infaillibilité des Prophètes, démontre également l'infaillibilité des lmams, car Dieu doit garder intacte sa véritable religion, de telle sorte qu'elle puisse se répandre dans l'humanité à toutes les époques. Ce qui est impossible sans l'infaillibilité, sans la protection divine contre l'erreur.

5- La différence entre le Prophète et l’Imam

L'arguement cité plus haut, concernant la réception des Lois divines par les Prophètes prouve seulement les fondements de la prophétie, c'est-à-dire la réception de ces lois elles-mêmes. L'argument n'implique pas la persistance et la continuité de la prophétie, même si le fait que ces ordres prophétiques ont été préservés naturellement fait surgir l'idée de persistance et de continuité. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire pour un Prophète (nabi) d'être toujours présent parmi les hommes; mais l'existence de l'Imam, qui est le gardien de la religion divine, est au contraire une nécessité permanente pour la société humaine. La société humaine ne peut jamais se passer de l’Imam, qu’il soit connu ou non. Dieu dit dans Son Livre: «Si les autres n'y croient pas; Nous en avons confié le dépôt à des gens (c'est-à-dire les Imam) qui ne sont pas incrédules» (Coran VI, 89).

Comme on l'a déjà dit, les fonctions de prophétie et d'imamat peuvent être cumulées dans une seule personne, destinée aussi bien à recevoir la Loi divine, qu'à la préserver et à l'expliquer. Parfois elles peuvent être séparées, comme dans les périodes oû il n'y a aucun Prophète vivant, mais où existe un véritable Imam vivant parmi les hommes. II est évident que le nombre des Prophètes de Dieu est limité et que les Prophètes n'ont pas été présents à chaque époque.

II est aussi remarquable que dans le Livre de Dieu, certains Prophètes ont été présentés comme Imams, tels le Prophète Abraham, au sujet duquel il est dit : « Lorsque son Seigneur éprouva Abraham par certains ordres et que celui-ci les eut accomplis, Dieu dit : Je vais faire de toi un Imam pour les hommes, Abraham dit : Et pour ma descendance aussi? Le Seigneur dit :Mon alliance ne concerne pas les injustes» (Coran II, 124). Et aussi: «Nous les avons établis comme des Imam qui dirigent les hommes selon Notre ordre» (CoranXXI,73).

6 - L 'imamat et son rôle dans la dimension ésotérique de la religion

De même que l'Imam guide les hommes dans leurs actions extérieures,de même assure-t-il leur direction ésotérique. II est le guide de la caravane humaine se dirigeant intérieurement et ésotériquemrnt vers Dieu. Afin d'éclairer cette vérité nous commencerons par deux commentaires préalables.

Premièrement, sans nul doute, pour l’Islam aussi bien que pour d'autres religions, le seul moyen d'atteindre le bonheur véritable et éternel ou au contraire le malheur, consiste dans les actions bonnes ou mavaises que l’homme apprend à distinguer par l'instruction religieuse ainsi que par sa propre nature originelle et son intelligence.

Deuxièmement, dans la révélation et la prophétie, Dieu a loué ou condamné les actions de l’homme en usant du langage des êtres humains et de la société dans laquelle ils vivent. II a promis, à ceux qui font le bien, obéissent et acceptent les enseignements de la révélation, une vie éternelle heureuse dans laquelle seront réalisés tous les désirs qui s'accordent avec la perfection humaine.Quant à ceux qui font le mal et pratiquent l'iniquité, II leur a promis une vie de perpétuelle amertume dans laquelle ils éprouveront toutes les formes de misère et de déception.

Bien sûr, Dieu qui est sous tous les rapports au dessus de ce que l'on peut imaginer, n'a pas comme nous une «pensée» moulée d'après une structure sociale particulière. Les relations de maitre à serviteur, de dirigeant à dirigé, d'ordre à interdiction, de récompense à punition, n'existent pas en dehors de notre vie sociale. L'ordre divin est le système de la Création lui-même, dans lequel l'existence et l’apparition de toute chose ne dépendent que de leur création par Dieu, selon les relations réelles et uniquement selon elles. De plus, comme il est dit dans le Coran (26) et les hadiths, la religion contient des vérités qui dépassent la compréhension commune de l’homme, vérités que Dieu nous a révélées dans un langage que l'on peut comprendre au niveau de notre entendement.

On peut donc conclure qu'il y a une véritable relation entre les actions bonnes et mauvaises, et le genre de vie qui est préparé pour l’homme dans l'éternité, une relation qui détermine le bonheur ou le malheur de la vie future selon le Vouloir divin. Ou encore, en termes plus simples, on peut dire que chaque action, bonne ou mauvaise, provoque un effet réel dans l'âme de I’homme et détermine le type de sa vie future. Qu'il en ait conscient ou non, l’homme est comme un enfant en train d'être éduqué. Des instructions du maitre, l'enfant n'entend que des «fais» et «ne fais pas», mais ne comprend pas le sens des actions qu'il accomplit. Pourtant, devenu grand et en raison des qualités intellectuelles et spirituelles acquises pendant sa période de formation, il est capable de jouir d'une vie sociale heureuse. Si toutefois il refuse de se soumettre aux instructions de son bienveillant éducateur, il ne connailra que misère et malheur. Ou encore, l’homme est comme un malade qui, sous la surveillance d'un médecin, prend des médicaments et de la nourriture, pratique des exercices spéciaux commandés par le médecin et n'a d'autre devoir que d'obéir aux instructions de ce dernier. Le résultat de cette obéissance aux ordres du médecin est le recouvrement de l'équilibre dans la constitution, équilibre qui est la source de la santé et de toutes les formes du bien-être physique. En résumé, nous pouvons dire qu'à côté de sa vie extérieure, l’homme possède une vie intérieure, une vie spirituelle, qui est liée à ses actes et se développe en relation avec eux.et que son bonheur ou son malheur dans l'autre monde dépendent entièrement de sa vie intérieure.

Le Coran confirme cette thése (27) dans plusieurs versets, il affirme l'existence d'une autre vie et d'un autre esprit pour le vertueux et le fidèle, une vie supérieure à celle d'ici-bas et un esprit plus éclairé que l'esprit de l'homme que nous connaissons ici, actuellement. II affirme que les actes de l’homme produisent des effets intérieurs sur son âme, qui l'accompagnent à jamais. Dans les paroles prophétiques, il y a aussi de nombreuses références à ce point précis. Par exemple, dans le hadith du Mi'râdj (hadith de l'ascension nocturne), Dieu s'adresse au Prophète par ces mots: «Celui qui désire agir selon Ma satisfaction doit posséder trois qualités: il doit manifester une reconnaissance pure de toute ignorance, un souvenir sur lequel la poussière de l'oubli ne doit pas s'installer et un amour qui ne préfère pas les créatures à Mon amour. S'il M'aime Je l'aime; J'ouvrirai l'œil de son Cœur par la vue de Ma majesté et ne lui cacherai pas l'élite de Mes créatures. Je lui parlerai confidentiellement dans les ténèbres de la nuit et dans la lumière du jour, jusqu'à ce que sa conversation et ses relations avec les créatures cessent. Je lui ferai entendre Ma parole et la parole de Mes anges. Je lui révélerai le secret que J'ai voilé à Mes créatures. Je l'habillerai de la robe de la modestie jusqu'à ce que les créatures aient honte devant lui. II marchera sur la terre en ayant été pardonné. Je ferai que son cœur possède la conscience et la vision et ne lui cacherai rien du paradis ou de l'enfer. Je lui ferai connaitre ce que les gens éprouvent au Jour du Jugement, en fait de terreur et de calamité » (28).

L'Imam Sadiq (6ème Imam) - La paix soit sur lui - a raconté que le Prophète de Dieu - que la prière et la paix soient sur lui - reçut Hârithah Ibn Mâlik Ibn el Nu'mâm et lui demanda: «Comment es-tu, oh! Härithah?» II répondit: «oh! Prophète de Dieu, je vis comme un vrai croyant.» Le Prophète de Dieu lui dit: «Chaque chose possède sa vérité, quelle est la vérité de ta parole?» II répondit: «oh! Prophète de Dieu! mon âme s'est détournée du monde. Mes nuits se passent en état de veille et mes jours en état de soif. C'est comme si je regardais le Trône de mon Seigneur et si les comptes avaient été rendus, comme si je regardais les gens du paradis se visitant mutuellement dans le paradis et si j'entendais les pleurs des gens de l'enfer dans le feu.» Alors le Prophète de Dieu dit: «Voici un serviteur dont Dieu a illuminé le cœur » (29).

II faut se souvenir que souvent quelqu'un guide un autre, d'une manière bonne ou mauvaise, sans mettre lui-même en œuvre ses propres paroles. Dans le cas des Prophètes et des Imams, toutefois, dont les directives viennent de Dieu, cela n'arrive jamais. Ils pratiquent eux-mêmes la religion dont ils ont assumé la diiection. La vie spirituelle vers laquelle ils orientent l'humanité est leur propre vie spirituelle, (30) :car Dieu ne confie pas la conduite des autres à quelqu'un qu'Il n'a pas Lui-même guidé. La direction que Dieu a choisie de donner à 1 élite ne peut être ni violée ni transgressée.

De tout ceci, on peut tirer les conclusions suivantes:

a- Dans chaque communauté religieuse, les Prophètes et les Imams sont les premiers en perfection et les premiers à réaliser la vie spirituelle et religieuse qu'ils préchent, car ils doivent pratiquer, et pratiquent en fait leurs propres enseignements et participent à la vie spirituelle qu'ils professent.

b- Puisqu'ils sont les premiers parmi les hommes, qu'ils sont les chefs et les guides de la communauté, ils sont les plus vertueux et les plus parfaits des hommes.

c- La personne sur laquelle repose, par commandement divin, la responsabilité de la conduite de la communauté, cette personne est le guide de la vie extérieure de l’homme et de ses actions, tout comme elle est également le guide de la vie spirituelle et de la dimension intérieure de la vie humaine, ainsi que de la pratique religieuse (31).

7)- Les Imams et chefs de l'Islam

Nous concluons, de ce qui précéde, qu'après la mort du Prophète, un Imam a continuellement existé et continuera d'exister dans la communauté musulmane. Plusieurs hadiths prophétiques (32) ont été transmis décrivant les Imams, leur nombre, le fait qu'ils sont tous de Quraysh et de la Famille du Propphète et aussi le fait que le Mahdi promis est le dernier d'entre eux. De même, il existe des paroles authentiques au sujet de l’imamat d'Ali et du fait qu'il est le premier Imam, ainsi que des paroles du Prophète et d'Ali concernant l'imamat du second Imam. De même les Imams ont tous laissé des déclarations précises au sujet des Imams qui devaient leur succéder (33). Selon ces paroles, les Imams sont douze et leurs saints noms sont les suivants:

l- Ali Ibn Abi Tâlib

2- Hassan Ibn Ali

3- Hussain Ibn Ali

4- Ali Ibn Hussain

5- Mohammad Ibn Ali

6- Dja'afar Ibn Mohammad

7- Müssâ Ibn Dja'afer

8- Ali Ibn Müssâ

9- Mohammad Ibn Ali

10- Ali Ibn Mohammad

11 - Hassan Ibn Ali

12- Le Mahdi

8)- Une brève biographie des douze Imams

Le premier Imam

Amir al Mo'minih Ali, (Emir des Croyants), (34) - sur lui la paix - était le fils d'Abu Tâlib, le Sheikh des Banu Hashim. Abu Tâlib était l'oncle et le tuteur du Prophète. C'est lui qui avait introduit le Prophète dans son foyer et l'éleva comme son propre fils. Après que Mohammad fut choisi pour sa mission prophétique, Abu Tâlib continua de l'aider et éloigna de lui le mal qui venait des infidèles arabes et surtout Qurayshites.

Selon les récits traditionnels bien connus, Ali est né dix ans avant le début de la mission prophétique. Quand il eut atteint l'âge de six ans, à la suite d'une famine survenue à la Mecque et dans la région, le Prophète demanda à l'adopter, le prit en charge et l'éduqua pour aider son oncle, qui avait une famille nombreuse. II fut ainsi placé directement sous la garde du Prophète.(35)

Quelques années plus tard, le Prophète reçut la révélation divine dans la grotte de Hirâ. Comme il quittait la grotte pour retourner chez lui, en ville, il rencontra Ali en chemin. II lui raconta ce qui était arrivé et Ali accepta la nouvelle foi.(36)

Une autre fois, dans une réunion où le Prophète avait convié ses parents pour les inviter à accepter la nouvelle religion, il dit que la première personne è accepter son appel serait son représentant et son héritier. La seule personne à se lever de sa place et à accepter la foi fut Ali. Le Prophète accepta sa déclaration de foi et tint ses promesses envers lui. (37) Par conséquent, Ali fut le premier homme en Islam à accepter la foi et il est le premier qui n'ait jamais adoré que le seul Dieu. Ali était toujours en compagnie du Prophète jusqu'à ce que celui-ci émigra de la Mecque à Médine. La veille de l'émigration à Médine, alors que les infidèles avaient encerclé la maison du Prophète et étaient décidés à l'envahir de nuit et à assassiner le Prophète dans son lit, Ali dormit à la place du Prophète pendant que ce dernier quittait sa maison et se mettait en route pour Médine. (38) Après son départ, Ali comme l'avait souhaité le Prophète, rendit aux gens les dépôts qu'ils avaient confiés à Mohammad. Ensuite il partit pour Médine avec sa mère, la fille du Prophète, et deux autres femmes. (39) A Médine également, Ali était constamment en compagnie du Prophète, en privé comme en public. Le Prophète donna Fatimah, sa fille bien-aimée, née de Khadidjah, en épouse à Ali, et quand le Prophète institua des liens de fraternité entre ses Compagnons, il se choisit Ali comme frère.(40)

Ali fut présent à toutes les guerres auxquelles participa le Prophète, sauf à la bataille de Tabuk parce qu'on lui avait commandé de rester à Médine

à la place du Prophète. (41) II ne battit en retraite dans aucune bataille ni ne tourna le dos à aucun ennemi. II ne désobéit jamais au Prophète, de sorte que celui-ci a dit : « Ali n'est jamais séparé de la vérité ni la vérité d'Ali ».(42)

A la mort du Propète, Ali avait trente trois ans. Bien qu'il fût le plus vertueux et le plus éminent des Compagnons du Prophète, il fut écarté du califat sous prétexte qu'il était trop jeune et qu'il avait beaucoup d'ennemis parmi le peuple à cause du sang des polythéistes qu'il avait versé durant les guerres menées avec le Prophète. Ali fut par conséquent complétement coupé des affaires publiques. II se retira chez lui où il commença à instruire des gens dans les sciences divines et passa ainsi les vingt cinq années du califat des trois premiers califes qui succédèrent au Prophète. Quand le troisième calife fut tué, le peuple préta serment d'allégeance à Ali qui fut choisi conmme calife.

Pendant son califat de près de quatre ans et neuf mois, Ali suivit la voie du Prophète et donna à son califat l'allure d’un renouveau, dun mouvement spirituel et révolutionnaire, et entreprit plusieurs types de réformes. Naturellement, ces réformes allaient contre les intéréts de certains groupes qui n'oeuvraient que pour leurs propres intéréts. II en résulta qu'un groupe de Compagnons (en tête desquels se trouvaient Talhah et Zubayr, soutenus par Aithah, et surtout par Mu'awiya) firent de la mort du troisième calife un prétexte pour se dresser et se révolter contre Ali.

Afin d'éteindre la guerre civile et la sédition, Ali engagea une bataille près de Bassorah, connue sous le nom de «la bataille du chameau», contre Talha et Zubayr, dans laquelle Aishah, «la Mère des croyants» était également impliquée. Il engagea une autre guerre contre Mu'awiya sur la frontière de l'Iraq et de la Syrie, qui dura un an et demi et est connue sous le nom de «la bataille de Siffin». II se battit également contre les Khawâridj (43), à «la bataille de Nahrawän». La plupart des jours du califat d'Ali se passèrent à surmonter et à supprimer les difficultés intérieures. Finalement, au matin du 19ème jour de Ramadân de l'an 40 Hégire alors qu'il priait dans la mosquée à Koufa, il fut blessé par un membre des Khawâridj et mourut en martyr pendant la nuit du 21. (44)

Selon le témoignage de ses amis aussi bien que de ses ennemis, Ali ne connut aucune des insuffisances humaines. II fut un exemple parfait de l'éducation islamique donnée par le Prophète. Les discussions concernant sa personnalité et les livres écrits à son sujet par les shi'ites, les sunnites, les adhérents d'autres religions, ainsi que par des esprits indépendants curieux, sont égalés avec peine par les autres personnalités de l'histoire.

En ce qui concerne la science et la connaissance, Ali fut le plus savant des Compagnons du Prophète, et des musulmans en général. Dans ses discours il fut le premier en Islam à ouvrir la voie de la démonstration et de la preuve logique et à discuter «les sciences divines» ou métaphysiques. II évoqua l'aspect ésotérique du Coran et créa la grammaire arabe afin de préserver la forme d'expression coranique, II fut le plus éloquent des orateurs arabes.

Le courage d'Ali était proverbial. Dans toutes les guerres auxquelles il participa du vivant du Prophète, de même que par la suite, il ne manifesta jamais aucune peur ni anxiété. Bien qu'en plusieurs batailles comme celles d'Ohod, Hunayn, Khaybar et Khandaq, ceux qui assistaient le Prophète, ainsi que l'armée musulmane tremblèrent de peur ou se dispersèrent et s'enfuirent, Ali, lui, ne montra jamais le dos à l'ennemi. Jamais un guerrier ou un soldat qui avait engagé un combat avec Ali, n'en sortit vivant. Pourtant en toute noblesse, il n'abattit jamais un ennemi faible ni ne poursuivit ceux qui fuyaient. II n'engageait pas d'attaque par surprise ni n'avait recours au détoumement des cours d'eau pour noyer l'ennemi. II a été historiquement établi de manière certaine que pendant la bataille de Khaybar, lors de l'attaque, Il empoigna l'anneau de la porte du fort et d'un mouvement brusque arracha celle-ci pour la projeter au loin. (45)

De même, le jour de la conquéte de la Mecque, le Prophète ordonna de briser les idoles. L'idole «Hubal» était la plus grande de la Mecque, une statue géante taillée dans la pierre au sommet de la Ka'abah. Sur l'ordre du Prophète, Ali plaça ses pieds sur les épaules de ce dernier, monta au sommet de la Ka'abah, tira la statue de «Hubal» de sa place et la jeta à terre.(46)

Ali était de même incomparable en matière d'ascétisme religieux et d'adoration de Dieu. En réponse à certains qui se plaignaient de la colère d'Ali envers eux, le Prophète déclara: «Ne faites pas de reproches à Ali car il est dans un état d'extase divine et d'émerveillement».(47)

Abu Dardâ, l'un des Compagnons, vit un jour le corps d'Ali dans une des palmeraies de Médine, étendu sur le sol et aussi dur que du bois. D courut à la maison d'Ali pour informer sa noble épouse, la fille du Prophète, et lui exprimer ses condoléances. La fille du Prophète lui dit: «Mon cousin (Ali) n'est pas mort. Mais il s'est évanoui dans la crainte de Dieu. Ceci lui arrive souvent».

II existe plusieurs anecdotes au sujet de la gentillesse d'Ali envers les humbles, de sa compassion pour les pauvres, de sa générosité et de sa munificence pour ceux qui se trouvaient dans la misère. Ali dépensa tout ce qu'il gagna à aider les pauvres et ceux qui étaient dans le besoin.et vécut lui-même de la manière la plus austèrc et la plus simple. Ali aimait l'agriculture et passa beaucoup de temps à creuser des puits, planter des arbres et cultivcr des champs. Mais tous les champs qu'il cultiva et les puits qu'il creusa, il les offrit en donation aux pauvres. Ses donations, connues sous le nom d'«aumônes d'Ali», atteignirent, vers la fin de sa vie, la somme considérable de vingt quatre mille dinars d'or. (48)

Le deuxième Imam

L'Imam Hassan el-Modjtabâ - la paix soit sur lui - fut le deuxième Imam. Lui et son frère, l’Imam Hossain, furent les deux fils de Amir al-Mominin Ali, et de Fâtimah, la fille du Prophète.

A plusieurs reprises, le Prophète avait dit: «Hassan et Hossain sont mes enfants». A cause de ces paroles, Ali disait à ses autres enfants : «Vous êtes mes enfants et Hassan et Hossain sont les enfants du Prophète».(49)

L'Imam Hassan est né en l'an 3 de l'Hégire à Médine (50) et partagea la vie du Prophète pour un peu plus de sept ans, grandissant sous son affection pleine d'attention. Après la mort du Prophète, qui ne survint que trois mois (ou six selon certains) avant le décès de Fâtimah, Hassan fut placé directement sous la direction de son noble père.

Après la mort de son père, par Ordre divin et selon la volonté de son père, Hassan devint Imam; il assuma la charge extérieure du califat pendant environ six mois, administrant pour ce temps les affaires des musulmans. Pendant cette période, Mu'awiyah,qui était un ennemi juré d'Ali et de sa famille et qui s'était battu pendant des années dans l'espoir de se saisir du califat, d'abord sous prétexte de venger la mort du troisième calife, et ensuite avec la revendication ouverte du califat, envoya son armée en Iraq, siège du califat de l’Imam Hassan. Une guerre s'ensuivit au cours de laquelle Mü'awiyah corrompit progressivement les chefs de l'armée de l’Imam Hassan par de grandes sommes d'argent et de fausses promesses, jusqu'à ce que l'armée se rèvolte contre l'Imam Hassan. (51) Finalement, l'Imam contraint, fit la paix et abandonna le califat à Mu'awiyah,à condition qu'il retournat à l'Imam Hassan après la mort de Mu'awiyah et que la famille de l'Imam ainsi que ses partisans fussent protégés de toute manière. (52)

Ainsi Mu'awiyah, accéda au califat et entra en Iraq. Dans un discours public, il rendit officielement nulles et non avenues toutes les conditions de paix (53) et plaça les membres de la famille du Prophète et les shi'ites sous surveillance. Tout au long de ses dix années d'Imamat, l’Imam Hassan vécut dans les conditions très pénibles sans aucune sécurité même dans sa propre demeure. En l'année 50 de l'Hégire, il fut empoisonné, par sa femme qui était à la solde de Mu'awiyah .(54)

L'Imam Hassan rappelait son père par sa perfection humaine et était l'image parfaite de son noble grand-père. En fait, tant que le Prophète était vivant, lui-même et son frère étaient toujours en sa compagnie. Le Prophète les portait même parfois sur ses épaules. Aussi bien les sources sunnites et shi'ites ont transmis cette parole du Prophète au sujet de Hassan et de Hossain : «Ces deux, mes enfants, sont Imâms, qu'ils soient debout ou assis» (c'est-à-dire qu'ils occupent la fonction extérieure du califat ou non). (55) De même il existe plusieuis hadiths du Prophète et d'Ali concernant le fait que l'Imam Hassan acquerrait la fonction d'Imam après son noble père.

Le troisième Imam

L'Imam Hossain (Sayyid el-Shuhadâ «Le seigneur des martyrs») le deuxième fils d'Ali et Fâtimah, est né en l'an 4 de l'Hégire; après le martyre de son frère, l'Imam Hassan al-Modjtabâ, il devint Imam par Ordre divin et selon la volonté de son frère. (56) L'Imam Hossain fut Imam pour une période de dix ans, dont la totalité, excepté les six derniers mois, coincida avec le califat de Mu'awiyah.

L'Imam Hossain vécut dans des conditions de répression et de persécution des plus pénibles. Ceci parce que les lois religieuses avaient perdu beaucoup de leur poids et de leur crédit, alors que les édits du gouvernement omeyyad avaient acquis une puissance et une autorité totales. De plus, Mu'awiyah et ses collaborateurs utilisèrent tous les moyens possibles pour écarter définitivement du pouvoir la famille du Prophète et les shi'ites, et supprimer ainsi le nom d'Ali et celui de sa famille. Par-dessus tout, Mu'awiyah voulait renforcer l'assise du califat de son fils, Yazid, auquel un important groupe de musulmans était défavorable, en raison de son manque de principes et de scrupules. Afin d'écraser toute opposition, Mu'awiyah prit de nouvelles mesures plus sév_res. L'Imam Hossain dut endurer toutes sortes d’humiliations de la part de Mu'awiyah et de ses collaborateurs; jusqu'à ce qu'au milieu de l'année 60, Mu'awiyah mourut et que son fïls Yazid grit sa place. (57)

Prèter allégeance (bay'ah) était une vieille pratique arabe accomplie dans les occasions importantes, telles que l'intronisation d'un nouveau roi. Ceux qui étaient gouvernés, et surtout les plus connus d'entre eux, donnaient leurs mains en signe d'allégeance, de consentement et d'obéissance à leur prince ou leur roi, leur manifestant ainsi leur approbation. Le désacord après l'allégeance était considéré comme un déshonneur pour une tribu, de même que résilier un contrat après l'avoir signé officiellement était considéré comme un crime. Suivant l'exemple du Prophète,les gens pensaient que l'allégeance, quand elle était prètée librement et non par force, faisait autorité. Mu'awiyah demanda aux notables de préter allégeance à Yazid mais n'imposa pas cette requéte à l'Imam Hossain, (58) II avait dit à Yazid dans ses dernières volontés, que si Hossain refusait de prèter allégeance il devait faire comme si de rien n'était, car il avait bien compris les conséquences désastreuses qu'aurait entraihées le recours à la force.

Mais à cause de son égoisme et de sa témérité, Yazid négligea le conseil de son père et, immédiatement après la mort de ce dernier, ordonna au gouvemeur de Médine d'obtenir de force un serment d'allégeance de l'Imam Hossain, ou alors d'envoyer sa tête à Damas.(59)

Après que le gouvernement de Médine eût informé l’Imam Hossain de cette demande, ces dernier demanda un délai de réflexion avant de répondre et partit dans la nuit avec sa famille vers la Mecque. II chercha refuge dans le sanctuaire de Dieu, lieu officiel de refuge et de sécurité. Cet événement advint vers la fin du mois de Radjab et le début de Shaban de l'an 60 de l'Hégire. Pendant près de quatre mois l'Imam Hossain demeura à la Mecque, en réfugié. Cette nouvelle se répandit à travers tout le monde islamique. D'une part, beaucoup de personnes qui étaient lasses des iniquités de Mu'awiyahet encore plus mécontentes lorsque Yazid devint calife, écrivirent à l’Imam Hossaîn et lui exprimèrent leur sympathie. D'autre part,un torrent de lettres commença à affluer, spécialement de l'Iraq et surtout de la ville de Koufa, invitant l'Imam à aller en Iraq et à accepter de prendre la tête de la population locale dans le but de provoquer un soulèvement et de réprimer l'injustice et l'iniquité. Une telle situation était certainement dangereuse pour Yazid.

Le séjour de l'Imam Hossain à la Mecque se prolongea jusqu'à l'époque du pélerinage, alors que des musulmans de toutes les régions du monde arrivaient par groupes pour accomplir les rites du Hadjdj. L'Imam découvrit que quelques uns des partisans de Yazid étaient entrès à la Mecque comme pélerins, avec mission de le tuer pendant les rites du Hadjdj, à l'aide d'armes cachées sous leurs robes spéciales de pélerins. (60)

L'Imam abrégea les rites du pélerinage et décida de partir. II se dressa au milieu de la grande foule des pélerins et, en un bref discours, annoça qu'il s'apprètait à partir pour l'Iraq. (61) Dans ce discours, il déclara également qu'il tombera en martyr et demanda aux musulmans de l'aider à atteindre le but qu'il s'était fîxé et d'offrir leurs vies sur le chemin de Dieu. Le jour suivant, il partit avec sa famille et un groupe de ses compagnons pour l'Iraq.

L'Imam Hossain était déterminé à ne pas préter serment d'allégeance à Yazid et savait très bien qu'il sera tué. II était conscient que sa mort était inévitable en face de la puissance militaire effrayante des Omeyyads, favorisée par la corruption dans certains secteurs, le déclin spirituel, le manque de volonté dans le peuple, surtout en Iraq.

Certaines des personnes en vue de la Mecque se tinrent sur le chemin de l’Imam pour le mettre en garde des dangers que comportait son voyage. II répondit qu'il refusait de prèter allégeance et d'approuver un gouvernement injuste et tyrannique. II ajouta qu'il savait que, où qu'il aille, il serait assassiné (62) et qu'il quittait la Mecque pour préserver la Maison de Dieu et éviter que son sang y soit versé.

Sur le chemin de Koufa et à quelques jours de marche de la ville, il reçut la nouvelle que l'agent de Yazid à Koufa avait exécuté le représentant de rimam dans la cité ainsi que l'un de ses sympathisants bien connu à Koufa. Leurs pieds avaient été attachés et ils furent trainés dans les rues.(63) La ville et les environs avaient été placés sous stricte surveillance et d'innombrables soldats de l'ennemi attendaient Hossain. II n'y avait pas d'autre choix pour lui que d'avancer vers la mort.

Ce fut là que l’Imam exprima sa ferme détermination à aller de l'avant et à mourir en martyr. (64)

A soixante dix kilomètres de Koufa dans un désert nommé Karbala, l’Imam et son entourage furent encerclés par l'armée de Yazid. Pendant huit jours, ils demeurèrent là, alors que l'encerclement se rétrécissait et que le nombre des ennemis augmentait. Finalement l’Imam, avec sa famille et un petit nombre de ses compagnons furent encerclés par une armée de trente mille soldats. (65)

Durant ces jours, l'Imam fortifia sa position et fit une sélection parmi ses compagnons. La nuit, il appela ses compagnons et, en une brève allocution déclara qu'il n'y avait rien à espérer sinon la mort et le martyre; il ajouta que, puisque l’ennemi n'était intéressé qu'à sa propre personne, il les libérait de toute obligation afin que, s'ils désiraient fuir dans l'obscurité de la nuit, ils puissent sauver leur vie.

Ensuite, il ordonna d'éteindre les lumières et la plupart de ses compagnons, qui l'avaient rejoint par interét personnel, se dispersèrent. Seuls restèrent une poignée de ceux qui aimaient la vérité - environ quarante parmi ses proches collaborateurs - et quelques uns des Banu Hâchim.(66)

De nouveau, l'Imam rassembla ceux qui restèrent et les soumit à une épreuve. II s'adressa à eux, compagnons et proches hichimites, leur répétant que l'ennemi ne s'intéressait qu'à sa personne. Chacun pouvait tirer avantage de l'obscurité de la nuit et échapper au danger. Mais cette fois, les fidèles compagnons de l’Imam répondirent, chacun à sa manière, qu'ils ne dévieraient pas un seul mstant du chemin de la vérité dont l'Imam était le guide et qu’ils ne l'abandonneraient jamais. Ils dirent qu'ils défendraient sa famille jusqu'à leur dernière goutte de sang et aussi longtemps qu'ils pourraient tenir un sabre à la main. (67)

Au neuvième jour du mois, un dernier ultimatum l'invitant à choisir entre «préter serment d'allégeance ou la guerre» fut adressé à l'lmam par l'ennemi. L'Imam demanda un délai pour prier toute la nuit et se détermina a entrer dans la bataille le jour suivant. (68) Au dixième jour de Moharam de l'an 61 (680), l'Imam s'aligna en face de l'ennemi avec son petit groupe de fidèles, de moins de quatre vingt dix personnes se composant de quarante de ses compagnons, et de trente membres de l'armée ennemie qui l'avaient rejoint pendant la nuit et le jour de la bataille ainsi que de sa famille hâchimite: enfants, frères, neveux, nièces et cousins.

Ce jour-là, ils se battirent jusqu'à leur dernier souffle, et l'Imam, les jeunes hâchimites et ses compagnons tombèrent tous en martyrs. Parmi ceux qui furent tués figuraient deux enfants de l'Imam Hassan, qui n'étaient âgée que de treize et onze ans, ainsi qu'un enfant de cinq ans et un nourrisson, tous deux fîls de l'Imam Hossain.

L'armée de l'ennemi, après la fin de la bataille, pilla le harem de l'Imam et brûla ses tentes. Elle décapita les corps des martyrs, les dévêtit et les jeta sur le sol sans les enterrer. Ensuite, elle emmena les membres du harem - des femmes et des filles sans défense - ainsi que les tétes des martyrs,à Koufa.(69) Parmi les prisonniers, il y avait trois hommes de la famille de l'Imam : un de ses fils, âgé de vingt deux ans, qui était très malade et incapable de bouger, Ali Ibn Hussain, le futur quatrième Imam, le fils de ce dernier, alors âgé de quatre ans, Mohammad Ben Ali, qui devait devenir le cinquième Imam et enfin Hassan Mothannâ, le fils du deuxième Imam qui était également le beau-fils de l'Imam Hossain et gisait blessé pendant la bataille, parmi les morts. II fut trouvé presque mourant et grâce à l'intervention d'un général ne fut pas décapité. On l'emmena plutôt avec les prisonniers à Koufa et de là à Damas pour paraitre devant Yazîd.

L'événement de Karbala, la capture des femmes et des enfants de la Maison du Prophète, leur déplacement de ville en ville comme prisonniers et prisonnières et les discours prononcés par Zaynab, la fille d'Ali, ainsi que par le quatrième Imam, tous deux au nombre des prisonniers, provoquèrent la disgrâce des Omeyyads. De tels abus envers la famille du Prophète neutralisèrent la propagande soutenue par Mu'awiyah depuis des années. L'affaire prit de telles proportions que Yazîd désavoua et condamna publiquement les actions de ses agents.

L'événement de Karbala joua un rôle majeur dans le renversement du gouvernement omeyyad, bien que son effet fut retardé. Il renforça également les racines du shi'isme. Comme conséquence immédiate, il y eut les révoltes et les guerres sanglantes qui se poursuivirent pendant douze années. Parmi ceux qui causèrent la mort de l'Imam, aucun ne put échapper à la vengeance punitive.

Quiconque étudie attentivement la vie de l'Imam Hossain et de Yazid et les conditions régnant à l'époque, se convaincra que l'Imam Hossain n'avait d'autre choix que de se faire martyriser. Jurer serment d'allégeance à Yazid aurait signifié une démonstration publique de mépris envers l’Islam, chose impossible pour l'Imam. Car Yazid, non seulement ne manifestait aucun respect pour l'Islam et ses commandements mais encore, foulait publiquement aux pieds, sans la moindre pudeur, ses fondements et ses lois. Les prédécesseurs, même s'ils s'opposaient aux règles religieuses, le faisaient toujours en conservant les apparences de la religion : ils respectaient la religion au moins dans ses formes extérieures. Ils s'enorgueillissaient d'être des Compagnons du Prophète et des autres saints personnages en lesquels le peuple avait confiance. De ceci, on peut conclure du caractère erroné de l'opinion de certains interprètes de ces événements selon qui les deux frères, Hassan et Hossain, avaient des gouts différents, l'un choisissant la voie de la paix et l'autre la voie de la guerre, de sorte que l'un des frères fit la paix avec Mu'awiyah tout en étant fort d’une armée de quarante mille hommes, alors que l'autre partit en guerre contxe Yazid avec une armée de quarante hommes. Nous voyons que le même Imam Hossain qui refusa de préter serment à Yazid pour un jour, vécut pendant dix ans sous le gouvernement ce Mu'awiyah de la même manière que son frère qui endura aussi pendant dix ans le règne de Mu'awiyah, sans s'opposer à lui.

II faut reconnaitre que si l'Imam Hassan ou l'Imain Hossain avaient combattu Mu'awiyah, ils seraient morts sans aucun bénéfice pour l’Islam. Leur mort n'aurait eu aucun effet face à la politique extérieurement droite de Moawiyah, ce politicien «compétent» qui souligna le fait qu'il était Compagnon du Prophète, «scribe de la révélation», et «oncle des croyants» et qui usa de tous les stratagèmes possibles pour conserver une apparence religieuse à son règne. De plus, avec son habileté de metteur en scène, pour atteindre ses fins, il les aurait fait assassiner par ses propres gens et aurait ensuite pris le deuil et cherché à venger leur sang, tout comme il avait tenté de simuler la vengeance de l’assassinat du troisième calife.

Le quatriéme Imam

L'Imam as-Sadjdjad (Ali Ibn Hossain nommé Zayn al-Abidûi et as-Sadjdjad) était le fîls du troisième Imam et de la princesse Shahibânû, la fille du Roi d'Iran Yazdegerd III. II était le seul survivant des fils de l'Imam Hossain, car ses trois frères, Ali Akbar, âgé de vingt cinq ans, Dja'afar de cinq ans et Ali Asghar (ou Abdallah) qui était un nourrisson furent tués à Karbala. (70)

L'Imam accompagnait son père dans ce voyage qui se termina si fatalement à Karbala; mais à cause d'une maladie grave et de son inaptitude à porter les armes, il fut empéché de participer à la guerre sainte et échappa au martyre. Il fut envoyé avec les femmes à Damas. Après une période d'emprisonnement, il fut renvoyé avec tous les honneurs à Médine, car Yazîd voulait se concilier l'opinion publique. Mais une seconde fois, sur ordre du calife omeyyad, Abd-al Malik, il fut enchaîné et envoyé de Médine à Damas, puis renvoyé de nouveau à Médine. (71)

. Après ce dernier retour à Médine, le quatrième Imam se retira complètement de la vie publique, ferma la porte de sa demeure aux étrangers et passa son temps en adoration. II fut en relation seulement avec l'élite des shi'ites tels Abu Hamzah Themâli, Abu Khâlid Kâbuli et leurs semblables. Cette élite répandit parmi les shi'ites les sciences religieuses qu'elle apprit de l'Imam. De cette manière, le shi'isme s'étendit considérablement pendant l'imamat du cinquième Imam. Parmi les oeuvres du quatrième Imam le livre nommé «Sahifah Sadjdjadiyah» qui consiste en cinquante sept prières se rapportant aux plus sublimes sciences divines est connu conune «le psautier de la famille du Prophète.»

Le quatrième Imam mourut (selon certaines traditions shi'ites.empoisonné par Walid Ibn Abd-al Malik, sur instigation du calife omeyyad Hishim) (72) en 95/712 après trente cinq ans d'imamat.

Le cinquiéme Imam

L'Imam Mohammd Ibn Ali Baqir (le mot Baqir signifie celui qui coupe et dissèque les sciences, un titre que le Prophète lui donna) (73) fils du quatrième Imam, est né en 57/675. Alors âgé de quatre ans, il était présent à l'événement de Karbala. Après son père, par Ordre divin et décret de ses prédécesseurs, il devint l’Imam. II mourut en l'an 114/732, empoisonné, selon certaines traditions shi'ites, par Ibrâhifri Ibn Walid Ibn Abdallah, le neveu de Hishâm, le calife omeyyad.

Pendant l’imamat du cinquième Imam et en conséquence des injustices perpétrées par les omeyyads, des révoltes et des guerres éclatèrent chaque jour quelque part dans le monde islamique. De plus, des querelles à l'intérieur de la famille omeyyad elle-même occupèrent le califat et laissèrent un peu de liberté aux membres de la famille du Prophète. Pai ailleurs, la tragédie de Karbala et l'oppression subie pai la famille du Prophète dont le quatrième Imam était le symbole vivant, attirèrent beaucoup de musulmans vers les-Imams. (74) Ces facteurs permirent au peuple et surtout aux shi'ites d'aller en grand nombre à Médine rejoindre le cinquième Imam. Certaines conditions qui n'avaient jamais existé sous ses prédécesseurs, se présentèrent au cinquième Imam pour répandre les vérités relatives à l'Islam et aux sciences de la famille du Prophète. La preuve en est les innombrables traditons attribuées au cinquième Imam et le grand nombre d'hommes illustres et de savants shiites formés par lui dans les différentes sciences islamiques. Ces noms sont enregistrés dans les biographies des hommes célèbres de l'Islam.(75)

Le sixième Imam

L'Imam Dja'afar Ibn Mohammad, as-Sâdiq, fils du cinquième Imam, est né en 83/702. Il mourut martyr en 148/765 selon les traditions shi'ites, empoisonné par ordre du calife Abasside, al Mansûr. Après la mort de son père, il devint Imam par Ordre divin et décret de ses prédécesseurs. Durant son imamat, le sixième Imam, jouit de plus grandes libertés et d’un climat plus favorable pour la propagation des enseignements religieux. Ce répit fut la conséquence de révoltes en terre islamique, notamment le soulèvement de Moswaddah visant à renverser le califat omeyyad, et des guerres sanglantes qui aboutirent finalement à sa chute. Les circonstances plus favorables à l'enseignement shi'ite étaient aussi le résultat du terrain que le cinquième Imam avait préparé pendant son imamat de vigt ans par la propagation des enseignements véritables de l'Islam et des sciences de la famille du Prophète.

L'Imam profita des circonstances pour répandre les sciences religieuses tout au long de son imamat, contemporain de la fin des omeyyads et du début du califat Abbasâde. II instruisit plusieurs savants dans les différents domaines des sciences spéculatives et traditionnelles (aqli wa naqli) tels Zarârah, Mohammad Ibn Muslim, Mu'min Tâq, Hisham Ibn Hakam, Abân Ibn Taghlab, Hishâm Ibn Salim, Hurayz, Hishâm Kalbi Nassâbah et Djâbir Ibn Hyyân l'alchimiste. Même certains savants sunnites importants comme Sufyän Thawrï, Abu Hanifah, le fondateur de l'école Hanafî.Qâdi Sukûnî, Qâdi Abu al Bakhtari, et d'autres, eurent l’honneur d'être parmi ses étudiants. On raconte que de ses cours sortirent quatre mille savants dans le hadith et autres sciences. (76) Le nombre de hadiths rapportés des cinquième et sixième Imams dépasse celui des hadiths rapportés du Prophète et des autres dix Imams réunis.

Mais vers la fin de sa vie, l'Imam fut soumis à de sévères restrictions de la part du calife Abbasside, al Mansûr, qui ordonna de torturer et d'assassiner beaucoup de descendants du Prophète qui étaient shi'ites, au point qu'il surpassa en cruauté les Omeyyads. Sur ses ordres, ils furent arrêtés par groupes, certains jetés dans des prisons profondes et sombres et torturés jusqu'à la mort; d'autres furent décapités, enterrés vivants ou placés dans les fondations ou entre les murs de constructions et emmurés vivants.

Hishim, le calife omeyyad, avait ordonné que le sixième Imam fut arrêté et en présence de son père, le cinquième Imam, emmené à Damas. plus tard, l'Imam Sadiq fut arrété par Saffâh, le calife Abbasside, et emmené en Iraq. Finalement Mansûr le fit arréter de nouveau et emmener à Sâmarrah où il fut gardé à vue. Mansûr était rude et irrespectueux envers l'Imam et projeta plusieurs fois de le tuer. (77) Finalement l'Imam fut autorisé à retourner à Médine où il passa le reste de sa vie dans la retraite, jusqu'à ce qu'il soit empoisonné à la suite des intrigues de Mansûr. (78)

A l'annonce de la nouvelle du martyre de l'Imam, Mansûr écrivit au gouverneur de Médine, lui ordonnant de se rendre à la maison de l'Imam sous prétexte d'exprimer ses condoléances à la famille, et de demander à voir et à lire le testament de l'Imam. Quiconque était choisi par l'Imam comme son héritier et successeur devait être décapité sur place. Le but de Mansûr était évidenunent de mettre un terme à toute la question de l'imamat et des aspirations shi'ites. Quand le gouverneur de Médine, conformèment aux ordres reçus, lut le testament, il vit que l'Imam avait choisi quatre personnes plutôt qu'une seule pour administrer son testament : le calife lui-même, le gouverneur de Médine, Abdallah Aftah, le fils ainé de l'Imam et Mussa, le plus jeune fils. De cette manière le complôt de Mansûr échoua. (79)

Le septième Imam

L'Imam Mussâ Ibn Dja'afar al-Kazim, le fils du sixième Imam est né en 128/744 et fut empoisonné en prison en 183/799. (80) II devint Imam après la mort de son père, par Ordre divin et décret de ses prédécesseurs. Le septième Imam était contemporain des califes Abbassides, Mansûr, Hâdi, Mahdi et Hârun. D vécut à une époque très difficile, en secret, jusqu'à ce que, finalement, Harun partit pour le Hadjdj et fit arréter l'Imam à Médine alors qu’il priait dans la Mosquée du Prophète. II fut enchainé et emprisonné, puis emmené de Médine à Bassorah et de Bassorah à Baghdâd où, pendant des années, il fut transféré d'une prison à une autre. Finalement, il mourut empoisonné (81) à Baghdad dans la prison Sindi Ibn Shihak, et fut enterré dans le cimetière des Qorayshites qui se trouve actuellement dans la ville de Kazimayn en Irak.

Le huitième Imam

L'Imam Ridi (Ali Ibn Mussâ) était le fils du septième Imam et selon des sources sûres, est né en 143/765 et mourut en 203/817. (82) Le huitième Imam parvint à l’imamat après la mort de son père, sur Ordre divin et décret de ses prédécesseurs. La période de son imamat coincida avec le califat de Hârun et de ses fils Amin et Ma'mûn. Après la mort de son père, Ma'mûn entra en conflit avec son frère Amin, conflit qui se termina par des guerres sanglantes et par l'assassinat d'Amin, à la suite duquel Ma'mûn devint calife. (83) Jusqu'alors, la politique du califat Abbasside envers les shi'ites était devenue progressivement plus dure et plus cruelle. De temps à autre, un des partisans d'Ali (Alawis), se révoltait, provoquant des guerres et des rebellions qui causèrent de grandes difficultés au califat.

Les Imams shiites ne coopéraient pas avec les instigateurs de rebellions et se tenaient à l'écart de leurs affaires. Les shi'ites de cette époque, qui formaient une population importante, continuaient de considérer les Imams comme leurs guides religieux auxquels l'obéissance était due et comme les véritables califes du Prophète. Ils estimaient le califat très éloigné de l'autorité sacrée de leurs Imams, car le califat ressemblait à la cour des rois de Perse et des empereurs romains et était dirigé par des gens plus préoccupés de gouvernement mondain que d'application des principes religieux. La persistance d'une telle situation était dangereuse et constituait une sérieuse menace pour le califat.

Ma'mûn essaya de trouver une nouvelle solution à ces difficultés politiques qui, depuis soixante dix ans n'avaient pu être résolues par ses prédécesseurs Abbassides.

Pour arriver à ses fins, il choisit le huitième Imam comme successeur, espérant ainsi surmonter deux difficultés: premièrement, empécher les descendants du Prophète de se rebeller contre le gouvernement puisqu'ils en feraient eux-mêmes partie, et deuxièmement faire perdre aux gens leur croyance spirituelle et leur attachement intérieur aux Imams. Ceci se réaliserait en laissant les Imams s'enfoncer dans les affaires mondaines et la politique du califat qui avait toujours été considéré par les shi'ites comme mauvais et impur. De la sorte leur organisation religieuse s'écroulerait et ils ne représenteraient plus un danger pour le califat.

Ces desseins une fois accomplis, l'éloignement de l'Imam ne présenterait aucune difficulté pour les Abbassides. (84) Afin de mettre en action son projet, Ma'mûn demanda à l'Imam de venir de Médine à Marw. Lorsqu'il y arriva, Ma'mûn lui offrit d'abord le califat et ensuite, la succession au califat. L'Imam s'excusa et refusa la proposition, mais il fut finalement conduit à accepter le principe de la succession, à condition qu'il ne se mélit pas des affaires gouvernementales ni de la nomination et de la révocation des agents gouvernementaux. (85)

Cet événement eut lieu en 200 H/814. Mais Ma'mûn réalisa rapidement qu'il avait commis une erreur, car il y eut une propagation rapide du shi'isme, un attachement croissant du peuple à l'lmam et une audience étonnante de l’Imam auprès du peuple et même de l'armée et des agents gouvernementaux. Ma'mûn chercha un remède à ses difficultés et fit empoisonner l'Imam. Après sa mort, l’Imam fut enterré dans la ville de Tûs en lran,qui se nomme actuellement Mashad.

Ma'mûn fit preuve d’un grand intérêt pour la traduction des oeuvres intellectuelles et scientifiques en arabe. II organisa des réunions dans lesquelles les savants des diffèrentes religions et sectes se réunissaient et menaient des débats scientifïques et académiques. Le huitième Imam participa également à ces assemblées et se mêla aux discussions avec les savants d'autres religjons. Plusieurs de ces débats sont enregistrés dans les collections de hadiths shi'ites. (86)

Le neuvième Imam

L'Imam Mohammad Ibn Ali at-Taqi, parfois nommé al-Djawâd ou Ibn al-Rida" était le fils du huitième Imam. II est né en 195/809 à Médine et, selon des traditions shi'ites, est mort martyr en 220/835, empoisonné par sa femme, la fille de Ma'mûn, sur l'instigation du calife Abbasside Mu'tasim. Il fut enterré aux côtés de son grand-père, le septième Imam, à Kizimayn. II devint Lmam après la mort de son père, sur Ordre divin et par décret de ses prédécesseurs. Au moment de la mort de son père, il était à Médine. Ma'mûn l'appela à Baghdid qui était alors la capitale du califat et lui manifesta extérieurement beaucoup de bienveillance. II donna même sa fille en mariage à l'Imam et le gaid à Baghdâd. En réalité, il voulait de cette manière exercer une étroite surveillance sur l'Imam, à la fois de l'extérieur et de l'intérieur de sa famille. L'Imam passa quelques temps à Baghdâd et puis, avec le consentement de Ma'mûn, repartit pour Médine où il resta jusqu'à la mort de Ma'mûn. Quand Mu'tasim devint calife, il appela l’Imam à Baghdâd, et comme on l'a dit plus haut, le fit empoisonner par sa femme. (87)

Le dixième Imam

L'Imam Ali Ibn Mohammad Naqi (parfois désigné comme al-Hâdl) était le fils du neuvième Imam. II est né en 212/827 à Médine et, selon des traditions shi'ites, fut empoisonné par Mu'tazz, le calife Abbasside, en 254/868.(88)

Le dixième bnam était contemporain de sept calife Abbassides: Ma'mûn, Mu'tasim, Wâthiq, Mutawakkil, Muntasir, Musta'in et Mu'tazz. Ce fut sous le règne de Mu'tasim que son noble père mourut empoisonné à Baghdâd. A ce moment, Ali Ibn Mohammad Naqi se trouvait à Médine.

Il devint Imam par Ordre divin et par décret des Imams précédents. Il demeura à Médine, y enseignant les sciences religjeuses jusqu'à l'époque de Mutawakkil. En 243/857, à la suite de fausses accusations lancées contre lui, Mutawakkil ordonna à l'un de ses officiers d'inviter l’Imam à Samarrah qui était alors la capitale. II écrivit lui-même à l’Imam une lettre pleine de délicatesse, l'invitant à venir à la capitale où ils pourraient se rencontrer. (89) A son arrivée à Samarrah, on fit preuve d’un certain respect et de courtoisie à son égard. Simultanèment, Mutawakkil essaya par tous les moyens possibles de le troubler et de le déshonnorer. Plusieurs fois il convoqua l’Imam dans le but de le tuer ou de le disgracier, et fit fouiller sa maison.

Plus que tout autre, Mutawakkil était un ennemi déclaré de la famille du Prophète. Il vouait un haine spéciale envers Ali, qu'il insultait ouvertement. II ordonna même à un bouffon de ridiculiser Ali à des banquets licencieux. En l'an 237/850, il ordonna que le mausolée de L’Imam Hossain à Karbala et plusieurs maisons alentours fussent détruits complètement. De l'eau fut amenée par canal vers la tombe de l’Imam. II ordonna que le sol de la tombe fût retourné et cultivé afin que toute trace de celle-ci disparaisse. (90)

Durant le califat de Mutawakkil, les conditions de vie des descendants d'Ali dans le Hidjâz devinrent misérables, au point que leurs femmes ne possèdaient pas même un voile pour se couvrir. Plusieurs d'entre elles n'avaient qu'un vieux voile qu'elles portaient pour les prières quotidiennes. Des pressions similaires furent exercées sur les descendants d'Ali vivant en Egypte. (91) Le dixième Imam accepta avec patience les persécutions du calife Abbasside Mutawakkil jusqu'à la mort de celui-ci qui fut remplacé par Muntasir, puis Musta'in et finalement Mu'tazz dont les intrigues aboutirent à l'empoisonnement de l’Imam.

Le onzième Imam

L'Imam Hassan Ibn Ali (al-Askari), le fils du dixième l’Imam, est né en 232/845 et, selon les sources shi'ites, fut empoisonné en 260/872 sur ordre du calife Abbasside Mu'tamid. (92) Le onzième Imam accéda à l’imamat, après la mort de son noble père, sur Ordre divin et par decret des Imams précédents. Pendant les sept années de son imamat, et à cause des,restrictions qui lui étaient imposées par le califat, il vécut en secret, pratiquant la dissimulation (taqiyah). Il n'eut aucun contact social même avec le commun de la population shi'ite. Seule l'élite des shi'ites pouvait le fréquenter. Il passa la plus grande partie de sa vie en prison. (93) Une répression extréme sévissait à cette époque, la population shi'ite étant devenue nombreuse et ayant par la même un certain pouvoir. Chacun savait que les shi'ites croyaient en l'imamat et l'identité des Imams shi'ites était également connue. En conséquence, le califat garda les Imams sous une surveillance plus étroite que jamais. II essaya par tous les moyens et par des plans secrets, de les éliminer. De plus, le califat apprit que l'élite des shi'ites croyait que le onzième Imam, selon des traditions transmises par lui même et par ses prédécesseurs, aurait un fils qui serait le Mahdi promis.

La venue du Mahdi, a été prédite par des hadiths authentiques du Prophète rapportés par des sources tant shi'ites que sunnites.(94)

Pour cette raison, le onzième Imam, plus que les autres Imams, fut tenu sous étroite surveillance par le califat. Le calife de ce temps avait décidé de mettre un terme définitif à l'imamat dans le shi'isme.

Par conséquent, dès que la nouvelle de la maladie du onzième Imam parvint à Mo'tamid, il envoya un docteur et quelques uns de ses agents de confiance à la maison de l'Imam pour être près de lui et observer continuellement ses faits et gestes. Après la mort de l’Imam, ils firent fouiller la maison et examiner toutes les esclaves femmes par une sage-femme. Pendant deux ans, les agents secrets du calife cherchèrent le successeur de l'Imam, jusqu'à ce qu'ils perdissent tout espoir. (95) Le onzième Imam fut enterré dans sa maison à Samarrah près de son noble père.

Rappelons ici que durant leur vie les Imams formèrent plusieurs centaines de savants du hadith et des sciences religieuses et que ce sont eux qui nous ont transmis les informations concernant les Imams. Afin de ne pas trop surcharger le sujet, la liste de leurs noms et de leurs oeuvres, ainsi que leurs biographies, n'ont pas été mentionnés ici. (96)

Le douzième Imam

Le Mahdi promis, qui est habituellement désigné par ses titres de Imam al Asr (l'Imam «du temps») et sâhib al Zamân (Seigneur du temps), est le füs du onziême Imam. Son nom est le même que celui du Prophète. II est né â Samarrah en 256/868 et jusqu'en 260/872 vécut sous l'attention et la tutelle de son père. Il vécut caché et seule une élite parmi les shi'ites put le rencontrer.

Après le martyre de son père il devint Imam et sur Ordre divin entra en occultation (ghaybat). Dês lors il n'apparut plus qu'à ses représentants (nâ'ib) et seulement dans des circonstances exceptionnelles. (97)

Les représentants spéciaux de l'Imam

L'Imam choisit comme représentant spécial Othman Ibn Said Amri", un des compagnons de son père et de son grand-père qui était son intime et son ami de confiance. Par son représentant, l’Imam répondait aux questions et demandes des shi'ites.

Après Othman Ibn Said, son fils Mohammad Ibn Othman Amri fut désigné comme représentant de L4imam. Après la mort de Mohammad Ibn Othman, ce fut Abu al Qâsim Hossain Ibn Rûh Nawbakhti qui assuma la tâche de représentant spécial; et après sa mort ce fut Ali Ibn Mohammad Sammori (98)

Quelques jours avant la mort d'Ali Ibn Mohammad Sammori en 329/939 une information vint de la part de l'Lmam annoçant que dans six jours Ali Ibn Mohammad Sammori mourrait. II en résulterait que la représentation spéciale de l'Imam cesserait et que la grande occultation (ghaybat-el-Kubrâ) commencerait et continuerait jusqu'au jour où Dieu permettrait à l'Imam de se manifester.

L'occultation du 12ème Imam se divise donc en deux parties: la première, l'occultation mineure (ghaybat-el-Sughrâ) qui commença en 260/872 et finit en 329/939 durant environ soixante dix ans. La deuxème, l'occultation majeure, qui commença en 329/939 et qui continuera aussi longtemps que Dieu le voudra. Dans un hadith sur l'authenticité duquel tout le monde est d'accord, le Prophète a dit : «S'il ne devait rester pour l'existence du monde qu'un seul jour, Dieu prolongerait ce jour jusqu'à ce qu'il y envoie un homme de ma communauté et de ma famille; son nom sera identique au mien; il remplira la terre d'équité et de justice comme elle a été remplie d'oppression et de tyrannie» (99)

Sur l'apparition du Mahdi

Dans la discussion sur la prophétie et l'Imamat, on a dit que, par suite de la loi du gouvernement général qui régit toute la création, l’homme possède nécessairement le pouvoir de recevoir la révélation par la prophétie, laquelle le dirige vers la perfection et le bien-être de l'espèce humaine. Il est calir que si cette perfection et ce bonheur n'étaient pas possibles pour l’homme, dont la vie contient un aspect social, le fait d'être investi de ce pouvoir serait un non-sens et une futilité. Mais il n'y a pas de futilité dans la création

En d'autres mots, depuis que l’homme est sur terre, il a eu le désir d'une vie sociale heureuse au plein sens du mot, et s'est évertué à l'obtenir. Si un tel désir n'avait pas de réalisation objective, il n'aurait jamais été imprimé dans la nature intime de l’homme, de même que s'il n'y avait pas eu de nourriture, il n'y aurait pas eu de faim. Ou encore s'il n'y avait pas eu d'eau il n'y aurait pas eu de soif, et sans l'existence de la reproduction il n'y aurait pas eu de désir sexuel.

Par conséquent, par nécessité interne et détermination, viendra un jour où la société humaine sera comblée de justice et où tous les hommes vivront dans la paix et la tranquillité, où les êtres humains seront en pleine possession de la vertu et de la perfection. L'établissement d'une telle condition sera l'oeuvre de l’homme, mais avec le secours divin. Et le chef d'une telle société, qui sera le sauveur des hommes, est nommé, dans le langage du hadith, le Mahdi.

Dans les différentes religions qui gouvernent le monde telles que l'Hindouisme, le Boudhisme, le Judaisme, le Christianisme, le Zoroastrisme et l'Islam, existent des références à un personnage qui viendra comme le sauveur de l’humanité. Ces religions ont habituellement annoncé la bonne nouvelle de sa venue, bien qu'il existe naturellemnt certaines différences dans les détails, quand on compare attentivement les enseignements. Le hadith du Prophète, sur lequel tous les musulmans tombent d'accord: «Le Mahdi est de ma progéniture» se réfère à la même vérité.

II y a de nombreux hadiths, rapportés dans les sources sunnites et shi'ites, du Prophète et des Imams, au sujet de l'apparition du Mahdi, spécifiant qull est de la descendance du Prophète et que son apparition rendra la société humaine capable d'atteindre la vraie perfection et la pleine réalisation de la vie spirituelle. (100) De plus, il y a de nombreuses autres traditions déclarant que le Mahdi est le fils du onzième Lmarn, Hassan al-Askari. Ils s'accordent pour dire qu'après sa naissance et après une longue occultation, le Mahdi apparaitra, remplissant le monde de justice, après que celui-ci eût été corrompu par l'iniquité.

Par exemple, Ali Ibn Mussâ al-Ridâ" (le huitième Imam) a dit: «Après moi, l’Imam sera mon fils Mohammad, après lui son fils Ali, après Ali son fils Hassan et après Hassan son fils Hodjdjat al-Qâ'im, qui est attendu pendant son occultation et obéi pendant sa manifestation. S'il ne restait qu'un seul jour d'existence au monde, Dieu le prolongerait jusqu'à ce qu'il se manifeste pour remplir le monde de justice, comme il avait été rempli d'iniquité. Mais quand? Pour ce qui est de l'«Heure» mon père m'a rapporté avoir entendu de son père qui l'avait entendu de son père qui le tenait de ses ancêtres qui l'avait entendu de la bouche de Ali, qu'on avait demandé au Prophète : « 0! Prophète de Dieu, quand surgira le Qâ'im du sein de ta famille ? » II répondit : Son cas est analogue à celui de l'«Heure» (de la Résurrection). Lui Dieu seul en dévoilera le terme. (Sa méconnaissance) pése aux habitants des cieux et de la terre. Elle vous surprendra à l'improviste» (Coran, VII, 187) (101)

Safr Ben Abi Dolaf a dit : « J'ai entendu Abu Dja'far Mohammad ben Ali al-Ridâ (le neuvième Imam) dire l'Imam après moi est mon Fils Ali, ses ordres sont mes ordres, ses paroles sont les miennes, lui obéir c'est m'obeir. Après lui l'Imam sera son fils Hassan. Ses ordres seront les ordres de son père, ses paroles seront les paroles de son père, lui obéir sera obéir à son père.» Après ces paroles l'Imam resta silencieux. Je lui dis: «0! fils du Prophète, qui sera l'Imam après Hassan?» L'Imam s'écria: «En vérité son fils sera l’Imam attendu qui est al-Qâ'im Bil-Haqq (celui qui est soutenu parlaVérité)»(102)

Mussa" Ben Dja'far al-Baghdâdi' a dit: «J'ai entendu l'Imam Abu Mohammad al-Hassan Ben Ali (le onzième Imam) dire : Je prévois qu'après moi il y aura des divergences au sujet de mon successeur. Celui qui accepte les Imams après le Prophète mais refuse mon fils est comme ceux qui acceptent tous les Prophètes mais refusent la prophétie de Mohammad - sur lui la paix et le salut -. Qui refuse le Prophète de Dieu est comme celui qui refuse tous les Prophètes car obéir au dernier d'entre nous est comme obéir au premier et refuser le dernier d'entre nous est comme refuser le premier. Mais prenez garde! En vérité pour mon fils il y aura une occultation pendant laquelle beaucoup seront en proie au doute hormis ceux que Dieu protêge»(103)

Les adversaires du shi'isme font remarquer que selon les croyances de cette école, l’Imam caché devrait être âgé de douze siècles ce qui est impossible pour un être humain. En réponse il faut dire que cette remarque est fondée sur l'invraissemblance d’un tel événement et non sur son impossibilité. Naturellement une si longue durée de vie est invraissemblable. Mais ceux qui étudient les hadiths du saint Prophète et des Imams savent qu'ils se rapportent à un personnage doué de qualités miraculeuses. Les miracles ne sont certainement pas impossibles ni ne peuvent être niés par des arguments scientifiques. On ne pourra jamais prouver que les causes et les agents qui se manifestent dans notre monde sont uniquement ceux que nous pouvons voir et connaitre. Ainsi il est possible que dans un ou plusieurs membres de l’humanité opèrent des causes et des agents qui leur permettent une très longue vie de plusieurs milliers d'années. La médecine n'a pas encore perdu l'espoir de découvrir un moyen pour atteindre à des limites de vie beaucoup plus reculées. De toute manière de telles critiques de la part des «gens du Livre» comme les Juifs, les Chrétiens ou les Musulmans sont beaucoup plus étranges puisqu'ils acceptent les miracles des Prophètes, en accord avec leurs saintes Ecritures.

Les adversaires du shi'isme disent aussi que si ce dernier considère l'Imam comme indispensable pour l'interprétation des ordres et des vérités de la religion et pour guider le peuple, son occultation représente la négation de ce but puisqu'on ne peut pas communiquer avec un Imam en occultation : celui-ci ne peut par conséquent exercer aucune influence effective. Ils disent encore que si Dieu veut faire surgir un Imam pour réformer l’humanité, il peut le susciter au moment voulu, sans qu'il soit nécessaire de le faire des milliers d'années auparavant. La réponse est que ces gens n'ont pas vraiment saisi la signification de l’Imam,,dont la tâche n'est pas uniquement d'expliquer les sciences religieuses et de guider le peuple dans le monde d'ici-bas. De même qu'il a la tâche de guider les hommes dans l’autre monde, l’Imam assume aussi la fonction de la walâyat et de la direction ésotérique des hommes. Il est celui qui dirige la vie spirituelle de l’homme et qui oriente vers Dieu les aspects intérieurs de l'action humaine. Il est clair que sa présence physique ou son absence n'a pas de conséquences sur ces choses. L'Imam veille sur les hommes de l'intérieur et se maintient en communion avec leur âme et leur esprit, même s'il reste caché à leurs yeux. Son existence est toujours nécessaire même si le temps de sa manifestation et de la réintégration universelle qu’ll doit opérer n'est pas encore arrivé.

Conciusion: Le mesaage spirituel du shïisme

Le message du shi'isme au monde peut être résumé en une phrase: «Connailre Dieu», autrement dit il s'agit d'instruire l'homme sur le chemin de la réalisation divine et de la connaissance de Dieu dans le but d'atteindre le bonheur et le salut. Ce message est exactement contenu dans la phrase avec laquelle le saint Prophète commença sa mission : « 0 hommes! connaissez Dieu dans son Unicité, reconnaissez-Le et vous serez sauvés» (104)

Pour expliquer ceci brièvement nous ajouterons que l’homme est attaché par nature à plusieurs buts et a des plaisirs matériels, dans ce monde. II aime les nourritures et les boissons savoureuses, les habits élégants, les belles demeures, la relation sexuelle et la richesse. II est en même temps attiré par le pouvoir politique, la position sociale, la renommée et la destruction de tout ce qui s'oppose à ses désirs. Mais l’homme comprend d'après sa nature intime et primordiale que tous ces éléments ne sont que des moyens créés pour le servir et non pas le contraire. Ces choses sont faites pour servir l’homme et non vice-versa. Considérer l'estomac et la région inférieure comme un but final de la vie appartient à la logjque du troupeau; faire le mal, réduire et détruire les autres appartient à la logique des fauves. La logique humaine ne peut être que la recherche de la sagesse et rien d'autre.

Cette logique basée sur la sagesse et son pouvoir de.discerner entre l'irréel et le réel, nous guide vers la Vérité et non pas vers ce que nous commandent nos émotions, nos passions ou nos intéréts égoistes. Elle considère l'homme comme faisant partie de la totalité de la création, excluant toute autonomie et possibilité d'un anthropocentrisme rebelle. Contrairement à la croyance selon laquelle l’homme est le maitre de la création, apprivoisant et conquérant la nature rebelle pour assouvir ses désirs, nous pensons que l'homme lui-même n'est qu’un instrument dans les mains de la Nature Universelle qui le règle et le conduit.

Cette même logique invite l’homme à se concentrer davantage sur la compréhension de ce monde jusqu'à ce qu'il lui apparaisse clairement que le monde de l'existence et ce qu'il contient n'a pas sa cause en lui-même mais dans une source infinie. II saura alors que toute cette beauté et cette laideur, toutes ces créatures de la terre et des cieux, qui semblent être des réalités indépendantes, n'acquièrent leur réalité qu'à travers une autre Réalité et ne sont manifestées que dans Sa lumière. De même que les réalités, les pouvoirs et les grandeurs d’hier n'ont pas plus de valeur que les contes et les légendes d'aujourd'hui, de même les «réalités» d'aujourd’hui ne seront que des réves, de vagues réminiscences, devant les «réalités» de demain. En dernière analyse chaque chose en elle-même n'a pas plus de valeur qu'une légende ou qu'un réve, Dieu seul est la Réalité au sens absolu, le Seul qui ne périra point. Sous la protection de Son Etre les choses sont ammenées à l’existence et elles se manifestent à travers la lumière de Son Essence.

Si l’homme acquiert une telle vision et un tel pouvoir de compréhension, alors le voile de son existence tombera de devant ses yeux comme une bulle sur la surface de l'eau. II verra de ses yeux que le monde avec tout ce qu'il contient dépend de l'Etre Infini, qui posséde la vie, le pouvoir, la connaissance à un degré infini. L’homme et toutes les autres créatures lui apparaitront comme autant de vitrines exposant selon leur capacité le monde de l'éternité qui les transcende et les régit de l’intérieur. C'est à ce moment là que l’homme arrache de lui-même et de toutes créatures l'attribut d'indépendance et de primauté et le rend à son vrai Possesseur. II se détache de toutes choses pour ne s'attacher qu'à Dieu Unique. Devant Sa majesté il ne peut que se prosterner humblement. C'est seulement alors que Dieu peut le guider et Se révèler à lui en toute chose. Cette direction divine le remplit de vertus morales et spirituelles, le pousse à des actions pures, à l'Islam, à la soumission à Dieu, à la religion qui est dans la nature primordiale des choses.

Ceci constitue le plus haut degré de perfection humaine celui de l’homme Parfait. (Maqâm al-Insân-al-Kâmil, l'Homme Universel), à savoir l’Imam qui a atteint ce rang par la Grâce divine. Ceux qui essayent d'atteindre ce degré à l'aide de pratiques spirituelles sont les véritables disciples de l'Imam. II est donc clair que la connaissance de Dieu et de l'Imam sont inséparables, de même que la connaissance de Dieu est inséparable de la connaissance de soi-même. Car celui qui connait le caractère symbolique de sa propre existence, connait déjà la véritable existence, laquelle n'appartient qu'à Dieu qui est indépendant et sans aucun besoin.

Loué soit Dieu Créateur des mondes

Notes du chapitre IX:

1). Târiklw Ya'qûbi, vol.III, pp. 60-6 1; Sirah d'Ibn Hishâm, vol.IV, p. 197.

2)-Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, pp. 52-59; Sirah d'Ibn Hishâm, vol.il, p. 223.

3)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, pp. 59-60 et p. 44; Sirah d'Ibn Hishâm, vol.II, p.251,vol.IV,p.l73et p.272.

4)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 29; Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 126; Sirah d'Ibn Hishâm, vol.II, p. 98.

5)- Ghâyat al-marâm, p. 664, tiré du Musnad d'Ahmad et d'autres.

6)- Note de l'éditeur: cela fait allusion aux différents propos du Prophète dans lesquels la question de l'Imam est discutée. Le plus fameux de ceux-ci, le Hadith-i ghadir, comme mentionné ci-avant, est la base traditionnelle pour la célèbration de l'eid-i ghadir.

7)- Tabarï, Dhakhâ'ir al-'uqbâ, Le Caire, 1356, p. 16. Ce hadith a été enregistré avec une légère variation dans al-Durr al-manthûr, vol.II, p. 293. Dans son Ghâyat al-marâm, p. 103, Bahrâni cite 24 hadiths de sources sunnites et 19 de sources shi'ites concernant les conditions et rajsons de la révélation de ce verset coranique.

8)- Bahrâni, Ghâyat al-marâm, p. 336, où six hadiths sunnites et 1 5 shi'ites concernant l'occasion et la raison de la révélation du verset coranique en question.sont cités.

9)- Pour plus ample explication, voir 'Allâmah TabâtabâT, Tafsir al-mizân, vol.V.Téhéran, 1377, pp. 177-214 et vol.VI, Téhéran, 1377, pp. 50-64.

10)- Al Bidâyah wa'1-nihâyah, vol.V, p. 208 et vol.VII, p. 346; Dha-Khi'ir al-'uqbâ, p. 67; al-Fusûl al-muhimmah d'Ibn Sabbâgh, Nadjaf, 1950, vôl-II, p. 23; Khasâ'is de Nasâï, Nadjaf, 1369, p. 31. Dans son Ghâyat al-marâm, p. 79, Bahrâni a cité 89 chaines différentes de transmission de ce hadith dans les sources sunnites et 43 autres dans les sources shi'ites.

11)- DhaJchâ'ir al-'uqbâ, p. 20; al-Sawâ'iq al-muhriqah d'Ibn Hajar, Le Caire, 1312, pp. 150 et 184; Ta'rïkh al-khulafâ' de Jalâl al-Din Suyûti, Le Caire, 1952, p. 307; Nûr al-absâr de Shiblanji, Le Caire, 1312, p. 114. Dans son Ghâyat al-marâm, p. 237, Bahrâni cite onze chaines de transmission pour ce hadith dans les sources sunnites et 7 dans les sources shi'ites.

12)- Al-Bidâyah wa'1-nihâyah, vol.V, p. 209; Dhakhâ'ir al-'uqbâ, p. 16; al-Fusûl al-muhimmah, p. 22; Khasâ'is, p. 30; al-Sawâ'iq al-muhriqah, p. 147. Dans le Ghâyat al-maram, 39 versions de cet hadith ont été données de sources sunnites et 82 de sources shi'ites.

13)- Yanâbi al-mawaddah de Sulaymân ibn Ibrâhim Qundûzi", Téhéran, 1 308, P' 311.

14)- Yanâbi al-mawaddah, p. 318.

15)- Ghâyat al-marâm, p. 539, oú la substance de ce hadith a été citée selon quinze versions de sources sunnites et onze de sources shi'ites.

16)- Al-Bidâyah wal-nihâyah, vol.VII, p. 339; Dhakhâ'ir al-'uqbâ, p. 63; al-Fusûl al-muhimmah, p. 21 ; Kifâyat al-tâlib de Kanjf Shâfi'f, Nadjaf' 1356, pp. 148-154; Khasâ'is, pp. 19-25; Sawâ'iq al-muhriqah, p. 177. Dans le Ghâyat al-mârâm, p. 109, cent versions de ce hadith ont été citées selon des sources sunnites et soixante dix selon des sources shi'ites.

17)- Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p.l 16.

18)- Hilyat al-awliyâ' d'Abû Nu'aym Isfahâni, volj, Le Caire, 1351, p. 64; Kifâyat al-tâlib,p. 67.

19)- Muntakhab Kanz al-'ummâl, sur les marges du Musnäd-i Ahmad, Le Caire, 1368, vol.V, p. 94.

20)- Al-Bidâyah wa'1-nihâyah, vol.V, p. 227; al-Kâmil, vol.II, p. 217; Târikh-i Tabarï, vol.II, p. 436; Sharh d'Ibn AbH-Hadfd, vol.I, p. 133.

21)- Al-Kâmil, vol.II, p. 292; Sharh d'Ibn Abii-Hadfd, vol.I, p. 54.

22)-Sharhd'Ibn Abi'l-Hadfd, vol.I, p. 134.

23)-Tânkh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 137.

24)- Al-Bidâyah wa'1-nihâyah, vol.VI, p. 3 11.

25)- Note de l'éditeur: dans ce contexte certes, «l'imamat» fait allusion à la conception spécifiquement shi'ite de l'Imam et non à l'emploi général de ce mot par les sunnites qui dans la plupart des cas est le même que «calife».

26)- Par exemple: «par l'Ecriture explicite! Nous avons fait (de celle-ci) une Prédication en arabe! Peut-être raisonnerez-vous.En vérité, cette Ecriture, dans l'Archétype auprès de Nous, est certes sublime et sage!» (Coran, XLIII, 2-3 et 4).

27)- Comme ces versets: «Que chaque âme vienne avec un Conducteur et un Témoin! Certes, tu étais dans l'insouciance de cela.(Mais) Nous t'avons ôté ton voile et, aujourd'hui, ta vue est perçante» (Coran L, 21-22) «Quicon-que, homme ou femme, accomplit oeuvre pie, alors qu'il est croyant, Nous le ferons certes revivre en une vie excellente et...» (Coran XVI, 97); «Répon-dez à Allah et à l'Apôtre, quand celui-ci vous appelle vers ce qui vous fera vivre!» (Coran VIII, 24); «Au jour où chaque âme trouvera, offert devant elle, ce qu'elle aura fait de bien et tout ce qu'elle aura fait de mal...» (Coran III, 30); «C'est Nous qui ressuscitons les Morts et écrivons ce qu'ils ont produit en leur vie et après eux. Toute chose est par Nous dénombrée dans un archétype explicite» (Coran XXXVI, 12).

28)- Bihâr al-anwâr, vol.XVII, p. 9.

29)- Al-Wâfi par Mullâ Muhsin Fayd Kâshâni, Téhéran, 1310-14, vol.III, p.33.

30)- «Eh quoi! Celui qui dirige vers la Vérité est-Il plus digne d'être suivi ou bien (vaux-il mieux suivre) ce qui ne dirige qu'autant qu'il est dirigé? Qu'avez-vous donc? Comment pouvez-vous juger (ainsi)?» (CoranX, 36).

31)- «Nous fîmes d'eux des conducteurs dirigeant (le Peuple) sur Notre ordre, et Nous leur révélâmes la réalisation des bonnes oeuvres,...» (Coran XXI, 73). «Nous avons mis des Imams issus d'eux, qui les dirigent sur Notre ordre, en prix de ce qu'ils ont été constants et ont été convaincus de Nos signes» (Coran XXXII, 24). On peut conclure de cela que, outre le fait d'être un guide temporel, l’Imam possède aussi une sorte de pouvoir spirituel pour guider et séduire, ce qui appartient au monde de l'Esprit. II influence et conquiert les coeurs du peuple par la Vérité, la Lumière et l'aspect interne de son être et ainsi, les guide vers la perfection et le but ultime de l'existence.

32)- Jâbir ibn Samurah a raconté qu'il a entendu le Prophète dire: «jusqu'au douzième calife, cette religion continuera à rester puissante. » Jâbir dit encore : « Le peuple pleura répétant des «Allahu Akbar». Alors le Prophète dit quelque chose tout doucement. Je demandait à mon père :« Oh père, qu'a-t-il dit? ». Mon père dit: «Le Prophète a dit que tous les califes seront issus de la tribu des Qurayshites», Sahih d'Abû Dâ'ûd, Le Caire, 1348, vol.II, p. 207; Musnad-i Ahmad, vol.V, p. 92. Certains autres hadiths semblables sont également disponibles. Et «Salmân Fârsi a dit: J'arrivais à l'improviste chez le Prophète et trouvais Hossain sur ses genoux, que le Prophète embrassait sur les yeux et la bouche, disant «Tu es un homme digne, fils d'un homme digne, un Imam, fils d'Imam, une «preuve» (hujjah), fils d'une «preuve», le père de neuf «preuves» dont le neuvième sera leur soutien (qâ'im)», Yanâbi, al-mawaddah, p. 308.

33)- Cf. al-Ghadfr; Ghâyat al-marâm; Ithbât al-hudât de Mohammad ibn Hassan Hurr al-'Amili, Qum, 1337-39; Dhakhâ'ir al-'uqbâ; Manâqib de Khwâ-razmi, Nadjaf, 1385; Tadhkirat al-Khavâss de Sibt ibn Jawzi, Téhéran, 1285; Yanâbi al-mawaddah; al-Fusûl al-muhimmah; Dalâ'il al-imâmah de Mohammd Ibn Jarir Tabari, Nadjaf, 1369, al-Nass wai-ijtihâd de Sharaf al-Dfn Mûsâ, Nadjaf, 1375; Usûl al-Kâfi. vol.l et Kitâb al-irshâd de Shaikh-i Muifid. Téhéran, 1377.

34)- Note de l'éditeur: comme mentionné précédemment dans «l’islam shi'ite», le titre Amir al-mu'mmih est réservé à Ali et n'est jamais utulisé pour les autres.

35)-Al-Fusûl al-muhimmah, p. 14. Manaqib de Khwârazmi, p. 17.

36)- Dhakhâ'ir al-'uqbâ, p. 58; Manâqib de Khwârazmi, pp. 16-22; Yanâbi al-mawaddah, pp. 68-72.

37)- Irshâd de Mufid, p. 4; Yanâbi al-mawaddah, p. 122.

38)- Al-Fusûl al-muhimmah, pp. 28-30; Tadhkirat al-khawâss, p. 34;

Yanâbi al-mawaddah, p. 105; Manâqib de Khwârazimi, pp. 73-74.

39)- Al-Fusûl al-muhimmah, p. 34.

40)- Al-Fusûl al-muhimmah, p. 20; Tadhkirat al-Khawâss, pp. 20-24; Yanâbi al-mawaddah, pp. 63-65.

41)- Tadhkirat al-Khawâss, p. 18; al-Fusûl al-muhimmah, p. 21; Manâqib de Khwârazmi, p. 74.

42)- Manâqib Al Abi Tâlib de Mohammad Ibn Ali Ibn Shahrâshûb, Qura, sans date, vol.III, pp. 62 et 218; Ghâyat al-marâm, p. 539;Yanâbi al-mawad-dah, p. 104.

43)- Note de l'éditeur: Les Khawarij, littérallement «ceux qui sont à l'extérieur », s'appliquent à un groupe qui s'opposa et à Ali et à Mu'awiyah après la bataille de Siffin et plus tard forma un groupe extrémiste qui rejeta l'autorité établie et s'opposa durement aux sunnites et aux shi'ites.

44)- Manâqib Al Abi Tâlib, vol.III, p. 312; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 113-123;Tadhkirat al-Khawâss, pp. 172-183.

45)- Tadhkirat al-Khawâss, p. 27.

46)- Ibid., p. 27; Manâqib de Khwârazmi, p. 71.

47)-Manâqib Al Ali Tâlib, vol.III, p. 221;Manâqib de Khwârazmi, p. 92.

48)- Nahj al-balâghah, part III, lettre 24.

49)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, pp. 21 et 25; Dhakhâ'ir al-'uqbâ, pp.67 et 121.

50)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 28; Dalâ'il al-imâmah, p. 60; al-Fusûl al-muhimmah, p. 133; Tadhkirat al-Khawâss, p. 193; Târikh-i Ya'qûbf, vol.II, p. 204; Usûl-i Kâfi", vol.I, p. 461.

51)- Irshâd, p. 172; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 33; al-Fusûl al-muhimmah, p. 144.

52)- Irshâd, p. 172; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 33; al-Imâmah wal-siyâsah d"Abdallâh ibn Muslim ibn Qutaybah, Le Caire, 1327-31, vol.I, p. 163 ; al-Fusûl al-muhimmah, p. 145 ; Tadhkirat al-Khawâss, p. 197.

53)- Irshâd, p. 173; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 35; al-Imâmah wa'1-siyâsah, vol.I, p. 164.

54)- Irshâd, p. 174; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 42; al-Fusûl al-muhimmah,p. 146; Tadhkirat al-Khawâss, p. 211.

55)-Irshâd,p. 181; Ithbât al-hudât, vol.V, pp. 129-134.

56)- Irshâd, p. 179; Ithbât al-hudât, vol.V, pp. 168-212; Ithbât al-wassiyah de Mas'ûdi, Téhéran, 1320, p. 125.

57)- Irshâd, p. 182; Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, pp. 226-228; al-Fusûl al-muhimmah, p. 163.

58)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 88.

59)- Ibid., p. 88; Irshâd, p. 182; al-Imâmah wa'1-siyâsah, vol.I, p. 203; Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 229; al-Fusûl al-muhimmah, p. 163; Tadhkirat al-Khawâss, p. 235.

6O)-Irshâd,p.2Ol.

61)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 89.

62)- Irshâd, p. 201 ; al-Fusûl al-muhimmah, p. 168.

63)- Irshâd, p. 204; al-Fusûl al-muhimmah, p. 170;Maqâtil al-tâlibiyin d'Abu'l-Faraj Isfahâni, 2ème édition, p. 73.

64)- Irshâd.p. 205;al-Fusûl al-muhimmah,pl71; Maqâtil al-talibiyin, p.73.

65)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.lv, p. 98.

66)-Ibid.

67)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p.99; Irshâd, p. 214.

68)-Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 98;Irshâd,p. 214.

69)- Bihâr al-anwâr, vol.X, pp. 200, 202, 203.

70)- Maqâtil al-tâlibiyin, pp. 52 et 59.

71)-Tadhkirat al-khawâss, p. 324;Ithbât al-hudât, vol.V, p. 242.

72)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 176; Dalâ'il al-imâmah, p. 80, al-Fusûl al-muhimmah, p. 190.

73)- Irshâd, p. 246; al-Fusûl al-muhimmah, p. 193;Manâqib d'Ibn Shährâ-shûb.vol.IV, p. 197.

74)- Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 469; Irshâd, p. 245; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 202 et 2O3;Târikh-i Ya'qûbi, vol.III, p. 63;Tadhkirat al-Khawâss, p. 340; Dalâ'il al-imâmah, p. 94; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 210.

75)- Irshâd, pp. 245-253. Voir aussi Kitâb rijâl al-Kashshi, de Mohammad ibn Mohammad ibn 'Abd al-'Azfz Kashshi, Bombay, 1317; Kitâb rijâl al-Tûsi" de Mohammad ibn HassanTûsi, Nadjaf, 1381 ;Kitâb-i fihrist de Tûsi, Calcutta, 1281, et autres livres de bibliographies.

76)- Usûl-i Kâfî, vol.I, p. 472; Dalâ'il al-imâmah, p. 111; Irshâd, p. 254; Târikh-i Ya'qûbi, vol.III, p. 119; al-Fusûl al-muhimmah, p. 212; Tadhkirat al-Khawâss, p. 346; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 280.

77)- Irshâd, p. 254, al-Fusûl al-muhimmah, p. 204; Manâqib d'Ibn Shahrâ-shûb, vol.IV.p. 247.

78)- Al-Fusûl al-muhimmah, p. 212; Dalâ'il al-imâmah, p. 111; Ithbât al-wasiyah, p. 142.

79)- Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 310.

80)- Ibid., p. 476; Irshâd, p. 270; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 214-223; Dalâ'il al-imâmah, pp. 146-148; Tadhkirat al-Khawâss, pp. 348-350; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 324; Târikh-i Ya'qûbi, vol.III, p. 150).

81)- Irshâd, pp. 279-283; Dalâ'il al-imâtnah, pp. 148 et 154;al-Fusûl al-muhimmah, p. 222; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, pp. 323 et 327; Târikh-i Ya'qûbi, vol.III, p. 150.

82)- Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 486; Irshâd, pp. 284-295; Dalâ'il al-imâmah, pp. 175-177; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 225-246; Târikh-i Ya'qûbi, vol.III, p.188.

83)- Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 488; al-Fusûl al-muhimmah, p. 237.

84)- Dalâ'il al-imâmah, p. 197; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 363.

85)- Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 489; Irshâd, p. 290; al-Fusûl al-muhimmah, p. 237; Tadhkirat al-Khawâss, p. 352; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p.363.

86)- Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 351; Kitâb al-ihtijâj d'Ahmad ibn Ali ibn Abi Tâlib al-Tabarsi, Nadjaf, 1385, vol.II, pp. 170-237.

87)- Irshâd, p. 297; Usûl al-Kâfi, vol.I, pp. 492497; Dalâ'il al-iraâmah, pp. 201-209; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, pp. 377-399; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 247-258; Tadhkirat al-Khawâss, p. 358.

88)- Usûl al-Kâfi,vol.I, pp. 497-502; Irshâd, p. 307; Dalâ'il al-imâmah, pp. 216-222; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 259-265; Tadhkirat al-Khawâss, p. 362; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, pp. 401420.

89)- Irshâd, pp. 307-3 13;Usûl-al Kâfi.vol.I, p. 501; al-Fusûl al-muhimmah, 'p. 261; Tadhkirat al-Khawâss, p. 359; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p.417;Ithbât al-wasiyah, p. 176;Târïkh-i Ya'qûbi, vol.III, p. 217.

90)- Maqâtil al-tâlibiyin, p. 395.

91)-Ibid.,pp. 395-396.

92)- Irshâd, p. 315; Dalâ'il al-imâmah, p. 223; al-Fusûl al-muhimmah, pp. 266-272; Manâqib d'Ibn Shahrâshûb, vol.IV, p. 422; Usûl al-Kâfi, vol.I, p.503.

93)- Irshâd, p. 324; Usûl al-Kâfi, vol.I, p. 512; Manâqib d'Ibn Shahrâ shûb,vol.IV,pp. 429430.

94)- Sahih de Tirmidhi, Le Caire, 1350-52, vol.IX, chapitre «Mâ jâ'a fi'l-hudâ»; Sabih d'Abû Dâ'ûd,' vol.II, Kitâb al-Mahdf; Sahîh d'Ibn Mâjah, vol.II, chapitre «Khurûj al-Mahdf»; Yanâbi al-mawaddah; Kitâb al-bayân fT akhbâr Sahih al-zamân de Kanji ShâfiT, Nadjaf, 1380; Nûr al-absâr; Mishkât al-masâbih de Mohammad ibn 'Abdallâh al-Khatfb, Damas, 1380; al-Sawâ'iq al-muhriqah, Is'âf al-râghibfn de Mohammad al-Sabbah, Le Caire, 1281; al-Fusûl al-muhimmah; Sahih de Muslim; Kitâb al-ghaybah de Mohammad ibn Ibrâhim al-Nu'mâni, Téhéran, 1318; Kamâl al-Dûi de Shaykh Sadûq, Téhéran, 1301; Ithbât al-hudât; Bihâr al-anwâr, vol.LI et LII, 122.

95)-Usûl-al Kâfî, vol.I, p. 505; Irshâd, p. 319.

96)- Voir le Kitâb al-rijâl de Kashshf; Rijâl de Tûsf et les autres ouvrages de biographies (rijâl).

97)- Bihâr al-anwâr, vol.LI, pp. 2-34 et pp. 343-366; Kitâb al-ghaybah de Mohammad ibn Hassan Tûsi, Téhéran, 1324, pp. 214-243; Ithbât al-hudât, vol.VIet VII.

98)- Bihâr al-anwâr, vol.LI, pp. 360-361; Kitâb al-ghaybah de Tûsi, p. 242.

99)- Cette version particulière est rapportée d'après Abdallâh ibn Mas'ûd, al-Fusûl al-muhimmah, p. 27 1.

100)- Abu Ja'far (le 5ème Imam) a dit: «Quand votre «soutien» (qâ'im) paraitra, Allah placera Ses mains sur la tête de ses serviteurs. Alors-, à travers Lui, leurs pensées s'umront et à travers Lui, leur intellect deviendra parfait». Bihâr al-anwâr, vol.LII, pp. 328 et 336. Et Abû 'Abdallâh (le 6ème Imam) a dit: «Le Savoir comporte vingt-sept lettres, et tout ce qui a été apporté par les Prophètes comporte deux lettres; et les hommes n'ont rien appns en dehors de ces deux lettres. Quand notre «soutien» (qâ'im) viendra, il fera connaitre les vmgt-cinqautres lettres qu'il répandra parmi le peuple. II ajoutera les deux lettres, afin qu'elles soient diffusées sous la forme des vingt-sept», Bihâr al-anwâr, vol.LII, p. 336.

101)- Ibid., vol.Ll, p. 154.

102)- Ibid.

103)- Ibid, p. 160.

104)- Note de l'éditeur: le salut (de la racine falaha) dans ce sens ne signifie pas seulement salut dans le sens courant purement exotérique qu'il a acquis, mais aussi la délivrance et la réalisation spirituelle dans le sens le plus élevé du mot.

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