La famille du Prophète sawas en captivité à Koufa

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La famille du Prophète sawas en captivité à Koufa
Après la mise à sac du camp de la Famille du Prophète sawas, les officiers de l'armée de Yazid s'étaient réunis autour de leur commandant. Ils cherchaient un moyen d'assouvir leur soif de vengeance. L'un d'eux suggéra de faire piétiner les corps des Martyrs du camp de l'Imam Hussein sous les sabots des chevaux. Omar fils de Saad trouva l'idée excellente, et ordonna de la mettre à exécution. Mais plusieurs membres du clan des Bani Asad déclarèrent qu'ils ne permettraient pas que l'on profane de la sorte les cadavres de ceux des morts qui étaient leurs parents. D'autres soulevèrent la même objection à propos des compagnons de l'Imam Hussein, qu'ils soient ou non membres de leur tribu. Finalement Omar fils de Saad ordonna que seul le corps de l'Imam Hussein subirait ce traitement. On ferra spécialement de neuf pour cette occasion plusieurs chevaux. Quand les morts de l'armée de Yazid eurent été enterrés, quand les corps des Martyrs eurent tous été décapités, les cavaliers passèrent et repassèrent sur le corps de l'Imam Hussein, sur le corps de l'enfant préféré du Saint Prophète, sur le corps de l'un des deux Princes de la jeunesse du Paradis...

C'est un soleil de la couleur du sang qui se leva sur le matin du 11 Moharram. Etait-ce l'effet de la poussière qui emplissait l'air au-dessus de la plaine de Karbala? Ou bien l'astre du jour avait-il honte de devoir éclairé le spectacle de la profanation des corps des Martyrs, de l'humiliation de la Famille du Prophète? Ou rougissait-il de colère d'être le témoin impuissant de tant de bassesse et d'ignominie?

 Les soldats de Yazid enchaînèrent les femmes et les enfants. Les voiles qui masquaient aux regards les visages des femmes avaient été arrachés. Les cous, les mains, les pieds furent liés de cordes et de chaînes. Tous furent hissés sur des chameaux sans selle. La caravane se mit en mouvement. Devant, en procession, venaient les têtes. Les têtes des Martyrs, plantées au bout de piques. 
Outre l'Imam Hussein, dix-sept membres de la Maison du Prophète . La tête de l'Imam Hussein précédait les autres. Derrière la caravane, couvert de lourdes chaînes, titubant de fièvre et d'épuisement, Ali Zayn Abidine.

La caravane marchait vite. Quand parfois un enfant glissait et tombait à terre, la femme à laquelle il était lié tombait également. Alors un soudard se jetait sur eux, levait son fouet, et frappait, frappait...

Au milieu de l'après-midi, on arriva sous les murs de Koufa. Pendant qu'un messager était dépêché auprès du Gouverneur Obeidullah, les soldats se reposèrent à l'ombre, se restaurèrent, se rafraîchirent... Les captifs demeurèrent en plein soleil, sans boire ni manger.

Le messager revint. Obeidullah fils de Ziyâd attendait ses prisonniers au palais. Le cortège devait suivre les principales rues de Koufa et traverser le marché principal. On se remit en marche. Un crieur allait devant:

-Habitants de Koufa ! Hussein fils d'Ali, qui avait refusé de reconnaître l'autorité du Commandeur des Croyants, votre bien-aimé Calife Yazid, a été tué, ainsi que ses Chiites ! Les femmes et les enfants de sa Famille ont été faits prisonniers. Ils vont être conduits devant le Calife, qui décidera quel châtiment doit leur être infligé. Habitants de Koufa!

C'est le sort qui attend quiconque met en question l'autorité du Calife ! Habitants de Koufa! Hussein fils d'Ali, qui avait refusé... La foule, muette, accablée, se pressait sur le passage du cortège. Aux fenêtres, sur les terrasses, les femmes et les enfants, les yeux écarquillés, regardaient. Personne ne disait mot. Parfois on entendait un sanglot réprimé.

Le visage masqué, enchaînée, épuisée, Zaynab se dressa. Elle se tenait droite sur sa monture. Sa voix couvrit celle du crieur qui marchait loin devant:

- Gens de Koufa! Je suis Zaynab, la fille d'Ali, le Commandeur des Croyants, et de Fatima la Resplendissante! Je suis la petite-fille de l'Envoyé de Dieu! Je suis la sœur de Hussein, votre Imam, que vous avez tué! Gens de Koufa! Gens de traîtrise et de perfidie! Vous pleurez maintenant? Que vos larmes ne sèchent jamais! Que vos cris ne cessent pas! Le mal que vous avez commis est si grand que Dieu est en Colère contre vous. Vous demeurerez immortels dans le Feu! De votre trahison vous ne récolterez que honte et déshonneur. Comment pourriez-vous vous faire pardonner l'assassinat du fils du Saint Prophète sawas, la Preuve de Dieu sur terre, votre Imam? Subissez les conséquences de votre crime! Soyez bannis et écrasés! Soyez humiliés et avilis! Malheur à vous, gens de Koufa! Qu'une pluie de sang s'abatte sur vos tètes! Qu'une torture sans fin soit votre lot dans l'Au-delà !

Les portes du palais du Gouverneur avaient été laissées ouvertes pour permettre à tous de venir féliciter Obeidullah fils de Ziyâd pour sa victoire sur l'Imam Hussein. Il était assis sur son trône, et paraissait joyeux. Il jouait négligemment avec une barre de fer dont il tapotait la tête et les lèvres de l'Imam Hussein (as), qui avait été déposée à ses pieds. Un vieillard, Compagnon du Saint Prophète sawas , Zayd fils d'Arqam, fut révolté par ce spectacle:

- Ote cette barre de fer de ce noble visage et de ces nobles lèvres, car j'ai vu de mes yeux les lèvres du Prophète s'y poser je ne sais combien de fois!

Et Il sanglota

Obeidullah se mit en colère:

- Si tu n'étais pas un vieillard sénile qui a perdu la raison, je t'aurais fait décapiter à l'instant!

Zayd fils d'Arqam sortit, accablé, se rappelant l'heureux temps où le Prophète jouait avec son petit-fils, le serrait contre lui l'embrassait...

Les captifs furent conduits en présence du Gouverneur, qui se les fit présenter un par un. Quand arriva le tour d'Ali Zayn Abidine, Obeidullah demanda:

- Qui es-tu?

- Je suis Ali fils de Hussein.

- Mais Ali fils de Hussein n'a-t-il pas été tué?

- J'avais un frère qui portait aussi ce nom. Les gens l'ont tué.

- C'est plutôt Dieu Qui l'a tué!

- Dieu accueille les âmes au moment de leur mort...

- Comment oses-tu me parler sur ce ton? Tu vas voir! Aucun fils de Hussein ne restera en vie! Bourreau, décapite-le!

Zaynab bondit, elle s'accrocha au fils de son frère. Elle cria:

Ne crois-tu pas que tu as déjà suffisamment répandu notre sang? Par Dieu, je ne le quitterai pas. Si tu le tues, tue-moi aussi avec lui!

Obeidullah hésita:

- Quel touchant tableau de famille! Tu voudrais que je te tue, Zaynab? Eh bien, je ne te ferai pas ce plaisir! Après tout, le Calife Yazid décidera du sort du fils de Hussein... Tu sais, Zaynab, quand vous êtes entrés, j'ai eu mal à croire que j'avais devant moi la Famille du Prophète... Je pensais plutôt que toi et les autres femmes n'étiez que de vulgaires esclaves qu'on avait achetées au marché!

Zaynab répondit à l'insulte:

- Fils de Ziyâd! Nous sommes les sœurs de Hussein, les petites-filles de Mohammad, que tu reconnais comme ton Prophète! Toi et les autres larbins de Yazid, vous avez foulé aux pieds les Principes de l'Islam en échange de quelques menus avantages matériels. Aujourd'hui tu te pavanes, et tu t'enorgueillis de la victoire de tes cinq mille soudards sur une poignée de héros! Tu te crois puissant parce que tu peux insulter impunément des femmes et des enfants sans défense. Mais je te préviens fils de Ziyâd! Bientôt la mort va s'abattre sur toi! Il te faudra alors rendre compte de tes crimes! Il te faudra payer pour l'assassinat du petit-fils du Prophète et de tous ceux qui étaient avec lui et à qui tu reprochais de refuser l'autorité religieuse d'un ivrogne et d'un débauché!

Les paroles de Zaynab produisirent l'effet d'un coup de tonnerre. Obeidullah, en l'écoutant parler, observait les réactions des présents. Il vit que tous écoutaient attentivement. Certains semblaient approuver de la tête, certains essuyaient furtivement une larme qu'ils n'avaient pu empêcher de couler.

Obeidullah vit que tous, presque sans exception, admiraient le courage de cette femme, et il se dit qu'elle était bien capable de soulever la ville entière contre lui! En hurlant, il lui ordonna de se taire, menaçant des pires châtiments elle-même et les autres captifs si elle n'obéissait pas. Zaynab continua de plus belle. Elle parla des mérites de son frère, l'Imam Hussein, qu'elle mit en parallèle avec les vices du fils de Muawiya. Elle dénonça les, atteintes que le dictateur omeyyade portait à l'intégrité du Message de l'Islam. Elle décrivit en détail les atrocités commises par les hommes de main du Calife à Karbala.

Obeidullah appela ses gardes, leur dit de faire sortir immédiatement les prisonniers. Il ordonna à Chamir de prendre à l'instant même la route de Damas, sans laisser un moment de plus Zaynab et les autres a Koufa. Et lui-même, fou de colère, sortit du palais pour aller à la Mosquée.

Du haut de la chaire, Obeidullah regarda la foule qui était massée à ses pieds. Il était ivre d'orgueil d'être Gouverneur de cette ville, autant que de la perfide victoire que ses troupes venaient de remporter. Il voulait chasser la fâcheuse impression que lui avait laissée le discours de Zaynab. Cette femme lui avait gâché le plaisir qu'il pensait tirer de son succès. Il prit la parole, s'adressant aux habitants de Koufa:

- Gloire à Dieu, Qui a fait triompher la Vérité et ses partisans, Qui a donné la victoire au Commandeur des Croyants, Yazid, et Qui a tué le menteur, Hussein, fils du menteur, Ali, ainsi que ses Chiites!

Une voix lui répondit faisant trembler les murs de la Mosquée:

- Tais-toi, ennemi de Dieu! Cesse de blasphémer! Tu es un menteur, de même que ton père, et de même que celui qui t'a nommé à ce poste et que le père de celui-ci! Tu as assassiné les descendants des Prophètes, et maintenant tu oses monter à leur place ici, sur cette chaire!

- Obeidullah pâlit, incapable de poursuivre:

- Attrapez-le!

Les soldats se saisirent de l'homme, Abdallah fils de Afif, qui était un Chiite de l'Imam Ali. Mais Abdallah lança le cri de guerre de sa tribu, les Azd. Immédiatement les guerriers se rassemblèrent, l'épée à la main. Obeidullah fut contraint de relâcher Abdallah. Mais la nuit venue, ses hommes de main s'introduisirent chez le courageux Chiite. Ils le tuèrent, et le crucifièrent sur la porte de sa maison.
 
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