En route pour la guerre, les yeux fermés

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En route pour la guerre, les yeux fermés

Il est clair, aux yeux de toutes et de tous, que l’Occident impérialiste accorde tous ses soins à la préparation d’une guerre à l’Est de l’Europe. La première étape se déroule depuis un certain temps. À travers les “sanctions économiques”, il s’agit d’épuiser la Russie comme on le ferait d’un taureau de combat qui, sous les banderilles d’hommes à pied, puis sous la pique du picador, perd peu à peu son sang et sa vigueur, devenant ainsi plus apte à entrer dans le jeu du torero.

C’est déjà ainsi qu’il en était allé avec l’Irak de Saddam Hussein, jusqu’au moment où il a été possible de lui porter une estocade fatale dont ce pays n’a plus aucune chance de se remettre douze ans plus tard… Les criminels qui ont réussi ce coup fameux, capable de produire un chaos d’une telle permanence, n’ont bien sûr pas été inquiétés. Tout au contraire, ils auront été des pionniers : ils ont suscité des vocations : Sarkozy hier, en Libye ; Hollande aujourd’hui, aussi bien contre la Syrie que contre la Russie… Et bien d’autres, ici ou là, notamment en Pologne et en Ukraine.

L’Europe n’attend plus que de trouver son chef…

Quant à son maître, elle n’a plus depuis longtemps à le désigner. Il se désigne lui-même : ce sont les États-Unis.

Dans ce contexte, il ne sera pas inutile de relire le grand stratège U.S. d’origine polonaise, Zbigniew Brzezinski, qui écrivait dans Le Grand échiquier – L’Amérique et le reste du monde, paru en 1997 : “À bien des égards, la suprématie globale de l’Amérique rappelle celle qu’ont pu exercer jadis d’autres empires, même si ceux-ci avaient une dimension plus régionale. Ils fondaient leur pouvoir sur toute une hiérarchie de vassaux, de tributaires, de protectorats et de colonies, tous les autres n’étant que des barbares… Pour anachronique qu’elle puisse paraître, cette terminologie peut s’appliquer à certains États situés dans l’orbite américaine.” (pages 34-35)

En France, il est assez clair que la population dort tandis que la guerre est déjà déclarée. La souveraineté n’est plus qu’un vague rêve auquel elle ne se risque plus du tout. Mais la bourgeoisie nationale dort elle aussi : ce qui est tout de même plus étonnant. Elle dort sur ses richesses, elle dort sur son patrimoine mobilier et immobilier. Elle dort sur l’argent qu’elle a placé un peu partout dans le monde, frauduleusement ou très honnêtement : si les choses tournent mal, elle rejoindra cet argent investi, ces villas qu’elle a acquises, qui au Maroc, qui ailleurs, ces enfants qui sont installés aux Etats-Unis, dans les émirats, etc…

Le temps de la grande recomposition ne lui fait pas peur. Et donc, elle dort.

Comme Zbigniew Brzezinski le remarquait en 1997 : pour calmer le monde, il ne faut pas grand- chose. Ainsi, Rome disposait-elle de très peu de moyens au regard des superficies à couvrir, à pied ou à cheval :

“À l’apogée de l’empire, l’effectif des légions romaines déployées à l’étranger se montait à trois cent mille hommes.” (page 35)
Or, maintenant, avec les avions, les drones, les fusées interplanétaires et les satellites, il paraîtrait ne plus s’agir que d’un jeu d’enfant pour savoir intervenir pertinemment à la minute un peu partout sur la planète. De sorte que notre géostratège émérite peut s’émerveiller à bon compte :

“Coïncidence remarquable, en 1996, la puissance prépondérante, les États-Unis, malgré la différence d’échelle entre les populations, protégeait les marches de son domaine à l’aide d’un contingent de 296 000 soldats professionnels.”

Mais le pire n’est peut-être pas là.

Il est dans le somnambulisme généralisé de nos contemporains endormis du continent européen : de vrais abruti(e)s des… droits de l’homme.

Cette dernière vocation trouve elle aussi son explication “romaine” chez Zbigniew Brzezinski : “Un facteur psychologique important contribuait aussi à la puissance impériale : aucune affirmation d’identité ne pouvait rivaliser avec le civis romanus sum (« Je suis un citoyen romain »), source de fierté et d’aspiration pour beaucoup. Finalement concédé aux sujets non romains de naissance, le statut convoité de citoyen exprimait une supériorité culturelle qui faisait de l’expansion de l’empire une véritable mission. Partout où elle s’imposait, la loi de Rome trouvait ainsi sa légitimité et incitait ceux qui la subissaient à désirer l’assimilation dans les structures impériales. La supériorité culturelle – évidente aux yeux des maîtres et admise par les sujets – renforçait l’ordre établi.” (pages 35-36)

En Europe, nous sommes, toutes et tous, porteurs et porteuses du virus des droits de l’homme à coups de fusil, comme Voltaire et ses petits camarades l’étaient de la tolérance les armes à la main, selon ses propres termes. Autrement dit, nous sommes les enfants chéris de George W. Bush et de Nicolas Sarkozy. Ces deux-là sont des modèles irrésistibles.

Leur héroïsme faisait plaisir à voir. Leur grandeur était en béton armé.

Pendant qu’ils agissaient avec leurs bombes, nous étions heureux devant nos téléviseurs… Aujourd’hui, la nostalgie nous saisit à la gorge… Leurs successeurs seront-ils aussi vaillants ? Nos écrans plats seront-ils égayés de cette vraie couleur de sang qu’ils avaient su donner à nos soirées en famille, auprès de ces êtres chers qui nous entourent devant le beau, le grand spectacle de la guerre ?…
Voilà où nous en sommes, en Europe. Le reste du monde a tout intérêt à le savoir… Voilà jusqu’où nous avons glissé. Et jusque dans quoi…

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