Riyad, a-t-il peur d'une entente politique Téhéran-Washington ?

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L'Arabie saoudite était l'une des 9 pays que le Secrétaire d'Etat américain, Johk Kerry, a visités, au cours de sa première tournée régionale, en tant que Ministre des A.E.John Kerry qui, pour certains, se différencie de son prédécesseur Hillary Clinton, par une préférence pour la tolérance et surtout, l'interaction, avec Téhéran, a, pourtant, prononcé à Riyad, des paroles qui neutralisent des rumeurs sur le changement de la politique étrangère américaine, sous le second mandant d'Obama. « La fenêtre pour le dialogue avec l'Iran ne restera pas ouverte pour toujours », a affirmé John Kerry à Riyad, dans une prise de position apparemment partagée par son homologue saoudien Saoud Al-Fayçal qui, en plus, s'est déclaré inquiet en raison du programme nucléaire iranien. A ce propos, le journal en ligne irdiplomacy.ir a demandé l'avis du Dr. Ali-Akbar Assadi, sur les positions des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite envers l'affaire nucléaire, mais aussi, au sujet de la perspective des relations Riyad-Washington et de leurs soucis communs, des inquiétudes américaines liées à la croissance du salafisme en Syrie et de l'appui saoudien aux forces extrémistes sur la donne syrienne, sans oublier leur approche envers l'affaire Bahreïnie. Les lignes qui suivent sont retirées de cette interview.

''Les relations américano-saoudiennes pendant le premier mandant de Barack Obama étaient en quelque sorte le prolongement des relations stratégiques établies, depuis des années, entre les deux pays, non sans quelques changements issus des différents de points de vue, sur un fond d'évolutions régionales et d'émeutes populaires.

Dans la foulée des soulèvements populaires dans des pays comme l'Egypte et la Tunisie, les Etats-Unis ont réalisé qu'ils ne pouvaient plus soutenir Moubarak et Ben Ali ; ils ont donc accepté le changement de pouvoir dans ces pays, jouant plutôt la carte des groupes révolutionnaires et des courants populaires. Cette attitude a pourtant provoqué le mécontentement de Riyad, en ce qui concerne la politique régionale de Washington. Mais pour ce qui concerne le cas de Bahreïn et de Yémen, l'Arabie saoudite a accepté, en quelque sorte, l'approche américaine, compatible, d'ailleurs, avec les considérations sécuritaires et régionales des Saoud.

S'agissant de la Syrie, on pourrait dire que les Américains et Saoudiens ont de vastes soucis partagés. Les deux pays ont donc adopté une politique presque semblable. Malgré certains différends, nous sommes été témoin de la poursuite des relations politico-sécuritaires entre Washington et Riyad ; les plus grandes transactions militaires concernent la vaste vente d'armements américains à l'Arabie saoudite : un cas parmi les plus célèbres dans l'histoire de l'industrie militaire états-unienne.

L'Arabie saoudite est toujours un allié stratégique des Etats-Unis dans la région. Vu le rôle régional de l'Arabie saoudite, notamment, sur le plan énergétique, les Etats-Unis souhaitent donc maintenir ces sérieuses relations et interactions avec Riyad qui a accueilli John Kerry dans sa première tournée régionale.

Les soucis communs Riyad-Washington sont axés sur quatre points importants :

-Endiguer l'influence régionale iranienne, y inclus également les débats contre le programme nucléaire du pays.

-La sécurité et la stabilité du golfe Persique sont liées à la coopération entre les Etats-Unis et les pays du CCGP, avec un affaiblissement du poids iranien. De cette opinion, résulte une autre: Riyad et Washington sont contre un changement politique structurel à Bahreïn.

-Concernant l'affaire syrienne, les deux pays sont pour le changement géopolitique du pouvoir, pas seulement en Syrie, mais dans toute la région du Cham et si possible, suivi par une redéfinition de l'équilibre du pouvoir interne, au Liban.

-Parlant du processus de paix moyen-orientale, les Etats-Unis et l'Arabie saoudite plaident pour la poursuite du processus déjà établi, reposant sur la solution de deux Etats.

L'objectif commun des Etats-Unis et de l'Arabie saoudite, en Syrie, consiste en un changement de pouvoir et un départ de Bachar Assad. Les deux pays soutiennent, donc, les opposants. Les Etats-Unis ont pourtant de plus sérieuses inquiétudes. Des groupes extrémistes dont le front Al-Nosra, lié à Al-Qaïda, exercent désormais une certaine autorité sur la scène et touchent une grande partie des aides financières et en armements régionales. Ces inquiétudes se sont renforcées depuis, surtout, l'assassinat de l'ambassadeur américain en Libye. Les Etats-Unis souhaiteraient, ainsi, que les opposants extrémistes s'affaiblissent, pourquoi pas, avec un arrêt des aides en argent et en armement, et par contre, que les opposants modérés s'affirment davantage. Cette approche se traduit par une préférence relative américaine, pour les approches politiques et qui, pourtant, est accompagnée d'un dosage de pression. De son côté, l'Arabie saoudite a fourni, jusqu'ici, un vaste appui militaire et financier aux opposants dont des forces extrémistes, ce que les Américains n'apprécient pas beaucoup. L'Arabie saoudite, aussi, y a ses propres inquiétudes. Elle ne souhaite nullement que les Frères s'affirment en Syrie, ni dans la région. On pourrait donc dire que les Etats-Unis et l'Arabie saoudite avancent vers une convergence d'approche en Syrie, afin de parvenir à un modèle yéménite, ou presque...''

Mais une importante question s'impose : le printemps arabe, a-t-il provoqué de sérieux différends entre Washington et Riyad ? C'est en ces lignes que le Dr. Ali-Akbar Assadi élabore son analyse, sur cette question :

''Les évolutions survenues en Tunisie et en Egypte ne se sont pas avérées bénéfiques pour l'Arabie saoudite ; c'est, du moins, le sentiment qu'auraient éprouvé les responsables saoudiens, et qui les a conduit à changer d'approche, envers les évolutions de Bahreïn ; or, en raison de la situation géographique de ce pays, lesdites évolutions pourrait sérieusement influer sur l'Est de l'Arabie, en particulier, et sur toute la région du golfe Persique, en général. Les Saoudiens ont donc décidé de passer directement à l'acte, en envoyant des forces à Bahreïn. Bien qu'ils restent critiques envers la situation des droits de l'Homme à Bahreïn, les Etats-Unis n'ont affiché aucune objection officielle envers cette mesure. Cela signifie que les Américains approuvent, quasiment, l'attitude de Riyad. En outre, les intérêts régionaux de l'Arabie saoudite et de leurs alliés semblent compter beaucoup. Cela dit, on ne devrait pas attendre de gros changement dans la donne américano-saoudienne, ni de sérieux différends entre les Âl-e Saoud et la Maison Blanche.''

Le nucléaire iranien semble être un autre important champ d'entente entre Saoud Al-Fayçal et John Kerry. L'expert iranien explique ainsi ses avis sur les raisons de l'opposition sérieuse, côté saoudien, contre les activités nucléaires iraniennes :

''Au sujet de l'Iran, les Etats-Unis et l'Arabie saoudite s'entendent, en ce sens qu'ils leur faudrait enrayer le rôle et l'influence de la RII dans la région. Les saoudiens trouvent le programme nucléaire iranien, comme faisant partie du processus de renforcement de la puissance iranienne, ce qu'ils ne peuvent pas accepter. Ils souhaitent donc que le programme nucléaire iranien soit arrêté ou limité. Riyad aimerait ainsi que l'Occident et surtout, les Etats-Unis puissent affaiblir le poids régional de l'Iran, au travers des pressions au sujet de l'affaire nucléaire. Les Saoudiens regardent d'un mauvais œil les négociations entre l'Iran et les 5+1. Ils s'inquiètent de voir les puissances mondiales tolérer un nouveau mode du poids iranien, ce qui sera, évidemment, une grande source d'inquiétude pour les pays arabes du golfe Persique, notamment, l'Arabie saoudite...''

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