Erdogan, bientôt, à Damas ?

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Dans son récent article, publié, sur le site d'information Al-Ray al-Youm, Abdul Bari Atwan juge probable le déplacement, dans les semaines à venir, du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, à Damas pour rencontrer le Président syrien, Bashar al-Assad. Dans son article, il fait allusion au succès de la stratégie suivie par la Syrie. Il évoque, également, le changement de position rapide de la politique d'Ankara en fonction ses intérêts nationaux. Dans son article, nous lisons : « Les différends constatés dans les positions de divers pays de la région ont transformé, en moins de 24 mois, le Moyen-Orient, en une région agitée, marquée par les guerres, les confrontations, et les changements dans les coalitions et les positions. En novembre 2011, Téhéran s'est mise en colère contre la décision d'Ankara d'installer les missiles de l'Otan sur son sol. Ces missiles y avaient été déployés pour, dit-on, protéger Israël en cas d'une éventuelle attaque contre ce régime de la part de l'Iran. A l'époque, le Commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique a averti, clairement, qu'en cas de l'attaque d'un pays étranger contre le territoire iranien, l'Iran prendra la Turquie pour la cible. En octobre 2012, les avions de combats turcs ont arraisonné un avion de ligne syrien qu'ils prétendaient transporter des armes. Cet avion, faisant liaison Moscou-Damas, a été forcé d'atterrir à Ankara. Et il a été autorisé, après plusieurs heures d'escale et d'inspection, à redécoller à destination de Damas. Se rangeant, dès le début de la crise du côté des rebelles syriens et favorable à une intervention militaire contre la Syrie, la Turquie adopté la position la plus dure et la plus hostile contre les pays protecteurs de Damas, dont l'Iran, l'Irak et le Hezbollah. Cela étant dit, on a constaté un revirement dans la politique d'Ankara. Ankara a admis de procéder au grand recul diplomatique dans le dossier syrien, ce qui a suscité la grande surprise des anciens alliés de ce pays, c'est-à-dire, le Qatar et l'Arabie Saoudite. C'est dans le cadre d'une telle logique que le Premier ministre turc s'est rendu, la semaine dernière, à Moscou, à la tête d'une haute délégation, composée d'entre autres, les Ministres des Affaires étrangères et de l'Energie. Au début de sa rencontre avec Poutine, Ergodan a évoqué la demande de la Turquie de siéger à l'Organisation de Coopération de Shanghai. De par un tel geste, le Premier ministre turc voulait, en effet, humilier l'Union européenne qui refuse, depuis des années, l'adhésion de la Turquie à la Maison européenne, en avant des conditions inapplicables. En contrepartie, Poutine a demandé à Erdogan d'exercer des pressions sur les rebelles syriens pour qu'ils participent à la conférence de Genève II. Le point intéressant à soulever que lors de cette rencontre, le Premier ministre turc n'a pas réitéré son exigence du départ du Président Assad. Ce, alors que dans le passé, il disait que cela était une condition non-négociable, pour toute solution politique à la crise. Il disait, également, que la conférence de Genève ne peut que fournir une opportunité au gouvernement pour gagner davantage de temps. Mercredi dernier, le Ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu s'est rendu, à Téhéran où il a rencontré son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif. Au cours d'une conférence de presse conjointe, à Téhéran, ils ont dit vouloir coopérer ensemble pour résoudre la crise syrienne et arrêter l'effusion du sang. Les deux ministres ont appelé, aussi, à un cessez-le-feu, entre le gouvernement et les opposants, avant la conférence de Genève. A Téhéran, le chef de la diplomatie turque a rencontré, également, le Président iranien, Hassan Rohani. Au cours de cette rencontre, le Président iranien a exprimé son souhait de se rendre en Turquie, le mois prochain, ce qui traduit les grands changements dans les positions des dirigeants turcs. Au début de la crise syrienne, le gouvernement turc comptait sur de nombreux alliés puissants qui l'entouraient. Cependant, la Turquie s'est retrouvée, au fur et à mesure, seule dans sa prise de position envers la Syrie. Les Etats-Unis et l'Europe ont repensé dans leur politique de confrontation avec l'Iran. En changeant de position, ils sont, désormais, à la recherche d'une convergence avec l'Iran et de la création de nouvelles alliances dans la région. Le soutien d'Erdogan à Mohammad Morsi, ancien Président égyptien, lui a valu la désapprobation des pays arabes du Golfe persique (Sauf le Qatar). La politique d'Erdogan lui a valu l'expulsion de l'ambassadeur turc d'Ankara. Dans la foulée de ces évolutions, il n'est pas improbable qu'Ankara revienne sur ses positions, adoptées dans le passé, envers la Syrie, tout en cherchant des nouvelles alliances pour assurer davantage sa sécurité intérieure et celle de ses frontières. En parallèle avec ses rapprochements avec l'Iran et la Russie, la Turquie a signé un contrat d'achat de missiles avec la Chine. De même, Erdogan a envoyé, il y a deux semaines, son Ministre des Affaires étrangères, à Bagdad. Tout cela montre que la diplomatie russe envers le dossier syrien s'est traduite par un grand succès. Erdogan est quelqu'un de pragmatique et a montré, durant 10 ans années de son règne, qu'il n'hésitera, même pas, un seul instant, pour changer de position en fonction des intérêts nationaux de son pays. Lorsqu'il a constaté que son pays avait été marginalisé, à la Conférence de Genève et dans les équations régionales, il a modifié, d'une manière générale, les règles du jeu pour qu'il puisse jour son rôle régional en tant qu'n acteur puissant. Quelques jours après la visite d'Ahmet Davutolgu, l'ambassadeur iranien en poste à Ankara a déclaré que son pays était prêt à jouer les médiations entre la Turquie et la Syrie et pour que la situation revienne à l'état d'antan. Nous ne jugeons pas improbable le fait de voir Davutoglu ou Erdogan, lui-même, faire ses valises pour se rendre, dans les semaines à venir, à Damas pour rencontrer Bashar al-Assad.

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